Le père de la célèbre joueuse de tennis Eugénie Bouchard l’a appris à ses dépens. Il a fondé, en 2003, une société en commandite appelée Tennis Mania Limited Partnership qui avait pour mission « la promotion du tennis junior et l’assistance financière auprès de jeunes athlètes prometteurs ».
Une société en commandite est un type de société qui réunit un commandité et des commanditaires. Le commandité est une personne, physique ou morale, qui administre en exclusivité la société. Cette personne est responsable de toutes les dettes et obligations à l’égard des tiers de la société en commandite.
De leur côté, les commanditaires sont des personnes, physiques ou morales, qui fournissent un apport à la société en commandite, mais à qui la loi interdit de participer à son administration. Ils ne sont toutefois responsables ni des dettes ni des obligations de la société en commandite au-delà de leur apport.
« La société en commandite va protéger les commanditaires des dettes de l’activité commerciale, alors que le commandité va en être responsable, explique Jean Richard, vice-président et expert-conseil principal, Gestion de patrimoine chez BMO Nestbitt Burns. La société en commandite a pour avantage de pouvoir attribuer, s’il y en a, des avantages fiscaux aux commanditaires comme des dépenses ou des crédits d’impôts par exemple. »
Il faut toutefois faire attention, on ne peut pas transférer au commanditaire un crédit d’impôt auquel il n’a pas droit: « Si le commanditaire a réclamé des crédits d’impôts pour de la recherche scientifique et que la dépense n’a pas été faite pour ça mais plutôt pour financer le train de vie du commandité, elle sera refusée, note Jean Richard. C’est un risque puisque le commanditaire n’a pas toujours conscience de ce qui a été fait réellement dans la société en commandite. C’est le grand risque.»
Les sociétés en commandite sont souvent utilisées dans le secteur minier pour transférer, par exemple, les avantages fiscaux des actions accréditives à des investisseurs-commanditaires.
Le cas Bouchard
Michel Bouchard a perdu, en 2013, un appel dans lequel il contestait de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005, 2006 et 2007.
Plus précisément, il avait déclaré des pertes d’entreprises subies par sa société en commandite pour les années d’imposition 2005,2006 et 2007. Ces pertes s’élevaient à un total de 81 143 $. Le fisc lui a refusé ces déductions en soutenant que la nature même de la société en commandite ne respectait pas certaines conditions très importantes.
Dans son jugement, le juge Rommel G. Masse rappelle en effet que « un contribuable peut se joindre à une société en commandite en ayant pour principale motivation d’obtenir une perte fiscale, pour autant qu’il ait aussi, accessoirement, l’intention d’exploiter une entreprise en commun en vue de la réalisation d’un bénéfice ».
Le juge Masse a statué, après examen des faits, qu’il était « évident que ce dernier [s’était] lancé dans cette entreprises pour des motifs strictement personnels liés au développement de sa fille comme joueuse professionnelle de tennis ».
En effet, Tennis Mania avait été créé à l’origine pour financer le développement de deux jeunes joueuses, Eugénie Bouchard et Béatrice Gervais. Lorsque la société en commandite a cessé de financer Béatrice Gervais, cette dernière n’a pas été remplacée.
« J’en conclus qu’il ne considérait pas la société en commandite comme une source de profit, mais qu’il était plutôt à la recherche d’un moyen de financer le parcours d’Eugénie tout en se ménageant un avantage fiscal personnel sous forme de perte », indique le juge Masse.
Il continue en ajoutant que les commanditaires n’étaient même pas certains d’engranger éventuellement des profits puisque Eugénie Bouchard n’était pas tenue de leur verser des sommes d’argent.
En effet, lors de la fondation de Tennis Mania, Eugénie Bouchard avait seulement neuf ans et n’avait donc pas la capacité juridique de s’engager à distribuer une part des revenus qu’elle tirerait de sa carrière de joueuse professionnelle.
De plus, Eugénie Bouchard n’était pas « partie du contrat » et était libre de verser les sommes qu’elle voulait ou de « changer d’idée ». Par ailleurs, pour les années d’imposition visées, la société en commandite n’a pas inclus dans ses revenus l’équipement, les prix en argent ou l’aide financière reçus d’autres sources par la joueuse de tennis.
Selon le juge Masse, les dépenses en question ne pouvaient donc pas être déduites par Michel Bouchard à titre personnel puisqu’il n’est pas convaincu que les activités de la société en commandite revêtaient une dimension suffisamment commerciale pour représenter une source de revenu.
Photo Bloomberg