En fait, Bill Gross, jusqu’alors directeur des investissements, n’aurait pas quitté volontairement le gestionnaire obligataire le plus important du monde (actif sous gestion de près de 2 billions de dollars américains). La direction l’aurait plutôt contraint à démissionner.

«Nous sommes reconnaissants de tout ce que Bill a réalisé […], mais au cours de la dernière année, il était devenu de plus en plus évident que Bill et la direction avaient des visions diamétralement opposées quant à l’avenir de Pimco», a expliqué dans un communiqué le directeur général de Pimco, Doug Hodge.

De son côté, Bill Gross n’a pas voulu préciser les raisons de son départ.

«Il était temps pour moi de quitter les hautes responsabilités de gestion dans une grande société pour me concentrer sur la gestion de portefeuille au sein d’une plus petite firme», a-t-il indiqué dans un communiqué.

Cette nouvelle arrive alors que la firme californienne est en restructuration.

En janvier dernier, le dauphin pressenti de Bill Gross, Mohamed El-Erian, a quitté Pimco à la suite de frictions avec son mentor. Dès lors, la direction avait entamé une restructuration de l’organisation, misant sur la collégialité plutôt que sur la forte personnalité de Bill Gross.

«Le comité d’investissement a été renforcé de six personnes chargées des investissements, dont la Française Virginie Maisonneuve, qui devait s’atteler à développer une expertise sur les actions. L’idée était de limiter l’exposition du groupe au marché des obligations», explique le quotidien financier français Les Échos.

Dans la mire de la SEC

Qui plus est, le départ de Bill Gross se déroule sur fond de controverse.

Trois jours seulement avant l’annonce de son départ, le Wall Street Journal révélait que la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme américain des marchés financiers, enquêtait sur Pimco.

La firme serait soupçonnée d’avoir gonflé les rendements d’un de ses fonds, Pimco Total Return ETF, une manoeuvre qui lui aurait permis de déclarer des gains rapides. Bill Gross aurait d’ailleurs été interviewé par la SEC à cet effet.

Chute de l’actif

Avec le départ forcé de Bill Gross, Pimco tente-t-elle de stopper l’hémorragie dont elle est victime depuis près d’un an et demi ?

Le populaire fonds commun Pimco Total Return, victime de mauvais rendements, accusait en septembre une baisse de son actif sous gestion pour le 17e mois consécutif.

Les rachats nets ont d’ailleurs atteint la somme record de 23,5 G$ US en septembre, a indiqué Pimco. Cela portait à plus de 92 G$ US la baisse de l’actif sous gestion du fonds depuis le sommet de 293 G$ US atteint en avril 2013.

Certains craignent que la saignée se poursuive.

«Une bonne partie des clients qui avaient choisi de rester quand même avaient pris cette décision parce qu’ils avaient confiance dans Bill Gross. S’il part, ils s’en vont aussi», a soutenu un gestionnaire américain de portefeuille, cité par Le Figaro.

Quelques jours après le départ de Bill Gross, Morningstar a abaissé la notation du fonds Pimco Total Return, qui passe de la cote «or» à la cote «bronze». La société d’analyse évoque la vague de rachats de parts et l’incertitude liée au remaniement de l’équipe de direction après le départ du cofondateur Bill Gross.

«La notation bronze reflète le niveau élevé de confiance de Morningstar dans les ressources et les capacités globales dont Pimco dispose, mais elle illustre également l’incertitude sur la façon dont toutes les parties vont s’accorder après le départ de Bill Gross», a écrit l’analyste de Morningstar, Eric Jacobson, dans un rapport publié le 29 septembre.

«Nous avons l’intention de faire appel à nos compétences individuelles et collectives pour assurer l’excellence à laquelle les investisseurs s’attendent de la part du fonds Total Return de Pimco», affirme pour sa part Scott Mather, un des trois nouveaux responsables de la gestion de ce fonds.

Le remplaçant de Bill Gross, Daniel Ivascyn, s’est également voulu rassurant. En entrevue à CNBC, il a indiqué que Pimco ne comptait pas revoir de fond en comble ses stratégies de placement au cours des prochaines semaines, voire des prochains mois.

Alors que Pimco jongle avec les incertitudes, la firme qui accueille Bill Gross, Janus Capital, bénéficie de l’arrivée du gestionnaire réputé. Le titre de Janus a bondi de 43 %, à 15,89 $ US, dans les heures qui ont suivi l’annonce. Depuis, le cours de l’action oscille autour de 15 $ US.