Pis encore, la déflation est devenue un risque réel. L’inflation n’atteignait que 0,3 % en août dans la zone euro, selon les dernières estimations.

La situation est à ce point critique que la Banque centrale européenne (BCE) a frappé fort, le 4 septembre, pour soutenir la croissance de la zone euro. Elle veut aussi enrayer le risque déflationniste (les observateurs craignent une réduction des prix comme celle qui a touché le Japon dans les années 1990).

Ainsi, la BCE a réduit son taux directeur, de 0,15 % à 0,05 %. Elle a aussi fait passer le taux de dépôt de – 10 % à – 20 %, de sorte que les banques européennes devront payer un peu plus cher pour laisser traîner de l’argent à court terme dans les coffres de la BCE.

Enfin, mesure inhabituelle dans la zone euro, la banque centrale lancera en octobre un programme d’achat de titres adossés à des créances mobilières (Asset-Backed Securities), notamment de PME et d’institutions financières. L’objectif ? Relancer le crédit aux PME pour stimuler l’investissement et la création d’emplois.

Les portefeuillistes s’adaptent

Malgré les difficultés économiques de la zone euro, plusieurs gestionnaires de portefeuille de banques canadiennes continuent d’investir dans ce marché. Ils ont toutefois adapté leur stratégie pour tenir compte du contexte économique actuel.

Frédérique Carrier, directrice, actions européennes, chez RBC Wealth Management à Londres, souligne que son organisation investit actuellement dans de grandes entreprises européennes actives partout dans le monde, comme aux États-Unis et en Chine.

Ces sociétés doivent également afficher des bénéfices de façon régulière pour être attrayantes.

RBC achète aussi des titres de sociétés présentes uniquement en Europe, indique Frédérique Carrier.

«Pour nous prémunir des oscillations du marché, nous suggérons à nos clients des portefeuilles comprenant des actions d’entreprises locales européennes, de préférence celles ayant un fort potentiel de restructuration», explique-t-elle.

RBC favorise, par exemple, des titres dans les secteurs industriel, pharmaceutique, et des biens à la consommation.

Frédérique Carrier est toutefois prudente en ce qui concerne les titres des banques de la zone euro. «Nous restons méfiants à l’égard du secteur bancaire. Bien que n’étant pas coûteux, il fait face à des vents contraires en matière de réglementation qui réduiront les rendements à long terme», précise-t-elle.

Greg Gipson, vice-président et chef de la gestion de portefeuille chez BMO à Toronto, mise sur une stratégie semblable à celle de RBC dans la zone euro. «Nous continuons à considérer les actions d’entreprises mondiales comme une catégorie d’actifs attrayante pour les investisseurs.»

Les gestionnaires de portefeuille de BMO qui investissent dans la zone euro sont en train d’adapter leur stratégie pour tenir compte du contexte économique.

«Nous nous tournons prudemment vers des titres plus procycliques dans notre allocation sectorielle, avec une exposition accrue à la finance, à la technologie et au secteur automobile. Nous avons aussi réduit notre exposition aux secteurs des matières premières et des services publics», indique Greg Gipson.

Des handicaps structurels

Croissance vacillante, inflation trop faible, chômage très élevé… La zone euro souffre de plusieurs problèmes structurels, selon l’ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy.

Par exemple, contrairement à ce qui se passe en Amérique du Nord, la population de la zone euro et de l’ensemble de l’Europe diminue, souligne Pascal Lamy, aujourd’hui le président d’honneur de Notre Europe-Institut Jacques Delors, un groupe européen d’études et de recherche.

«La démographie compte beaucoup dans l’activité économique», dit-il, en précisant que les gains de productivité constituent l’autre facteur essentiel à la croissance.

Autre handicap de l’Europe : les prix élevés de l’énergie qui augmentent les coûts de production, sans parler aussi du retard du Vieux Continent par rapport aux États-Unis en matière de technologies de l’information et des communications (TIC). Or, les TIC aident les entreprises à augmenter leur productivité.

À court terme, la zone euro fait aussi face à un problème de coordination des politiques économiques des 18 pays membres. Une situation qui rend plus longue la mise en place de meilleures politiques pour affronter la crise financière et la crise de la dette souveraine, selon Pascal Lamy.

«À court terme, il y a un problème de sortie de crise. Nous avons une union économique et monétaire qui est très monétaire et peu économique», déplore l’ancien patron de l’OMC.

Par exemple, contrairement à la Réserve fédérale américaine et jusqu’à récemment, la BCE n’avait pas la même souplesse et la même marge de manoeuvre que la banque centrale des États-Unis pour agir rapidement et efficacement sur les marchés.

Optimisme à moyen terme

Malgré tout, Pascal Lamy reste optimiste à moyen terme pour l’économie des 28 pays de l’Union européenne, y compris la zone euro. Selon lui, le secteur des services représente une formidable source potentielle de croissance dans l’Union européenne, qui compte 506 millions d’habitants relativement riches.

«Ce marché est sous-exploité, dit Pascal Lamy. Il y a, par exemple, des possibilités en finance et dans les services à la personne, surtout dans le secteur de la santé.»

À court terme, les investisseurs devront prendre leur mal en patience. À la mi-septembre, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a revu à la baisse ses prévisions de croissance par rapport à l’estimation qu’elle avait fait ce printemps.

Ainsi, l’organisation internationale prévoit que la croissance dans la zone euro n’atteindra que 0,8 % en 2014, et que la reprise ne sera guère spectaculaire l’année prochaine. L’OCDE table désormais sur une croissance du PIB de 1,1 % en 2015.