«Les clients ou leurs comptables leur demanderont de répartir avec précision les honoraires entre leur compte REER, leur compte d’épargne libre d’impôt (CELI), leur fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), et leurs comptes non enregistrés», dit-elle.

De plus, les factures devront expliquer clairement la nature de ces honoraires afin de déterminer leur admissibilité.

Mise en garde similaire de Sylvain Paquet, associé délégué en fiscalité au cabinet comptable EY : «Le message livré par Revenu Québec à la table ronde de l’APFF était sans équivoque, mais les propos tenus par le fisc aux rencontres préliminaires à ce congrès étaient tout aussi explicites», souligne le fiscaliste de la Vieille Capitale.

«Le fisc nous a prévenus que c’est au contribuable qu’incombera le fardeau de preuve», ajoute-t-il.

Stéphane Dion, chef des relations publiques de Revenu Québec, confirme ces propos : «Le contribuable doit être en mesure d’établir les raisons pour lesquelles il paie le montant et de démontrer qu’il ne s’agit pas d’une commission.»

Déductible ou pas, c’est là la question

La première question à se poser est de savoir si la somme versée à un conseiller est une commission au sens de l’article 157, paragraphe d de la Loi sur les impôts : «Une commission englobe les frais engagés à l’occasion de l’acquisition ou de l’aliénation d’une valeur mobilière, et de tels frais doivent plutôt être ajoutés à son coût d’acquisition (prix de base rajusté)», précise Stéphane Dion.

Cependant, que répondre au client qui se demanderait pourquoi une telle commission n’est pas déductible ? Sarah Phaneuf aime recourir à l’analogie de la commission versée à un agent immobilier lors de l’achat d’une propriété à revenus.

«On ne peut pas déduire de nos revenus la commission versée lors de l’achat d’un immeuble à revenus. On doit plutôt l’ajouter au prix de base rajusté. Il en va de même pour les commissions versées à l’achat et à la vente d’une action ou d’une valeur mobilière», résume la fiscaliste. Ainsi, elles ne pourront être déduites qu’à la revente, où elles serviront à réduire le gain en capital, si gain il y a.

Stéphane Dion mentionne également que pour être déductible, la dépense «doit être payée pour obtenir un avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre un titre».

«Ainsi seuls les conseils et les services liés à l’élaboration d’une stratégie d’investissement ou à l’aliénation de certaines actions ou valeurs mobilières seront considérés comme admissibles», précise Sylvain Paquet.

Du coup, les demandes de déductibilité de tous les honoraires liés à des services de planification financière générale qui ne consistent pas à donner des conseils sur l’achat ou la vente de titres ou de valeurs mobilières en particulier seront refusées par le fisc. Le fiscaliste ajoute que ces dépenses seront plutôt considérées comme des dépenses en capital et seront additionnées au coût d’achat. Notons par ailleurs que Revenu Québec a statué que les fonds distincts ne constituent pas des valeurs mobilières, et que les honoraires liés à ces produits d’assurance ne sont pas déductibles.

Certains services seront toutefois admissibles pour déduction. «La garde de valeurs mobilières, la tenue de registres comptables, la perception et le versement d’un revenu et le droit qu’a une personne d’acheter et de vendre à sa discrétion au nom de certains clients sans les consulter sont des services admissibles», soutient Sarah Phaneuf.

Besoin de ventilation

Autre difficulté pour les conseillers : ils devront départager les honoraires admissibles de ceux qui ne le sont pas ; mais ils devront également les répartir entre les comptes REER, CELI, FERR et le ou les comptes non enregistrés.

En effet, Revenu Québec prévient que la ventilation doit être faite sur la facture et qu’elle doit distinguer spécifiquement les honoraires suivants :

1.ceux qui se rapportent à des services admissibles à la déduction ;

2.ceux qui ne se rapportent pas à des services admissibles, les commissions traditionnelles, et ;

3.ceux qui sont liés aux services relatifs à un REER, à un FERR ou à un CELI dont le client est le rentier ou le titulaire.

Stéphane Dion insiste : «Le courtier doit être en mesure de cerner les honoraires liés spécifiquement à des services admissibles». Sinon, les honoraires ne pourront pas être déduits.

Par ailleurs, les conseillers n’ont pas intérêt à tenter de contourner l’application de l’article 133.4 de la Loi sur les impôts, qui précise l’inadmissibilité de la déduction des dépenses liées aux comptes enregistrés, en attribuant tous les honoraires aux comptes non enregistrés.

«Lorsque les honoraires sont attribués uniquement à l’égard des comptes non enregistrés alors que le contribuable détient des comptes enregistrés, la déduction sera refusée» met en garde Stéphane Dion. Cette interprétation est confirmée par les deux fiscalistes consultés. «Alors, tous les honoraires seront refusés», préviennent-ils.

Et le fédéral…

Qu’en est-il de l’Agence du revenu du Canada (ARC) ? Sylvain Paquet rappelle que la législation fédérale est semblable. «La seule différence, c’est que le gouvernement fédéral n’a pas fait connaître aussi fermement sa position», constate le comptable.

Il reste que, selon Sarah Phaneuf, la sortie de Revenu Québec ne représente pas un nouveau paradigme : «Étant donné la popularité de la nouvelle forme de rémunération des conseillers (honoraires selon l’actif plutôt que commissions traditionnelles), Revenu Québec a senti le besoin de baliser cette nouvelle tendance».