Un régime enregistré d’épargne-retraite est censé être un magot intouchable, un réservoir d’épargne dans lequel on ne puisera que quand le moment sera venu de financer une retraite prospère. Traditionnellement, cela veut dire à l’âge de 65 ans, qui demeure pour beaucoup de gens la date butoir du départ à la retraite. C’est aussi l’âge auquel certains programmes gouvernementaux prennent effet, comme celui de la Sécurité de la vieillesse (SV).

On peut retirer de l’argent d’un REER n’importe quand, sujet à une retenue d’impôts à la source par l’institution qui détient son compte. Toutefois, à l’approche de la retraite, il y a des options de retrait plus organisées à envisager.

Bien que certains retraités optent de recevoir un revenu garanti de leur compte d’épargne REER en achetant une rente, la plupart d’entre eux convertissent leur REER à un Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). Cela peut permettre de continuer à gérer les investissements qu’ils détenaient dans leur REER, mais désormais dans un compte conçu pour fournir un revenu annuel.

La sagesse populaire

La question est la suivante : Quand faut-il convertir son REER? La loi donne jusqu’à la fin de l’année de ses 71 ans pour liquider son REER et commencer à recevoir un revenu-retraite d’un FERR ou d’une rente. Ona le droit de radier un REER dans son intégralité, mais si on le fait, il faut payer des impôts sur la totalité de la somme au moment de faire sa déclaration pour cette année-là.

Quels que soient ses besoins de revenu, la sagesse populaire nous dit que l’argent devrait rester dans un REER jusqu’à la dernière minute, maximisant ainsi le report d’impôt, puisque l’argent qui s’y trouve n’est pas imposé jusqu’au moment du retrait. Un FERR fonctionne à peu près de la même manière et représente en fait le prolongement d’un REER, avec une différence de taille : Il faut retirer un minimum chaque année, un pourcentage des actifs détenus dans le fonds. Les pourcentages changent chaque année, théoriquement pour suivre l’augmentation du coût de la vie. Un FERR offre donc de façon inhérente un report d’impôt moins important qu’un REER.

Si vous n’êtes pas à la retraite, pourquoi convertir votre REER en FERR avant la date limite imposée par l’âge? Si ce n’est pas pour compléter votre revenu, les raisons de le faire sont principalement liées à la planification fiscale : dans tous les cas, votre décision devrait se fonder sur des calculs sérieux tenant compte de votre situation financière actuelle et des questions fiscales qui y sont liées, et sur la situation financière et fiscale dans laquelle vous comptez vous retrouver à la retraite.

L’idée, c’est par bonheur d’avoir cotisé à votre REER lorsque vous vous trouviez dans une tranche de revenu élevée, et donc d’y gagner une précieuse déduction fiscale tout en laissant votre épargne augmenter à l’abri de l’impôt, puis de retirer de l’argent quand votre taux d’imposition est plus faible.

« La plupart des gens ne comprennent pas comment fonctionnent les tranches d’imposition, mais il est essentiel de le comprendre pour prendre les bonnes décisions dans ce domaine », dit Lorn Kutner, comptable agréé et associé chez Deloitte. « Cette analyse pourrait vous conduire à ne convertir qu’une portion de votre REER à un FERR, dit-il. « Il faut planifier les choses à l’avance pour déterminer de combien on pourrait avoir besoin dans un FERR pour générer un revenu supplémentaire et profiter de son taux d’imposition plus faible. »

Vous avez peut-être besoin d’un revenu dès maintenant

L’ouverture précoce d’un FERR peut s’imposer si vous avez besoin de revenu supplémentaire parce que vous êtes en semi-retraite et travaillez à temps partiel, ou si vous vous êtes orienté vers un travail de consultant. Le revenu que vous tirez d’un FERR devrait être soigneusement évalué à la lumière de l’impact qu’il peut avoir sur votre tranche d’imposition. De toute évidence, si vous optez de retirer de votre FERR un gros montant, il y a toutes les chances que cela vous propulsera dans une tranche d’imposition plus élevée.

« Si vous êtes convaincu que vous ne piochez pas trop profond dans votre épargne-retraite, il peut être logique de retirer de l’argent de votre FERR au cours des années de revenu plus faible, même si vous n’êtes pas encore à la retraite, dit Howard Kabot, vice-président, Planification financière, à RBC Gestion de patrimoine. Ce faisant, vous appliqueriez la théorie de l’imposition différée dans l’esprit où elle a été créée : en retirant votre épargne-retraite au moment où vous êtes dans une tranche d’imposition plus basse que lorsque vous étiez dans vos années de revenu plus élevé.

Payer dans l’immédiat moins d’impôt sur le produit de son placement

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Payer dans l’immédiat moins d’impôt sur le produit de son placement

Une autre raison courante de puiser tôt dans son revenu-retraite est si l’on croit que l’on va atteindre une tranche d’imposition plus élevée dans l’avenir. Par exemple, si vous avez un revenu moyen, que vous approchez des 60 ans (ou même si vous êtes plus jeune) et que vous prévoyez de toucher un gros héritage dans un avenir plus ou moins proche, il pourrait être logique de commencer à retirer un revenu de votre FERR dès maintenant.

