Cependant, comme nous l’avons vu dans notre dernière chronique (http://bit.ly/1xzttSM), la loi nous permet d’éliminer la double imposition au décès lorsque les héritiers désirent toucher au contenu d’une société dont ils héritent des actions en procédant à la liquidation de cette dernière.

Le paragraphe 164(6) LIR permet en effet d’appliquer la perte en capital subie lors de la disposition des actions dans la première année de la succession à l’encontre du gain en capital de la personne décédée.

Cependant, lorsqu’un dividende reçu a fait l’objet du choix du paragraphe 83(2) LIR, c’est-à-dire lorsqu’il provient du compte de dividendes en capital (CDC) et qu’il est donc non imposable, on doit effectuer un calcul afin de savoir si la totalité de la perte en capital peut venir diminuer (annuler) le gain en capital du défunt ou si cette perte doit être réduite, augmentant (générant) ainsi le gain en capital imposable.

Pour cette raison, nous chercherons à amoindrir l’effet des règles sur la minimisation des pertes.

Cette situation doit être analysée scrupuleusement dans les cas où un capital d’assurance vie a été versé à la société, car dans cette éventualité, le CDC est généralement important.

Exemple chiffré

Afin d’illustrer cette situation, prenons l’exemple de Paul, 85 ans, qui détient des actions d’une société de gestion dont le prix de base rajusté (PBR) et le capital versé (CV) sont de 100 $ chacun.

La société détient des placements d’une valeur (JVM) de 300 000 $, ainsi qu’un contrat d’assurance vie entière sur la tête de Paul au montant en capital d’un million de dollars. Le coût de base rajusté de cette police (CBR) est de 5 000 $, et sa valeur de rachat est de 600 000 $.

Afin de simplifier l’exemple, et afin qu’il n’y ait pas d’impôt payable par la société au moment de sa liquidation, supposons que le PBR des placements est égal à leur JVM. Disons également que les soldes de l‘impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD) et du CDC sont nuls.

Au décès de Paul, la société reçoit ainsi un capital-décès de 1 M$ et le CDC est crédité d’un montant de 995 000 $, soit le montant du capital-décès moins celui du CBR de la police. Le montant des liquidités de la société s’élève donc à 1 300 00 $ à la suite de la réception du capital-décès.

Comme Paul, en vertu du paragraphe 70(5)a) LIR, est réputé avoir disposé de tous ses biens immédiatement avant son décès, il réalise, à son décès, un gain en capital de 899 900 $, soit la JVM des actions de sa société (y compris la valeur de rachat de la police d’assurance vie) de 900 000 $ moins le PBR de ses actions de 100 $.

Après avoir reçu le capital-décès, la valeur de la société, de 1 300 000 $, est reflétée dans la valeur de ses actions, qui ont maintenant un PBR de 900 000 $ et toujours un CV de 100 $. La succession de Paul, qui souhaite avoir l’argent plutôt que les actions de la société, liquide ensuite la société en lui faisant racheter les actions.

Ce rachat génère un dividende réputé pour la succession égal à 1 299 900 $ – soit le montant reçu moins le CV des actions – de même qu’une perte en capital de 899 900 $ calculée comme suit :

Produit de

disposition (PD)

avant 54 1)j) LIR1 300 000 $

Dividende réputé

84(3) LIR(1 299 900 $)

Produit de

disposition (PD)

après 54 1)j) LIR100 $

PBR(900 000 $)

Perte en capital899 900 $

Le dividende réputé de 1 299 900 $ peut faire l’objet du choix de 84(2) LIR, c’est-à-dire l’emploi du CDC de 995 000 $ afin de réduire le dividende imposable à 304 900 $. À noter : ces règles ne s’appliquent pas notamment aux polices émises avant le 27 avril 1995. C’est un détail important à surveiller.

Cependant, en raison des règles fiscales, la perte en capital reportable doit être réduite du moindre des deux montants suivants :

Le dividende en capital (dividende CDC) ;

La perte en capital de la succession moins le dividende imposable de la succession ;

Auquel on soustrait la moitié du moindre des deux montants suivants :

La perte en capital de la succession ;

Le gain en capital du défunt.

En réduisant le solde du CDC à zéro, dans le cas de Paul, le résultat serait le suivant :

En reportant la perte de 754 850 $ contre le gain en capital de 899 900 $ de Paul, ce dernier a donc un gain en capital de 145 050 $ sur sa dernière déclaration de revenus, alors que la succession aurait un dividende imposable de 304 900 $.

Vérifier l’âge de la police

Notez que si l’on avait décidé de ne choisir que 849 950 $ de CDC (point où le dividende imposable égale la moitié de la perte de 899 900 $), le résultat final aurait été un gain en capital nul pour le défunt, mais un dividende imposable de 499 950 $ pour la succession.

Chaque dollar supplémentaire de CDC choisi, à compter de ce dernier niveau, transfère ainsi une imposition de dividende de la succession vers une imposition de gain en capital du défunt. Un choix CDC de moins de 849 950 $ ne fait qu’augmenter l’impôt payable par la succession.

Dernier point : si la valeur de rachat de la police avait été nulle, les règles de minimisation des pertes, dans cet exemple, n’auraient eu aucun effet. Autrement dit, la perte en capital des héritiers aurait pu être appliquée en totalité contre le gain en capital du défunt. Il en est toujours ainsi lors d’une liquidation à la suite d’un décès.

En conclusion, il faut faire attention à la date d’émission de la police et à la valeur de rachat de celle-ci, car des conséquences négatives peuvent résulter de l’application des règles de minimisation des pertes, règles qui sont souvent méconnues de certains comptables non spécialisés en fiscalité.

Nous verrons dans une prochaine chronique les implications de ces règles dans une situation où un actionnaire survivant subsiste, et nous examinerons les différentes options possibles afin de réduire au maximum les impôts.