La première question à se poser est s’il est pertinent pour son client de s’incorporer ou non. Il est nécessaire, notamment, de connaître le revenu imposable de l’entrepreneur, de savoir s’il est un professionnel, s’il exerce avec des collègues, mais surtout quel est son rythme de vie.

« Il reste que même si on fait un revenu de plus de 100 000 $, si on en dépense 200 000 $, ce n’est pas gagnant », illustre Michel Lavoie, qui dirige un cabinet de consultation en fiscalité et en planification financière.

Monique Lemire, aussi planificatrice financière et conseillère en fiscalité et lui, ont offert la formation « Entrepreneurs et professionnels : l’incorporation et diverses considérations », lors du congrès.

Si un entrepreneur possède les critères gagnants pour une incorporation, elle comporte de nets avantages.

Le taux d’imposition combiné effectif d’un revenu imposable de 55 000 $ est de l’ordre de 25 %. Ce taux s’élève à près de 45 % lorsque le revenu imposable s’élève à près de 400 000 $.

Or, le taux combiné d’une société par actions (SPA) est de 19 % pour le premier 500 000 $ de revenu d’entreprise exploitée activement et de 26,9 % pour l’excédent.

Lorsque l’entrepreneur ne se verse pas la totalité du revenu gagné par la société, il bénéficie d’un report d’impôt de 6 % (25 %-19 %) du revenu actif qu’il ne se verse pas ou de 26 % (45 %-19 %).

Les conférenciers ont présenté une étude de cas qui démontre qu’un entrepreneur, exploitant son entreprise personnellement, avec un revenu de 200 000 $ et un coût de vie de 80 000 $ aurait une capacité d’épargne de 40 000 $.

D’un autre côté, un entrepreneur qui incorpore son entreprise aurait une capacité d’épargne de 23 640 $ de plus par année, soit 63 640 $.

Pour une société, les différents revenus sont imposés différemment, et ce, dès le premier dollar. En analysant les taux applicables aux sociétés, pour certains revenus tels que les dividendes, l’incorporation peut être souhaitable.

Elle apporte d’autres bénéfices comme la protection des biens personnels dans certaines situations.

« C’est toujours une question de déterminer ce qu’on peut laisser dans la société. Administrativement, ça demande plus d’efforts, des documents supplémentaires à remplir, donc il faut que ça en vaille la peine », explique Michel Lavoie.

Il existe aussi certaines considérations juridiques. Il est entre autres nécessaire de s’assurer que le client a droit d’exercer sa profession par l’intermédiaire d’une société par actions. Cela n’est possible que lorsque la règlementation de son ordre le permet.

La structure, la fiducie et l’après coup en page 2

Structure

Votre client a finalement conclu que les avantages fiscaux et légaux dépassaient pour lui les désavantages? Il faut maintenant déterminer quelle structure d’entreprise choisir, comme une structure simple sans déduction pour gain en capital ou une structure simple avec déduction pour gain en capital.

« Quelle que soit la structure mise en place, il est nécessaire de s’assurer, qu’elle respecte le règlement de chaque ordre professionnel, qu’elle réponde aux objectifs du client, qu’elle ne soit pas trop lourde afin d’éviter des coûts récurrents prohibitifs et que le client la comprenne », ont mentionné les conférenciers.

Fiducie

Les experts ont aussi traité de la pertinence de la mise en place d’une fiducie. Ils ont rappelé ses nombreux avantages comme le fractionnement de revenus, la multiplication de la déduction pour gain en capital, la possibilité de transférer des biens aux bénéficiaires sans conséquence fiscale et la protection des actifs grâce à un patrimoine fiduciaire distinct de celui des bénéficiaires.

Quelques désavantages existent quand même comme la possibilité d’application d’une règle d’attribution dans le cas d’une fiducie discrétionnaire, la possibilité que la fiducie discrétionnaire associe des sociétés entre elles et minimise la déduction pour petites entreprises ou encore les coûts de constitution et des coûts récurrents potentiellement élevés.

« Une fiducie peut permettre sous toute réserve de multiplier l’exonération du gain en capital s’il y a vente des actions de la société. Étant donné qu’elle est discrétionnaire, elle permet de ne pas émettre des actions directement aux enfants ou conjoint en cas de problèmes de divorce ou de séparation par exemple », fait valoir Michel Lavoie.

Leur présentation a aussi mis en lumière six règles à respecter lorsqu’on crée une fiducie: documenter les étapes de la transaction, ouvrir un compte bancaire et y faire des transactions réelles, constituer un livre de fiducie, prévoir le remplacement des fiduciaires en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité, maximiser la déduction pour petite entreprise en s’assurant que la fiducie n’associe pas d’autres sociétés entre elles et prévoir plusieurs copies de l’acte de fiducie afin de le retrouver lorsque cela sera nécessaire.

Après coup

L’« après-incorporation » est aussi un aspect crucial, selon Michel Lavoie. Elle comprend notamment la détermination de la rémunération de l’actionnaire. Les experts ont souligné qu’il ne fallait pas se fier seulement à des considérations fiscales, mais plutôt adopter une approche financière globale.

En plus des versements par salaire ou dividende, il existe un type de rémunération combiné salaire-dividende. Il faut déterminer cette combinaison en permettant à l’actionnaire dirigeant de recevoir l’encaissement visé à un moindre coût corporatif et personnel.

Afin d’établir cette combinaison, il importe d’identifier les objectifs du client et d’effectuer plusieurs calculs. Le salaire ou le bonus est une dépense déductible dans le calcul du revenu de la société payeuse.

En ce qui a trait aux dividendes, il s’agit notamment « d’établir s’il s’agit de dividendes déterminés ou ordinaires. Le taux d’imposition maximal est de 35,22 % pour un dividende déterminé et de 39,79 % pour un dividende ordinaire. Le dividende ne constitue pas une dépense déductible dans le calcul du revenu de la société », précisent les conférenciers.

En ce qui a trait à l’approche salaire pour des personnes liées à l’actionnaire ou non impliquées dans l’exploitation de l’entreprise, « il faut veiller à ce que le salaire ou la prime soit raisonnable », précisent-ils.

« C’est un sujet que nous les fiscalistes, appelons  » sujet mou  », parce qu’il n’est pas seulement fiscal. Il y a beaucoup de choses à considérer. Il n’y a pas de réponse universelle pour tous les clients », souligne Michel Lavoie.