L’enquête permet de constater que près de 50 % des conjoints en union libre ne connaissent pas les règles de droit qui les concernent. Le questionnaire de l’étude a été élaboré à partir de connaissances acquises au terme de plusieurs études qualitatives réalisées entre 2005 et 2012.
«Quand on finissait un entretien, les gens me disaient : « Oh la la, ça m’a fait réfléchir ! ». Il y a des prises de conscience terribles. On sait que les gens ont changé bien des choses après avoir pris conscience de ce qu’il se passait», relate Hélène Belleau.
Une des plus grandes méconnaissances relevées par cette dernière et ses deux collègues, Carmen Lavallée, professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, et Annabelle Seery, candidate au doctorat en sociologie à l’Université de Montréal, est la croyance selon laquelle le statut de conjoints de fait accorde les mêmes droits que celui de couple marié.
Plus précisément, 45 % des conjoints en union libre croient avoir le même statut légal que les gens mariés et 4 % disent ne pas savoir s’il y a une différence entre les deux. On a aussi constaté cette méconnaissance chez les couples mariés.
«La raison pour laquelle il y a autant de confusion est très simple : les lois fiscales traitent les couples en union libre comme s’ils étaient mariés, après un an de vie commune, parfois trois ans ou lors de l’arrivée d’un enfant. Le gouvernement envoie le message à la population chaque année à la période des impôts que si vous êtes en union libre, on vous traite comme si vous étiez mariés», explique Hélène Belleau.
C’est ce que les clients retiennent, selon elle : «Quand arrive une séparation, beaucoup de gens tombent des nues parce qu’ils ne soupçonnaient pas que le droit privé, donc le Code civil, pouvait faire les choses autrement. Dans le Code civil, chacun repart avec ce qu’il a payé.»
De plus, 49 % des couples en union libre croient que la loi prévoit un partage des biens à parts égales entre conjoints au moment d’une rupture, ce qui n’est pas le cas, et 8 % disent ne pas savoir comment se partagent les biens.
Donc 57 % des conjoints en union libre ignorent qu’ils ne sont pas protégés par la loi. «Les couples mariés, moins concernés par cette question, partagent aussi cette méconnaissance», soulignent les auteures de l’étude.
Le temps, c’est de l’argent
Selon Hélène Belleau, les conseillers en services financiers ont souvent un rôle à jouer dans cette dynamique. Elle est d’avis que certains privilégient à outrance «l’intérêt du client» en ne tenant pas compte des facteurs personnels et des arrangements de couple de ce dernier.
«J’ai entendu des histoires de conseillers en services financiers qui, par exemple, déconseillaient à un client de transférer de l’argent à sa conjointe ou de faire des placements communs avec elle parce que ce n’était pas dans son intérêt à lui personnellement», dit Hélène Belleau.
Le raisonnement des conseillers en services financiers se baserait sur un individu qui fait des placements et non pas sur un couple ou une famille. Or, elle fait remarquer qu’une femme qui arrête de travailler pour s’occuper des enfants a un désavantage par rapport à son conjoint en ce qui a trait aux économies, notamment pour la retraite.
«Il ne faut pas seulement reconnaître la question de l’argent, mais la question du temps aussi», souligne Hélène Belleau.
«Le problème de cela, c’est quand il y a des écarts de revenus. La personne qui gagne le moins s’appauvrit vraiment petit à petit, c’est très insidieux, et en bout de ligne, particulièrement sur la question des placements pour la retraite, ça pèse très lourd», fait remarquer Carmen Lavallée.
Si seulement 8 % des conjoints de fait disent avoir rédigé un contrat de vie commune, celui-ci est un incontournable, selon la professeure.
«L’idéal, c’est que les gens qui choisissent de vivre en union de fait consultent un professionnel pour vraiment connaître leurs droits et leurs obligations, afin qu’ils puissent rédiger un contrat de vie commune qui établit certaines balises ou s’entendent à l’avance sur les conséquences d’une éventuelle rupture», mentionne-t-elle.
Tout dans le même pot ?
Le rapport démontre également que le mariage n’est pas synonyme de fusion des avoirs, «pas plus que l’union libre ne peut être associée à une indépendance complète des conjoints sur le plan financier».
Si les couples mariés sont plus nombreux (65 %) à mettre ensemble tous leurs revenus que les couples en union libre (44 %), ces derniers ont davantage tendance à partager les dépenses moitié-moitié, soit 23 % contre 8 % chez les couples mariés.
Hélène Belleau soutient que tous les modes de gestion des avoirs sont valables. L’important demeure que les deux conjoints soient au courant des avantages et des désavantages de leur façon de faire, selon elle.
«Des couples en union libre peuvent décider de gérer séparément leurs avoirs et ça peut très bien se passer s’ils organisent l’ensemble de leurs affaires correctement. Il y en a pour qui c’est mieux. Les couples qui n’ont pas d’enfants, par exemple, ont moins de raisons de mettre en commun leurs choses», indique-t-elle.