Pour Denis Senécal, les taux d’intérêt resteront bas pendant les cinq à dix prochaines années, et il ne faut plus considérer les titres à revenu fixe comme «un bloc monolithique».
Au-delà de la gestion de la duration des portefeuilles des clients, il suggère de s’intéresser aux obligations mondiales et à celles de pays émergents, ainsi qu’à d’autres types de placement comme les prêts bancaires.
Prêter comme un banquier
En matière de prêts bancaires, le contexte actuel peut d’ailleurs être considéré comme «un bon point d’entrée, surtout si l’on pense que les taux d’intérêt vont monter», d’après Stéphane Corriveau, président et directeur principal d’AlphaFixe Capital.
Ce dernier compare les prêts bancaires à des obligations à taux variable fixé périodiquement, ce qui réduit les risques de taux d’intérêt et constitue une protection contre l’inflation. Ils sont aussi connus sous l’appellation «prêts de rang supérieur à taux variable».
Par exemple, quand la firme de Warren Buffett, Berkshire Hathaway, a acquis la multinationale Heinz pour 28 G$ US, la structure du capital comportait 16 G$ US en capital-actions, 3 G$ US en obligations subordonnées et 9 G$ US en prêts bancaires.
Cette dernière tranche de dette sénior a été partagée sur le marché privé interbanque, et une partie a été distribuée aux investisseurs.
On trouve d’ailleurs la dette de Heinz dans la composition de certains portefeuilles de fonds négociés en Bourse (FNB) spécialisés dans les dettes bancaires américaines.
Plus près de nous, fait remarquer Stéphane Corriveau, des FNB du même genre comportent des éléments de la dette contractée par Burger King lors de l’acquisition de Tim Hortons et du financement d’Atrium Innovations ou de Bombardier Produits Récréatifs.
Les prêts bancaires à taux variable constituent un moyen différent et «plus protégé» d’exposition à des sociétés cotées à la Bourse de Toronto, selon lui.
De plus, comme la banque conserve en général pour son propre compte une tranche des prêts octroyés, elle a avantage à négocier des termes de prêts équitables. Les intérêts des investisseurs sont «pleinement alignés sur ceux de la banque qui négocie les termes de ces contrats», d’après Stéphane Corriveau.
De plus, avec des inventaires et des usines en garantie, les prêts bancaires affichent des risques de défaut de paiement moindres, ajoute-t-il. Stéphane Corriveau cite des données de Moody’s qui montrent que de 1987 à 2013, le taux de recouvrement moyen sur les prêts bancaires s’élève à 80 %, par rapport à 64 % sur les obligations garanties de premier rang et 28 % sur les obligations subordonnées.
Il note aussi que pour un risque de crédit comparable, la volatilité est moins importante dans ce secteur que dans celui des obligations à rendement élevé.
Quant à la liquidité, Stéphane Corriveau évalue à environ 500 M$ US par jour le volume de transactions sur les marchés secondaires, et de 15 à 20 le nombre hebdomadaire de nouvelles transactions ouvrant des possibilités de prêts bancaires.
Le règlement des échanges sur ces marchés secondaires peut cependant prendre jusqu’à 20 jours, par rapport à trois jours sur les marchés boursiers.
Marchés émergents
Pour sa part, Jean Charbonneau, vice-président principal et gestionnaire de portefeuille de titres à revenu fixe chez Placements AGF, s’est attardé à la perception de grande volatilité liée aux obligations émises dans les marchés émergents.
Selon lui, les rendements de ces titres sont, une fois rajustés au risque, «supérieurs à ceux des actions des marchés émergents».
Pour les obligations d’État des marches emergents, l’indice mondial diversifie JP Morgan (en devises locales) qui suit ce marché affichait au 30 septembre 2014 un rendement à échéance de 6,7 % pour une duration moyenne de 4,8 ans, note Jean Charbonneau : «C’est un rendement trois fois plus élevé que celui d’un portefeuille d’obligations canadiennes à duration moyenne de sept ans».
La valeur globale des titres de cet indice s’élève à plus de 1 000 G$ US, et Jean Charbonneau note un bon rendement, particulièrement en Roumanie et au Nigeria.
Quant aux obligations des marches emergents, l’indice mondial JP Morgan qui les réplique affiche une capitalisation boursière de 653 G$ US et une duration moyenne de 7,1 ans. Cependant, leurs coupons détachés comportaient un écart de 334 points de base par rapport aux obligations américaines. Dans cette catégorie, Jean Charbonneau observe même une volatilité inférieure à celle du marché américain des obligations à haut rendement.
En ce qui concerne les obligations de sociétés émises dans 47 pays émergents, l’indice elargi diversifie JP Morgan que ces titres suivent avait une capitalisation boursière de moins de 300 G$ US. Toutefois, leurs rendements sont moins volatils que ceux des deux premières catégories, d’après Jean Charbonneau.
Pour lui, il est intéressant d’englober ces trois catégories d’actif dans un portefeuille, puisqu’elles suivent des cycles différents. D’ailleurs, fait remarquer Jean Charbonneau, «certains fonds obligataires américains allouent jusqu’à 15 % de leur portefeuille à des placements dans les pays émergents».