«On va s’enquérir de la valeur nette du client, de celle de son conjoint et de l’utilisation que l’on compte faire de la propriété (utilisation personnelle, location, revente à court ou à long terme) avant d’aller de l’avant. Ces facteurs influenceront la décision d’acheter directement au nom de l’acquéreur ou par l’intermédiaire d’une société par actions ou d’une fiducie», explique Annie Boivin, directrice principale, planification fiscale et successorale pour Gestion de patrimoine TD.

Pourquoi consulter avant ? «Parce qu’il est souvent trop tard après l’achat pour changer d’idée sans entraîner de lourdes conséquences fiscales», prévient Jamie Golombek, directeur gestionnaire, Planification fiscale et successorale, Services consultatifs de gestion de patrimoine CIBC.

Droits successoraux

Un des premiers écueils auquel se heurtera l’acheteur canadien est l’imposition de droits successoraux lors du décès. «Cela peut surprendre un Canadien, car nous n’avons pas ce genre d’impôt au Canada», témoigne Annie Boivin.

Ces impôts successoraux fédéraux peuvent atteindre 40 % de la juste valeur marchande de la propriété. À ces droits successoraux fédéraux peut s’ajouter un impôt étatique. «En plus, près de 40 % des États américains appliquent leur propre impôt successoral», avertit Jamie Golombek.

«Toutefois, il n’y a pas d’impôts successoraux en Floride, l’État le plus populaire auprès des Québécois», ajoute Isabelle Tremblay, avocate fiscaliste au cabinet Joli-Coeur Lacasse.

Annie Boivin met cependant un bémol. «Pour les Canadiens, il existe une exemption lorsque la valeur de la succession mondiale est de 5,34 M$ US ou moins en 2014, qui peut doubler à 10,68 M$ US si le conjoint hérite», précise-t-elle.

Mais attention : «Être conjoint de fait ne suffit pas, il faut obligatoirement être marié», insiste Isabelle Tremblay.

«La valeur des polices d’assurance vie et les actions d’une entreprise privée seront incluses dans ce calcul de la valeur de la succession mondiale, ce qui pourrait hausser votre patrimoine mondial au-delà de l’exemption», observe Annie Boivin.

Il serait tentant alors de faire don de sa propriété de son vivant afin de réduire sa valeur nette à moins de 5,34 M$ US. «Toutefois, cette option est dangereuse, car le don pourrait mener à une double imposition», insiste fortement Jamie Golombek.

La société par actions, désuète

Pendant longtemps, une autre solution consistait à détenir la résidence secondaire par l’intermédiaire d’une société canadienne par actions. Cette option n’a cependant plus la cote.

«Aujourd’hui, l’Agence du revenu du Canada impose un avantage fiscal au propriétaire de la société pour tout usage personnel de la propriété, ce qui rend cette stratégie moins intéressante», pondère Jamie Golombek. Cette option n’est de mise que si on pense acheter la propriété pour en tirer exclusivement un revenu de location.

La fiducie : une panacée

La fiducie semble donc la plus appropriée des options. «Deux options courantes sont la copropriété avec gain de survie et la tenance commune (tenancy in common). Dans le premier cas, le droit de propriété est transmis aux autres propriétaires au décès», explique Jamie Golombek avant d’ajouter : «Mais, sans la preuve que les autres propriétaires ont participé à l’achat, la valeur totale de la propriété sera assujettie à l’impôt successoral américain».

Pour ce qui est de la tenance commune, le droit de propriété sera transmis aux héritiers et seule la part de votre client sera imposée. Isabelle Tremblay rappelle que pour éviter l’application des droits successoraux, la fiducie doit être irrévocable. Une fiducie révocable ne permettra que d’éviter les «probate fees» ou frais d’homologation (jusqu’à 3 % en Floride).

Il ne faut pas nécessairement avoir recours à un avocat américain, poursuit Me Tremblay. «Un juriste canadien qui connaît le droit américain mettra sur pied une fiducie transfrontalière dont l’objectif sera la détention de l’immeuble», explique-t-elle.

Annie Boivin rappelle qu’un testament complémentaire et un mandat en prévision de l’inaptitude rédigés par un avocat américain et qui respectent les lois américaines sont requis si l’on détient la propriété autrement que par l’intermédaire d’une fiducie.

Revenus de location

Le fisc américain aura aussi votre client à l’oeil si ce dernier loue son bien foncier une partie de l’année. «Le locataire ou l’agence de location devra retenir 30 % du loyer et le verser à l’Internal Revenue Service (IRS). Il s’agit de 30 % du revenu brut, et non net», dit Isabelle Tremblay.

«Pour éviter cet inconvénient, il faut faire un choix à cette fin et soumettre une déclaration de revenus aux États-Unis», ajoute l’avocate. Votre client sera alors imposé sur son revenu net de location (le revenu net, moins les dépenses admissibles). Il s’agira alors d’un revenu d’entreprise imposé au taux progressif des entreprises.

«L’impôt payé aux États-Unis donne droit au crédit pour impôt étranger lorsque vous soumettez votre déclaration canadienne de revenus», mentionne Me Tremblay.

Vente du vivant

Si votre client revend sa propriété de son vivant, le taux d’imposition sur le gain en capital maximum peut atteindre 39,6 % si la revente survient moins de 12 mois après son achat, ou 20 % ultérieurement.

De plus, l’acheteur ou son agent devra retenir au nom du fisc américain 10 % du produit brut. «Si on veut éviter cette retenue, on doit demander un certificat de retenue d’impôt à l’IRS», commente Jamie Golombek. «La somme sera récupérée lors de la présentation de la déclaration de revenus pour l’année en question si l’on n’a pas demandé le certificat, mais cela risque d’être long», observe Isabelle Tremblay.

Dans ce cas également, les impôts payés aux États-Unis donneront lieu à un crédit pour impôt étranger au Canada. De plus, le contribuable pourrait choisir de déclarer sa propriété américaine comme étant sa résidence principale et ainsi éviter l’imposition du gain en capital sur celle-ci au Canada.

«Toutefois, si le résident canadien a une autre résidence au Canada, il faudrait déterminer s’il est judicieux de faire ce choix», recommande Me Tremblay. Or, les conseillers consultés par Finance et Investissement semblent écarter cette option dans la vaste majorité des cas.