Si la première décennie des années 2000 a été celle de la Chine et des pays émergents, la décennie actuelle est certainement celle de l’Amérique du Nord, et plus particulièrement des États-Unis, croit-il.

«On pourrait assister à la renaissance du secteur manufacturier aux États-Unis au cours des prochaines années. Le secteur du pétrole de schiste devrait aussi bien performer», remarque François Bourdon.

La poursuite de 2014

Compte tenu de ce scénario, Fiera Capital prévoit une hausse progressive et continue des taux d’intérêt à partir de juin 2015.

«Le taux directeur américain pourrait ainsi atteindre 2 % en 2016 [il est de 0,25 % actuellement]», précise François Bourdon. Dans un tel contexte, le dollar américain devrait rester fort par rapport à l’euro, au yen et aux devises des pays émergents.

«Exception faite de la hausse des taux d’intérêt, on entrevoit en 2015 la poursuite de ce qui s’est passé en 2014», résume-t-il.

Chez Gestion Cristallin, les cogestionnaires du portefeuille Macro Global +, André Marsan, Luc Lapointe et Mathieu Lachance, sont eux aussi optimistes à l’égard du marché américain.

«L’année dernière, nous étions « longs » [en position acheteur] sur les marchés boursiers américains, canadiens et mexicains. En raison des données actuelles, on n’anticipe aucun ralentissement important de la croissance économique d’ici les 6 à 12 prochains mois», affirme Luc Lapointe, gestionnaire de portefeuille chez Sigma Alpha, une division à part entière de Gestion Cristallin.

«S’il n’y a pas de reprise des prix des matières premières en 2015, il est probable que les marchés américains performent mieux que la Bourse canadienne, qui dépend beaucoup des prix du pétrole, de l’or et du secteur minier», ajoute André Marsan.

Les discours expansionnistes du président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi et une politique monétaire plus stimulante en Chine favorisent la poursuite du scénario de 2014, soit d’être pleinement investi dans les marchés boursiers, disent-ils.

Le trio gère un actif d’environ 250 M$ en investissant par l’intermédiaire de contrats à terme dans différents indices : marchés boursiers, obligataires, des devises et des matières premières. Ils misent sur une approche macroéconomique fondamentale et discrétionnaire.

Surpondéré en actions américaines

Gestion de portefeuille Triasima prévoit elle aussi que la forte croissance de l’économie et des bénéfices des entreprises américaines se poursuivront en 2015.

«Après avoir favorisé les actions canadiennes au lendemain de la crise de 2008, nous nous sommes tournés progressivement vers les actions américaines au début de 2012. C’était une bonne décision. A priori, nous souhaitons encore être surpondérés aux États-Unis en 2015», affirme André R. Chabot, président et chef des placements de la firme.

Quels changements apporterait-il à un portefeuille pondéré à 60 % en actions et dont un tiers est placé au Canada (20 %), un tiers aux États-Unis (20 %) et un tiers à l’international (20 %) ?

«On investirait environ de 26 à 28 % du portefeuille en actions américaines, de 18 à 20 % en titres canadiens et de 12 à 14 % en actions mondiales», répond André R. Chabot. Cette pondération reflète le peu d’appétit de Triasima pour l’Europe.

Le billet vert en hausse

Selon André R. Chabot, le dollar américain devrait continuer de s’apprécier par rapport au dollar canadien et à l’euro au cours des deux prochains trimestres. Cela s’explique notamment par les attentes plus élevées du marché quant au relèvement des taux d’intérêt.

La réduction des déficits de la balance commerciale et du compte courant américains milite également en faveur d’un billet vert fort, ajoute-t-il.

Si les banques centrales en Europe, au Japon et en Chine accélèrent la création de liquidités et que les États-Unis sont plus passifs, cela permettra au dollar américain de s’apprécier davantage.

«Depuis plusieurs mois, nous sommes « longs » (position acheteur) sur le dollar américain et « courts » (position vendeur ou à découvert) sur toutes les autres principales monnaies», note André Marsan. Cette tendance devrait se poursuivre en 2015, dit-il.

Les secteurs à privilégier

Les Bourses américaines sont beaucoup plus diversifiées que la Bourse canadienne, où quelques secteurs dominent l’indice S&P/TSX (le secteur financier et l’énergie comptent pour plus de la moitié de l’indice).

«Notre approche est donc moins sectorielle, mais plutôt liée à un choix de titres individuels qui donneront cumulativement une pondération sectorielle», explique André R. Chabot. Ces titres peuvent être de grande, moyenne et petite capitalisation.