Le produit en serait sans doute imposé à un taux inférieur à celui qui serait le vôtre si vous attendiez d’avoir 71 ans pour commencer à toucher des revenus de votre FERR, période où ils se pourrait que vous soyez déjà en train ou presque de recevoir un héritage, donc que vous vous trouviez dans une tranche fiscale plus élevée en raison du revenu que vous procurent les actifs dont vous avez hérité. Comme nous l’indiquons ci-dessus, il faudrait que vous calculiez à quel niveau d’une tranche d’imposition plus élevée vous placerait ce revenu supplémentaire, rendant ainsi les retraits inopérants.

Le crédit pour revenu de pension

À l’âge de 65 ans, il y a une autre raison d’envisager le versement d’un revenu d’un FERR : le crédit fédéral pour revenu de pension. Cela procure une économie fiscale pouvant aller jusqu’à 300 $ par an, sur la base du montant maximum admissible de 2 000 $ de revenu de pension. Si vous avez un conjoint ou une conjointe et que vous avez tous deux au moins 65 ans, ce crédit de pension pourrait procurer, entre vous deux, une économie fiscale annuelle de 600 $ maximum (15 % de 4 000 $), à supposer que vous ayez tous deux reçu un revenu de pension admissible. Un revenu de pension admissible est celui qui provient d’une source privée comme un FERR, une rente ou un régime enregistré de pension (le Régime de pension du Canada ou du Québec, la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti ne sont pas admissibles).

Si demander le crédit de pension est la seule raison d’ouvrir un FERR, il faudrait y détenir juste assez d’argent pour produire 2 000 $ de revenu de pension annuel. Par exemple, à l’âge de 65 ans, vous pourriez transférer 12 000 $ de votre REER à un FERR pour pouvoir déclarer au fisc 2 000 $ de revenu de pension par an pendant 6 ans, et obtenir ainsi le crédit. Ou bien alors, vous pourriez vous assurer qu’un montant suffisant est transféré au FERR, puis en est retiré chaque année pour répondre aux exigences relatives au revenu de pension.

Toutefois, Howard Kabot suggère que le crédit de pension à lui seul ne suffit probablement pas pour ouvrir un FERR. « Bien qu’en principe il soit logique de tirer profit du crédit pour revenu de pension aussitôt que possible (s’il y a de l’argent à en tirer, autant le prendre), je ne pense pas qu’il faille pour autant bâtir toute une philosophie autour. »

Attention au recouvrement

Une considération plus importante à l’âge de 65 ans est le début du versement de la SV et le recouvrement qui en découle pour les individus au revenu plus élevé.

« Si vous avez 65 ans et plus, vous devez songer à l’impact de ce revenu supplémentaire sur le recouvrement de la Sécurité de la vieillesse, dit Howard Kabot. Si votre revenu net dépasse environ 70 000 $, il vous faudra rembourser votre SV en totalité ou en partie lorsque vous ferez votre déclaration d’impôt. » (Le revenu net est un montant calculé sur votre déclaration qui comprend diverses déductions comme les cotisations au REER, les cotisations syndicales et professionnelles, les frais de garde d’enfant, les pensions alimentaires et les frais financiers associés aux placements.)

Placer son revenu dans un CELI

Si vous ouvrez un FERR seulement dans un but de planification fiscale et n’avez pas besoin d’argent pour compléter votre revenu de préretraite, Lorn Kutner de Deloitte suggère d’en placer le produit dans un compte d’épargne libre d’impôt. Cela suppose que vous ayez des droits de cotisation inutilisés dans un CELI. Ceux-ci, si vous n’avez jamais cotisé, s’élèvent à 31 000 $, calculés à partir d’une limite de cotisation de 5 000 $ par an de 2009 à 2012, et de 5 500 $ par an de 2013 à 2015. « Vous pouvez investir le revenu d’un FERR dans un CELI pour vous-même et votre conjoint(e), ou vos enfants âgés de 18 ans et plus, et vous vous retrouverez de nouveau dans une situation de report d’impôt », dit Lorn Kutner.

Ou prenez tout simplement votre retraite!

Après avoir fait tous les calculs et beaucoup réfléchi à votre avenir (sans doute pour la première fois), peut-être déciderez-vous qu’il vaut mieux que vous vous mettiez à la retraite complète peu après l’âge de 60 ans. Howard Kabot ajoute : « Vous allez toucher bientôt votre SV et votre crédit pour revenu de pension, vous allez convertir votre REER en FERR, et il est donc parfaitement compréhensible que vous pensiez : je vais payer des impôts sur mes gains futurs, alors je pourrais probablement avoir le même revenu sans travailler. Si vous êtes placé dans cette situation, votre décision sera difficile — mais il est quand même agréable d’avoir ce type de problème.

« Au lieu de vouloir continuer à travailler parce que je ne veux pas payer maintenant des impôts sur l’argent que je retire de mon plan de retraite, je pourrais dire que je vais payer des impôts dans les deux cas de figure : dans le premier cas, j’en prendrai à mon aise et jouerai au golf tous les jours, et dans le second je serai forcé de me lever tous les matins et d’aller au travail. »