Selon plusieurs intervenants, ce changement aura comme effet pervers d’appauvrir le segment de la population – les 65 à 67 ans – le moins en mesure de supporter une baisse de revenus.
Par contre, cela pourrait aussi amener les Canadiens à travailler pendant plus d’années, de sorte que le groupe des 65-67 ans évitera alors dans une bonne mesure l’appauvrissement que certains prévoient.
Actuellement, la PSV verse aux Canadiens de 65 ans et plus une prestation mensuelle maximale de 558,71 $ (6 704 $ par année). Elle doit être remboursée progressivement à partir d’un revenu de 70 954 $ (année d’imposition 2013) et devient nulle à partir d’un revenu de 114 815 $.
Par ailleurs, la pleine prestation mensuelle du SRG est de 757,58 $ (9 090 $ par année) pour un célibataire, et de 1 004,68 $ (12 056 $ par année) pour un couple, lorsque les personnes reçoivent la pleine PSV. Elle diminue selon le revenu, devenant nulle pour un revenu total, excluant la PSV, de 16 944 $ pour un célibataire, et de 22 368 $ pour un couple.
Effet d’appauvrissement ?
À la suite de cette réforme, le gouvernement fédéral aura une réduction nette de dépenses de 6,9 G$ en 2030 (en dollars constants de 2012), indique le CIRANO dans son rapport intitulé «Réformer la sécurité de la vieillesse», publié en mars 2013.
Du côté des provinces, en raison de pertes de revenu fiscales et d’une hausse prévisible des contributions d’aide sociale, la réforme causera des pertes de revenu totalisant 620 M$. Le gain global serait donc de 6,3 G$, calcule le CIRANO.
Selon le rapport du CIRANO, cette réforme aura pour effet principal d’augmenter sensiblement le niveau de pauvreté chez les aînés de 65 à 67 ans. Selon le CIRANO, «à comportement de travail et d’épargne constant», ce report devrait faire passer de 6 % à 17 % la proportion d’individus de 65 et 66 ans à faible revenu.
«Ce sont les plus pauvres de nos aînés que la réforme touchera le plus durement», juge David Macdonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives, à Ottawa.
«C’est auprès d’eux que le gouvernement réalisera la plus grande part de ses économies. Car, sans ces prestations, la plupart de ces personnes ne prendront pas leur retraite à 65 ans», ajoute-t-il.
Il n’y a pas d’extrême urgence à statuer sur les coûts des programmes fédéraux de retraite, affirme Kevin Milligan, professeur d’économie à la Vancouver School of Economics de l’Université de Colombie-Britannique.
La dépense totale du gouvernement fédéral pour les régimes de pension représentait 4,5 % du PIB en 2009, souligne-t-il en s’appuyant sur les chiffres du «Panorama des statistiques de l’OCDE 2014».
À titre de comparaison, la proportion était de 15,4 % en Italie, de 13,7 % en France, de 11,2 % en Allemagne, et de 6,8 % aux États-Unis.
«On devrait donc garder la tête froide et mener la discussion rationnellement, dit l’universitaire. Notre problème est important, mais n’échappe pas encore à notre contrôle.»
Trois autres solutions
Le CIRANO met de l’avant trois autres scénarios que le fédéral aurait dû, et devrait encore, envisager.
Le premier de ces scénarios est d’abaisser le seuil de remboursement de la PSV. Présentement, un individu cesse de recevoir toute PSV lorsque son revenu atteint 114 815 $. Ce point d’arrêt serait abaissé à 69 562 $, soit 35 000 $ de moins, ce qui engendrerait des économies assez semblables à celles que le fédéral espère.
Le deuxième scénario consiste à diminuer de façon uniforme les PSV. «Selon notre modèle, on devrait réduire les prestations annuelles de 900 $ pour atteindre le même gain total que la réforme annoncée», indique le CIRANO.
C’est ce scénario que privilégierait en premier lieu Jean-Yves Duclos, coauteur du rapport du CIRANO. «Au lieu de perdre 18 000 $ sur une période de deux ans, les retraités perdraient 900 $ par année pendant toute leur retraite», dit-il.
Le troisième scénario consiste à augmenter progressivement les PSV et le SRG. À 65 ans, le prestataire recevrait seulement un sixième des prestations maximales. Le montant augmenterait chaque année d’un sixième, jusqu’à ce que la pleine prestation soit atteinte à 70 ans.
Ces scénarios ne tiennent pas compte de la réaction et des changements de comportement que pourront avoir les citoyens en raison de la réforme.
«La participation sur le marché du travail pourrait être prolongée et l’épargne pourrait être accrue par le report de l’âge d’admissibilité», affirme le rapport du CIRANO.
Autrement dit, le fédéral pourrait à la fois réaliser des économies et atteindre son objectif d’inciter les Canadiens à rester plus longtemps au travail.
Kevin Milligan juge que les propositions du CIRANO ont beaucoup d’intérêt.
Toutefois, selon lui, il est essentiel qu’un débat de fond ait lieu sur le report de l’âge de la retraite, car l’augmentation de l’espérance de vie des Canadiens l’impose. Or, implanter une des solutions du CIRANO aurait pour effet particulièrement négatif, dit-il, «de passer outre toute cette discussion qui est nécessaire».