«En règle générale, les taux de référence au Canada et à l’échelle mondiale n’étaient pas assujettis à des exigences réglementaires spécifiques. Mais les événements concernant le LIBOR ont fait ressortir la nécessité d’une surveillance accrue de ces taux de référence établis par sondage», indique Annik Faucher, porte-parole du BSIF.

Le LIBOR est un taux de référence établi depuis février 2014 par le ICE Benchmark Association (auparavant fixé par la British Bank Association). C’est le taux auquel les banques estiment pouvoir emprunter de l’argent entre elles. Cet important indicateur pour le marché du crédit est aussi le principal indice de référence pour un vaste éventail d’instruments monétaires et de produits dérivés.

Au cours des années 2000, des institutions ont commencé à fournir des évaluations mensongères, ce qui a faussé le LIBOR.

Le CDOR assure sensiblement la même fonction que le LIBOR, mais uniquement sur le marché canadien. Il sert à établir le prix des prêts (acceptations bancaires) et des produits dérivés libellés en dollars canadiens.

Nouvelle ligne directrice

À la suite du scandale du LIBOR, des régulateurs comme la Financial Services Authority (FSA) du Royaume-Uni, la U.S. Commodity Futures Trading Commission (CFTC), l’Organisation internationale des commissions des valeurs (OICV) et l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) ont donc resserré les règles qui encadrent l’établissement des indices de référence.

Au Canada, les autorités de réglementation ont renforcé cette année la gouvernance du taux CDOR, de concert avec le secteur financier. Elles l’ont fait «même s’il n’y a eu aucune indication de manipulation des indices financiers de référence canadiens», souligne la Banque du Canada dans une analyse récente sur le sujet. Cette surveillance accrue au Canada s’appuie sur la «ligne directrice E-20» publiée le 12 septembre par le BSIF (http:// tinyurl.com/m7345mr).

Cette ligne directrice encadre la gouvernance et les mécanismes de contrôle concernant les réponses au sondage sur le taux CDOR auquel participent, chaque jour ouvrable, la Banque de Montréal, la Banque Scotia, la Banque CIBC, la Banque HSBC Canada, la Banque Nationale, la Banque Royale (RBC) et la Banque TD.

Enjeu de taille

L’enjeu est de taille pour le système financier au Canada, compte tenu du fait que le CDOR est le taux moyen auquel les banques sont disposées à faire crédit aux entreprises clientes au moyen d’acceptations bancaires.

De plus, les institutions qui répondent au sondage servant à établir le taux CDOR – l’agence Thompson Reuters calcule et publie ensuite un taux public – continuent de participer directement au processus d’émissions de ces instruments.

La diffusion de fausses informations permettrait à une banque de tirer profit de celles-ci par rapport à ses concurrentes ou à d’autres acteurs financiers comme les courtiers.

C’est pourquoi les sept banques ont toutes adopté le nouveau Code de conduite CDOR élaboré en 2013-2014 par la Banque du Canada et l’OCRCVM, l’organisme qui faisait auparavant la surveillance du CDOR, et qui nous a dirigés vers le BSIF pour des précisions au sujet des nouvelles règles.

Ce code de conduite prévoit donc des normes minimales en ce qui a trait à la méthodologie de réponse aux sondages, à la surveillance interne dans les banques, de même qu’à la conservation de dossiers.

Supervision indépendante

Par exemple, au moins une fois par an, la haute direction de chacune des sept institutions financières doit aviser son conseil d’administration que les mécanismes de contrôle internes pour le CDOR sont adéquats, qu’ils sont exécutés correctement et que les risques qui y sont associés sont contrôlés avec rigueur.

Pour sa part, le BSIF exige que le processus de participation d’une banque au sondage CDOR soit contrôlé par des fonctions de supervision indépendantes de la gestion opérationnelle. Autrement dit, cette surveillance doit être faite par des personnes qui n’ont pas de responsabilités de planification, de direction et de contrôle des activités courantes d’une banque.

Les banques avec lesquelles nous avons communiqué – CIBC, TD, RBC et HSBC – afin de savoir comment le nouveau Code de conduite CDOR allait les toucher ont refusé de commenter.

Enquête interrompue au Canada

Aucun cas de manipulation des indices de référence n’a été repéré au Canada. Par contre, la RBC a été poursuivie en mars aux États-Unis par la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), qui l’accuse – ainsi que 15 autres institutions financières, dont la banque britannique Barclays – d’avoir conspiré pour manipuler le LIBOR.

À ce jour, la RBC n’a jamais été reconnue coupable dans aucune poursuite intentée contre elle depuis l’éclatement du scandale du LIBOR, en 2012. La première banque canadienne n’a jamais non plus réglé à l’amiable une poursuite la visant, selon le Globe and Mail. La RBC refuse de confirmer ou d’infirmer ces informations.

Au Canada, le Bureau de la concurrence a enquêté en 2012 sur de possibles manipulations du LIBOR appliqué au yen par des filiales canadiennes d’institutions financières. Selon le Wall Street Journal, il s’agit de HSBC, de la Royal Bank of Scotland, de Citigroup, de la Deutsche Bank et de JP Morgan, de même que du courtier ICAP.

Toutefois, en janvier 2014, le Bureau de la concurrence a indiqué dans un communiqué qu’il mettait fin à son enquête parce «que les éléments de preuve recueillis ne sont pas suffisants pour justifier une poursuite».

Joint par Finance et Investissement, l’organisme a refusé de confirmer ou d’infirmer l’identité des institutions révélée par le Wall Street Journal.