Triasima analyse plus particulièrement les secteurs pauvrement représentés dans les indices canadiens, comme la consommation de base et discrétionnaire, les soins de la santé, les technologies et le secteur industriel.

Quelques exemples ? Gilead Sciences, un laboratoire pharmaceutique dont Triasima est actionnaire depuis plusieurs années ; Priceline.com, spécialisée dans la réservation de chambres d’hôtel et de billets d’avion sur Internet ; Goodyear Tire ; Walt Disney ; et Procter & Gamble.

«On ne trouve pas d’entreprises comparables au Canada», note André R. Chabot.

Pour sa part, Fiera Capital favorise les sociétés de moyenne capitalisation afin de tirer pleinement profit de la croissance interne américaine. François Bourdon apprécie plus spécifiquement le secteur des banques régionales, qui devraient bénéficier d’une demande de crédit grandissante.

Il ne fait pas référence aux grandes banques comme Citigroup et JP Morgan Chase, mais plutôt à des banques régionales comme BB&T, présente dans les États du sud-est.

«Non seulement le bilan des ménages s’améliore, mais ces banques ont aussi accompli les efforts requis pour se plier à la réglementation plus stricte liée aux accords de Bâle. Les banques ont assaini leurs bilans, ce qui devrait les pousser à prêter plus agressivement», explique-t-il.

L’aérospatiale et la défense sont d’autres secteurs qui devraient attirer l’attention des investisseurs en 2015.

«Le fait que le Congrès et le Sénat soient dominés par les républicains entraînera possiblement un accroissement des dépenses dans ce secteur. Plusieurs entreprises industrielles pourraient en profiter», précise François Bourdon, sans nommer de titres précis.

Pétrole : redressement en vue

François Bourdon s’attend à un redressement du prix du pétrole et du secteur énergétique cette année.

«La courbe de production du pétrole de schiste tombe beaucoup plus rapidement que celle d’un gisement traditionnel, dont la production est relativement stable», précise-t-il. Il faut donc constamment renouveler la production en forant de nouveaux puits.

«Les entreprises qui extraient du pétrole de la formation de Bakken au Dakota du Nord verront leur capacité de production diminuer plus rapidement que celle d’un grand puits en Arabie Saoudite», illustre-t-il. Si on combine cette contrainte à une croissance économique plus forte, le cours du pétrole pourrait remonter.

Pour sa part, André R. Chabot ne prévoit pas que «les prix du pétrole remonteront bientôt à 100 $ US. Ils pourraient encore descendre à court terme et se réajuster autour de 80 $ à 85 $ US en 2015».

«Grâce à leur production croissante de pétrole et de gaz naturel, les Américains sont devenus moins dépendants du pétrole étranger», souligne-t-il. Cela a pour effet d’augmenter l’offre mondiale en poussant les prix à la baisse.

Stratégies obligataires

Quant au marché obligataire, si la remontée anticipée des taux d’intérêt américains se confirme en 2015, Fiera privilégiera une duration de portefeuille plus courte d’un an que l’indice Barclays U.S. Aggregate Bond Index. La durée modifiée de l’indice était de 5,5 ans à la mi-décembre.

De plus, puisque l’économie sera robuste, la firme favorisera comme elle l’a fait l’an dernier les obligations de sociétés, afin de profiter des écarts de taux liés au crédit. «En 2014, il fallait toutefois avoir un portefeuille avec une duration beaucoup plus longue», précise François Bourdon.

«En l’absence de pression inflationniste, nous aimons bien le secteur 10 ans de la courbe obligataire», affirme pour sa part Mathieu Lachance, qui cogère également le Fonds d’Arbitrage Améthyste chez Gestion Cristallin.

«Dans la partie plus courte de la courbe de taux d’intérêt, nous trouvons le secteur de deux à cinq ans très pentu. Nous ne croyons pas que les hausses de taux aux États-Unis se matérialiseront aussi vite que le marché le prédit. Nous souhaitons donc en tirer avantage en étant « longs » sur le secteur des quatre à cinq ans», explique-t-il.

Autrement dit, on achète des obligations de quatre ans afin de les revendre possiblement dans un an ou deux, lorsque leur échéance sera de deux ou trois ans. Si la Réserve fédérale américaine (Fed) ne relève pas le taux directeur comme prévu, les taux de ces obligations d’une échéance de deux ou trois ans seront très bas. On pourra alors faire un bon profit en revendant les obligations.