Dans l’affaire Deslauriers, la Cour était d’avis que l’assureur n’avait pas respecté son obligation de renseigner correctement les consommateurs sur la protection dont ils bénéficiaient compte tenu des renseignements qu’ils avaient fournis à la préposée de l’assureur.
«Cette même obligation s’applique lorsque les réponses des consommateurs aux questions de santé qu’on leur pose sont ambiguës, imprécises ou équivoques. De façon générale, et en cas de doute, les représentants devraient transmettre à l’assureur toutes les informations recueillies et laisser le soin au tarificateur spécialisé en la matière d’évaluer le risque de souscription», poursuit l’associée du cabinet Lavery.
La cause Deslauriers met en scène une septuagénaire qui voulait obtenir une protection d’assurance de soins médicaux d’urgence dans le cadre d’une assurance voyage. Elle contacte le centre d’appels de Desjardins Sécurité financière (DSF) et déclare avoir des problèmes respiratoires. En réponse à une question de l’agent de DSF, elle dit ne pas souffrir d’une «MPOC», autrement dit d’une maladie pulmonaire obstructive chronique. Elle précise être atteinte de «bronchite asthmatique».
Lors du voyage, elle est hospitalisée pour problèmes respiratoires. Sa réclamation est alors refusée en raison de «l’instabilité de sa condition respiratoire dans les 12 mois précédant le début de l’assurance». L’assureur estime que la cliente aurait dû répondre positivement à la question sur la MPOC. La défense fait toutefois valoir que le terme «bronchite asthmatique» est couramment employé pour décrire la MPOC.
La Cour d’appel retient cet argument et condamne DSF à payer les frais médicaux de l’assurée. Selon la Cour, DSF «avait recueilli suffisamment de renseignements à propos des problèmes sérieux de santé de Mme Deslauriers, plus particulièrement en ce qui a trait à ses problèmes respiratoires, pour ne pas pouvoir lui opposer la clause d’exclusion» (http://tiny.cc/phxxmy).
Impact sur les conseillers
Cette façon de penser des tribunaux touche tous les conseillers en sécurité financière, qu’ils soient autonomes ou rattachés à un assureur.
«Trop souvent, les représentants s’avancent sur un terrain de souscription qui est hors de leur champ d’expertise. Or, leur code de déontologie leur dicte de tenir compte des limites de leurs connaissances. Ce ne sont pas des sélecteurs de risques. S’ils le font et que leurs représentations causent des dommages, ils s’exposent à des recours judiciaires», dit Evelyne Verrier.
Ainsi, dans le but d’aider leurs clients, certains représentants pourraient interpréter de façon trop restrictive – ou à la lettre – des questions sur l’état de santé lors du processus de souscription.
Par exemple, un questionnaire pourrait demander si le client a reçu un traitement médical au cours des trois dernières années. S’il y a eu un suivi, s’il y a eu consultation en rapport avec un traitement antérieur, il faut alors répondre positivement.
«Certains pourraient se dire que des diagnostics antérieurs à la période visée par le questionnaire ne sont pas dignes de mention. Or, un suivi lié à une telle condition peut être une consultation, un test ou un traitement au sens des questions posées. De plus, même si un client affirme avoir subi un simple bilan annuel de routine, celui-ci pourrait quand même être relié aux maladies visées par le questionnaire de santé», affirme l’avocate.
La question des «traitements» est d’ailleurs plus complexe qu’il n’y paraît à première vue.
Ainsi, «un médicament en vente libre peut être un traitement», précise Evelyne Verrier.
En conséquence, lors du processus de souscription, les conseillers en sécurité financière doivent laisser aux assureurs le soin de faire des recherches approfondies lorsque les réponses des clients sont le moindrement imprécises ou ambiguës.
«En cas de doute, la règle d’or consiste à répondre positivement aux questions pouvant donner lieu à des réponses le moindrement équivoques, en fournissant tous les renseignements recueillis. Laissons aux assureurs le soin d’apprécier le tout, ce qui évite des situations fâcheuses lors d’une réclamation», énonce Evelyne Verrier.