De 2000 à 2013, le nombre de cotisants au REER est passé de 5 millions à 4,2 millions, tandis que le nombre de cotisants au CELI a grimpé de 2 millions à 3 millions depuis sa création.
«Les taux d’épargne sont plus élevés au sein du groupe à revenu égal ou supérieur à la médiane, mais le remplacement des REER par des CELI est plus prévalent au sein du groupe à revenu inférieur à la médiane», note l’étude intitulée Tendances des cotisations aux REER et des retraits préalables à la retraite, 2000 à 2013, publiée par Statistique Canada en février 2017.
Les données indiquent que de 2008 à 2013, les utilisateurs de REER à revenu inférieur à la médiane sont devenus près de 45 % moins susceptibles d’épargner dans des REER, alors que les utilisateurs de REER à revenu égal ou supérieur à la médiane ne sont devenus qu’environ 16 % moins susceptibles de le faire.
De plus, la valeur moyenne de l’épargne accumulée dans des REER parmi les utilisateurs du régime à revenu inférieur à la médiane a chuté de 800 $ en 2008 à 100 $ en 2013. Statistique Canada concède que cette tendance peut être expliquée, entre autres, par le début de la récession économique, mais «le fait que la somme de l’épargne accumulée dans des REER et dans des CELI n’ait pas diminué semble indiquer que la [crise financière] n’est pas à l’origine de cet effet», est-il précisé dans le document.
Il est aussi ajouté que comme le nombre total de déclarants de 25 à 54 ans compris dans l’échantillon a augmenté de 3,2 % au cours de la période étudiée, «ces tendances ne résultent pas simplement de l’évolution démographique».
Donc, force est de constater que de plus en plus de Canadiens ont considéré que le CELI présentait des avantages pour eux par rapport au REER qui, pendant longtemps, était presque la seule solution envisagée pour l’épargnant dit consciencieux.
Déclic
Ces données n’ont pas surpris Hugo Neveu, président du cabinet, Hugo Neveu Services financiers. «Le CELI gagne de plus en plus de terrain au détriment du REER, pour la simple et unique raison que, bien qu’il n’existe que depuis 2009, ce n’est que récemment que les gens ont compris qu’il n’est pas nécessairement un dépôt à terme», dit-il.
Il rappelle que pour certains épargnants, il peut être plus avantageux d’utiliser le CELI. Par exemple, une personne qui travaille dans la fonction publique et qui possède déjà un régime à prestations déterminées devrait se demander si le CELI n’offre pas la valeur ajoutée la plus appropriée pour ses placements.
Hugo Neveu cite également en exemple les étudiants qui entrent sur le marché du travail et qui ne gagnent pas un revenu élevé. Dans certains cas, le taux d’imposition est si peu élevé que le crédit d’impôt ne vaut pas vraiment la peine et qu’il est préférable d’accumuler les droits de cotisation.
David Truong, conseiller sénior chez Banque Nationale Gestion privée 1859, remarque également que les données montrent que l’augmentation des cotisations CELI chez les cotisants à plus faible revenu est aussi attribuable à une nouvelle épargne.
«Les gens à plus faible revenu avaient l’impression que le REER n’était pas important, mais l’introduction du CELI dont ils peuvent retirer leur argent sans contrainte leur est soudainement apparu très avantageux, affirme-t-il. C’est ce qui m’a le plus interpellé dans le rapport, car nous, c’est ce que nous recommandons pour les gens à faible revenu, c’est-à-dire de cotiser dans le CELI, et non dans le REER.»
Il évoque notamment le risque pour certains épargnants à faible revenu d’être pénalisés s’ils choisissent le mauvais outil de placement. Ils pourraient, par exemple, perdre leur supplément de revenu garanti (SRG) s’ils ont un revenu trop important parce qu’ils retirent de leur REER. «Le CELI est un peu venu régler tout ça», dit-il.
Le REER demeure un régime complémentaire intéressant pour les épargnants plus riches, mais c’est vraiment pour les personnes à faible revenu qu’il est venu changer la donne, selon lui.
