Malgré l’optimisme liée à la perspective d’atteindre un degré considérable de dérèglementation des marchés financiers affiché par les sénateurs, les membres du Congrès et les autres experts rencontrés par les membres du conseil d’administration de l’ACCVM en juin à Washington, les représentants américains ont reconnu « que les possibilités s’offrant au gouvernement et au Congrès d’obtenir des résultats sur le plan règlementaire d’ici les élections de mi-mandat de 2018 étaient limitées ».
« Il est d’ordinaire difficile, même dans le meilleur des cas, de se faire une idée claire de l’orientation règlementaire d’un futur gouvernement; mais la tâche s’avère d’autant plus compliquée dans le contexte américain actuel, où l’on doit tenir compte d’une administration déterminée à donner une nouvelle direction à la réglementation publique, tout en faisant l’objet d’une grogne politique sans précédent », écrit Ian Russell, président et chef de la direction de l’ACCVM, dans l’édition d’août 2017 de sa lettre mensuelle.
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Les 21 et 22 juin derniers, dans le but de mieux comprendre notamment l’orientation et les objectifs de la dérèglementation financière, de même que le débat portant sur le budget et la réforme fiscale, de même que sa portée, les membres du conseil d’administration de l’ACCVM ont rencontré à Washington les sénateurs Lindsey Graham, Jack Reed et John Boozman, tous membres du Senate Banking Committee, les membres du Congrès Chris Stewart et David Kustoff, siégeant au House Appropriations and Financial Services Committees, des hauts dirigeants de la U.S. Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA), des cadres du Executive Office of Management and Budget, plusieurs consultants ainsi que des cadres supérieurs de l’ambassade du Canada.
Les représentants rencontrés sont d’avis qu’une bonne part de dérèglementation des marchés financiers pourrait être réalisée par la voie de modifications règlementaires plutôt que par l’entremise d’un changement législatif, ce qui permettrait selon eux d’atteindre un degré considérable de dérèglementation. Le Trésor américain évalue pour sa part que de 70 à 80 % de la dérèglementation prévue pourrait s’effectuer par un changement de règlementation, rapporte Ian Russell.
Toutefois, le succès de la dérèglementation financière et des réformes fiscales et budgétaires prévues repose surtout sur la capacité des hauts fonctionnaires désignés de les mener à bien, indique le président et chef de la direction de l’ACCVM.
« Près de six mois se sont écoulés depuis les débuts du gouvernement Trump, et à peine 10 % des 559 postes du haut fonctionnariat ont été pourvus, ce qui représente un sérieux retard », prend soin d’ajouter Ian Russell.
Parmi les nominations annoncées qui pourraient avoir un impact sur la dérèglementation financière, celles de Joseph Otting à titre de contrôleur de la monnaie et de Randal Quarles à titre de vice-président de la supervision du conseil d’administration de la Réserve fédérale, sont les principales. Ces nominations n’ont toutefois pas encore été confirmées et de nombreux postes relevant de ces deux personnes demeurent vacants. « Ce lent processus de confirmation, qui reflète en partie des manœuvres de procédure démocrates, met en péril l’opportunité des mesures proposées », mentionne Ian Russell.
Il faut noter que les intentions de l’administration américaine relativement à la dérèglementation possible du secteur financier pourraient forcer les régulateur du monde entier à « ajuster, voire possiblement remettre en question, certains éléments de notre propre réglementation », analysait Louis Morisset, président-directeur général de l’Autorité des marchés financiers (AMF), lors d’une allocution à l’édition 2017 du Forum international des Amériques – Conférence de Montréal, tenue en juin.
Louis Morisset disait alors s’inquiéter du processus entamé, notamment parce que celui-ci est susceptible d’entraîner « un déséquilibre dans le cadre règlementaire mis en place depuis le dernier exercice, une crise publique, et perturber encore l’ordre règlementaires mondial », ce qui aurait pour conséquence de nuire au développement du secteur financier et de l’économie globale.
Réforme fiscale
En ce qui a trait à la réalisation de la réforme fiscale, « les réformes qui verront le jour constitueront bien peu de choses vis-à-vis de la revue en profondeur du système d’imposition américain qu’avait en tête le président de la Chambre Paul Ryan et les membres du U.S. House Committee on Ways and Means », indique Ian Russell.
Selon les indications obtenues par les représentants des ACCVM, il faut s’attendre à une certaine réduction du taux d’imposition des sociétés, du taux actuel de 35 % à un taux d’environ 25 %, mais pas jusqu’au taux proposé de 15 %.
L’absence de consensus et le manque de volonté politique devant la résistance de certains groupes d’intérêt, expliqueraient cette situation.
Au final, Ian Russell est d’avis que des progrès pourront vraisemblablement être faits sur les plans de la reforme fiscale et des objectifs de dérèglementation, « mais les changements aux politiques demeureront limités, et ce, malgré la majorité républicaine en Chambre et au Sénat ».