La finance occupe une place importante en Écosse. Ce n’est donc pas surprenant que les tenants et les opposants à l’indépendance aient puisé une partie de leurs arguments dans le domaine financier.
En effet, les secteurs de la finance et de l’assurance représentaient plus de 8 % des activités économiques écossaises en 2010, soit 8,8 milliards de livres (15,9 G$ CA), indique un rapport du gouvernement britannique publié en mai 2013 (http://tinyurl.com/pp6ohf2).
Du coup, ces secteurs procurent 85 000 emplois directs et près de 100 000 emplois indirects, soit environ 7 % des emplois de l’Écosse.
À elle seule, l’industrie écossaise de l’assurance est la troisième en importance dans le monde, et emploie quelque 320 000 personnes. Elle compte des géants comme la Standard Life, fondée à Édimbourg.
Sur le plan symbolique, l’Écosse mise sur une tradition financière solide qui remonte au 17e siècle.
Le Chartered Institute of Bankers in Scotland, fondé en 1875, est le plus ancien organisme professionnel du monde pour banquiers en exercice. Quant à la Royal Bank of Scotland et à la Clydesdale Bank, elles impriment des billets depuis plus de trois siècles.
Avantage ou désavantage ?
Dès les débuts de la campagne référendaire, les ténors indépendantistes ont brandi la puissance financière écossaise comme un avantage dans une perspective d’indépendance.
On s’en doute, la réplique ne s’est pas fait attendre. Dès mai 2013, le gouvernement du Royaume-Uni a détaillé l’importance des secteurs financiers et de l’assurance pour l’Écosse dans le document intitulé «Scotland analysis: Financial services and banking», cité plus haut.
Selon ses calculs, l’actif des banques écossaises équivalait alors à 1 254 % du PIB d’une Écosse indépendante. À titre de comparaison, l’actif des banques du Royaume-Uni – Écosse comprise – représente 492 % du PIB de l’ensemble du pays.
Constat : en cas d’indépendance, l’importance économique de ces secteurs rendrait l’Écosse «plus vulnérable en cas de chocs financiers qu’elle ne l’est en faisant partie du Royaume-Uni».
Pour appuyer sa position, le gouvernement cite les exemples des crises financières en Islande et à Chypre, où l’actif bancaire équivaut à 880 % et à 700 % de l’économie, respectivement.
Les banques s’en mêlent
Mais ce n’est réellement que le 11 septembre 2014 – une semaine avant le référendum – que les gros canons de l’industrie financière se sont finalement lancés dans la mêlée.
La Royal Bank of Scotland (RBS) a été la première à faire le saut. Elle a alors déclaré «avoir mis en place un plan pour faire face aux possibles conséquences d’un « oui » pour le milieu des affaires. Dans cette éventualité, RBS pense qu’il serait nécessaire de déménager son siège social et sa principale branche opérationnelle en Angleterre».
L’institution – détenue à plus de 80 % par l’État britannique depuis la crise financière – disait ainsi vouloir éviter à sa clientèle les risques découlant de l’instabilité qui suivrait l’indépendance.
Le ton était donné. Dans les heures et les jours qui ont suivi, d’autres institutions ont pris position.
La banque écossaise Lloyds – premier employeur privé d’Écosse, avec 17 000 salariés – a annoncé la création de nouvelles entités en Angleterre.
Stratégie similaire du géant de l’assurance, Standard Life, qui s’est dite prête à «transférer une partie de nos activités si le besoin s’en faisait sentir».
Pendant la dernière semaine de la campagne référendaire, les analystes financiers, habituellement peu enclins à émettre des commentaires politiques, ont été de plus en plus nombreux à prendre position.
Albert Edwards, analyste à la Société Générale, est l’un d’eux. Il s’est interrogé sur l’impact politique de l’indépendance : celle-ci n’encouragerait-elle pas d’autres mouvements souverainistes, comme celui de la Catalogne, déstabilisant l’Europe ?
Qui plus est, selon lui, «les actifs ne traverseront pas la frontière écossaise du Nord au Sud ; ils quitteront tout simplement le Royaume-Uni.»
Trop alarmiste
Certains ont jugé ces positions faussement alarmistes. Dans une entrevue au Financial Times, le président de la banque commerciale Noble Grossart, Angus Grossart, a senti le besoin de demander aux gens de «ne pas paniquer».
«Certains réagissent de façon excessive. Quand on entend certains commentaires, on croirait à une invasion prochaine de criquets ou de souris !» affirmait cette personnalité influente de l’establishment financier écossais.
Pour sa part, Martin Gilbert, directeur général d’Aberdeen Asset Management, un des principaux fonds écossais, a souligné que l’«entreprise est déjà présente dans 30 pays. Un pays de plus ne changera rien».
Sans toutefois prendre position, la banque TSB a elle aussi cherché à calmer le jeu : «L’indépendance ne se fera pas immédiatement. Le délai nécessaire à sa mise en place laissera suffisamment de temps pour penser et appliquer les changements nécessaires.»
8 %
Poids des secteurs de la finance et de l’assurance dans l’activité économique écossaise.