Un incitatif à la discussion
De son côté, Hugo Neveu constate que dans certains cas, le CELI a peut-être permis à certains conseillers de mieux faire leur travail, car l’apparition d’un nouvel outil de placement peut pousser un client, qui manquait d’intérêt au départ, à mieux s’informer.
«Ça ouvre la porte à la réévaluation. Si tu fais comprendre au client une notion qu’il ne saisissait pas [comme le fonctionnement du CELI], ça fait tout d’un coup un client qui s’intéresse plus à ce qu’on dit. Je dis toujours aux conseillers qu’ils ne travaillent pas chez Tim Hortons. Le but n’est pas de passer des commandes !»
Le facteur retrait
L’étude révèle toutefois que la valeur des fonds retirés des CELI a augmenté, passant de 1,3 G $ en 2009 à 7,4 G $ en 2013. Pour chaque dollar versé dans un CELI en 2013 par exemple, environ 0,47 cents ont été retirés la même année. Compte tenu de la nature du produit, la fréquence des retraits du CELI est évidemment plus fréquente que celles du REER, mais une augmentation des retraits a aussi été observée dans ce régime enregistré.
L’analyse de Statistique Canada établit néanmoins une distinction entre les personnes qui ont retiré des fonds, selon qu’il s’agit de retrait directs auprès d’institutions financières ou de retraits indirects découlant de défauts de paiement dans le cadre du Régime d’accession à la propriété (RAP).
Le nombre de personnes qui ont retiré des fonds a augmenté, mais le nombre de personnes qui ont effectué des retraits directs est demeuré stable, même pendant la récession.
«Cela semble indiquer une utilisation croissante du RAP ou une augmentation des défauts de paiement dans le cadre du RAP. Il est utile de noter que des personnes cotisent parfois à un REER tout en étant en défaut de paiement au cours d’une même année», peut-on lire dans l’étude.
Ces observations n’étonnent pas Hugo Neveu qui les attribue notamment à la génération qui a popularisé l’expression «YOLO», qui veut dire «on ne vit qu’une fois».
«Les statistiques de hausse de l’endettement et de défauts de paiements du RAP sont à l’image de ce mode de vie. Souvent, il est même prévu à l’avance qu’ils ne rembourseront pas tout de suite leur RAP, c’est la notion «on verra ça plus tard»», déplore Hugo Neveu.
David Truong fait valoir de son côté que dans des situations bien particulières, le non-remboursement du RAP peut représenter un conseil pertinent, mais certainement pas dans tous les cas, insiste-t-il : «C’est très délicat et je ne proposerais pas cela à tout le monde. Il faut examiner la situation de chacun à un moment précis, mais si on fait les calculs, ça pourrait avoir du sens dans certains cas.»
Il cite en exemple une femme en congé de maternité dont le revenu est moindre cette année-là. Le montant minimum qu’elle doit rembourser par année à son RAP est le montant retiré jusqu’à un maximum de 25 000 $ divisé par 15. Donc, si durant cette année de congé, elle ne rembourse pas son RAP, le pire qui puisse lui arriver, c’est d’être imposée sur 1 666 $ à un taux d’imposition inférieur à celui utilisé habituellement.
L’avenir
Évidemment, aucun des deux conseillers ne peut prédire l’avenir, mais David Truong prévoit que le CELI prendra de plus en plus de place dans la planification financière à mesure que les épargnants d’aujourd’hui vieilliront. Hugo Neveu, quant à lui, fait remarquer que les tables d’imposition pourraient changer dans les prochaines années et venir à nouveau chambouler les habitudes d’épargne.
Bien que l’étude de Statistique Canada montre que les cotisations au CELI sont passées de 9 G $ à 15,9 G $ de 2009 à 2013, une plus récente étude réalisée par BMO Groupe financier dévoile que les cotisations des Canadiens au CELI en 2016 sont légèrement en baisse par rapport à 2015, soit de 5 531 $ à 4 592 $.
Il est donc intéressant pour les conseillers de garder un oeil sur l’évolution de ces tendances pour bien suivre leurs clients dans l’évolution de leur mentalité et de leurs habitudes.