C’est le cas de Raymond Kerzérho, analyste financier agréé et directeur de la recherche chez PWL Capital.

Selon lui, il est intéressant de consulter l’avis des experts du plus important émetteur d’obligations au pays, c’est-à-dire le gouvernement fédéral Canada. Dans son rapport « Stratégie de gestion de la dette » pour 2014-2015, Ottawa explique qu’il continue d’allonger l’échéance moyenne de son portefeuille obligataire en émettant davantage d’obligations de 10 ans et de 30 ans.

« L’emprunteur le plus important du pays veut donc profiter d’une plus longue période de faibles taux, car il retardera la hausse de ses frais d’intérêt lorsque les taux remonteront », commente Raymond Kerzhéro.

Qu’est-ce que cela signifie pour les clients ? « Si on s’en tient à des obligations de plus courte échéance, on devrait améliorer son rendement et réduire le risque de son portefeuille », précise-t-il.

« Dans de telles conditions, l’approche à privilégier serait d’investir dans un portefeuille d’obligations de 0 à 5 ans. Si les taux montent, je suis content, puisque la partie à échéance de mon portefeuille sera réinvestie à des taux plus élevés. À long terme, je serai gagnant », croit Raymond Kerzérho.

Cela dit, il rappelle qu’« en réalité, personne ne connaît l’avenir. Ceux qui craignent le retour des années 1970 doivent se rappeler qu’il a fallu 40 ans pour voir les taux passer de 2 à 16 % ».

Alfred Lee, gestionnaire de portefeuille et stratège en placement pour les fonds négociés en Bourse (FNB) de BMO, rappelle qu’encore cette année, ce sont les taux d’intérêt qui détermineront l’évolution des prix des actifs.

« Le contexte macroéconomique s’est amélioré dans l’ensemble, mais les marchés sont techniquement surévalués », note-t-il dans une analyse du premier trimestre 2014.

« En plus de cet optimisme, le système financier utilise trop l’effet de levier, ce qui rendra les marchés extrêmement vulnérables si les taux montent trop vite », prévient-il.

Rotation de l’actif

L’année 2013 a été marquée par une rotation de l’actif au sein des FNB, selon Alain Desbiens, vice-président, Québec et Atlantique, FNB BMO chez BMO Gestion mondiale d’actifs.

« Les investisseurs ont délaissé progressivement les FNB de titres à revenu fixe au profit des FNB d’actions. Pour se protéger d’éventuelles hausses des taux, les investisseurs ont privilégié les FNB d’obligations à court terme », explique-t-il. Leur durée était même inférieure à celle de l’indice FTSE TMX d’obligations canadiennes, ajoute-t-il.

Autre constat : les gestionnaires et les conseillers sont moins friands d’indices obligataires. Ils ont plutôt jeté leur dévolu sur les FNB d’actions privilégiées et les titres de créances non gouvernementales, tels que les FNB à taux variables, les créances de rendement élevé et les obligations de sociétés de premier ordre.

« Les détenteurs de comptes non enregistrés sont également attirés par les FNB d’actions privilégiées », remarque Alain Desbiens.

Attention au risque de crédit

Dans un environnement de bas taux d’intérêt, il est tentant de chercher à bonifier son rendement en prenant plus de risque de crédit. Les FNB d’obligations à rendement élevé en sont un exemple.

Raymond Kerzérho fait toutefois une mise en garde. « N’oublions pas que ce produit augmente la proportion en actions du portefeuille. En 2008, ces produits ont été presque aussi malmenés que les actions. »

« On investit dans le marché obligataire pour pouvoir bien traverser les hauts et les bas de la Bourse et pour avoir la capacité d’acheter si le marché est en détresse, plutôt que de vendre », rappelle-t-il.

Si l’on croit que la remontée des taux sera liée à une économie plus forte et que les entreprises auront un meilleur bilan financier, on peut investir dans les obligations de sociétés ou à rendement élevé de courte durée, nuance Yves Rebetez, directeur général d’ETF Insight.

« Ces flux monétaires plus élevés que ceux des obligations gouvernementales seront ainsi réinvestis à des taux d’intérêt supérieurs », précise-t-il.

« La gestion du risque de crédit peut être sournoise », souligne Raymond Kerzérho.

« Il y a de longues périodes où tout va bien, mais quand un vrai cycle baissier ou une récession surviennent, on peut alors s’attendre à un étranglement du crédit (credit crunch). Et vous pouvez être certain qu’il y aura des défauts de paiement dans les sous-jacents de FNB obligataires à rendement élevé si une telle situation survient », dit-il.

« Dès qu’on diversifie son actif à revenu fixe à l’extérieur des obligations gouvernementales ou des sociétés de premier ordre, les corrélations avec le marché des actions augmentent », rappelle Alain Desbiens.

C’est particulièrement vrai dans le cas des FNB d’obligations à rendement élevé, de pays émergents ou à taux variable. « Le rendement espéré est évidemment plus élevé que les obligations gouvernementales ou provinciales, mais la volatilité l’est aussi », ajoute-t-il.

Les FNB obligataires à taux variable sont également populaires auprès des investisseurs préoccupés par les hausses de taux. Plusieurs de ces fonds intègrent du risque de crédit par l’intermédiaire de débentures de sociétés, des prêts bancaires par exemple. Ils peuvent donner une fausse impression de sécurité, puisqu’ils versent un taux variable à court terme plus une marge.

« On pense alors acheter des produits du marché monétaire, ce qui n’est pas le cas. Ces produits ont été très malmenés à la fin des années 1970, début 1980 », précise Raymond Kerzhéro.

Dans une perspective à long terme et dans un contexte d’une remontée graduelle des taux d’intérêt, il peut aussi être intéressant de détenir des FNB d’obligations de sociétés de premier ordre (investment grade) de moins de cinq ans, croit le directeur de la recherche de PWL.

« Ce qui n’empêche pas les défauts. La société Enron en est un bon exemple. Il est donc important de s’assurer que le portefeuille est bien diversifié », dit Raymond Kerzérho.

Obligations échelonnées

Depuis quelques années, de plus en plus de FNB obligataires répondent à des besoins plus spécifiques quant aux risques liés aux taux d’intérêt qu’un investisseur est prêt à assumer, constate Yves Rebetez.

« On trouve aujourd’hui des FNB composés d’obligations gouvernementales et de sociétés de plus courte durée. Il y a aussi des FNB à taux variable qui s’adaptent à d’éventuelles hausses des taux d’intérêt. Les FNB d’obligations gouvernementales et de sociétés échelonnées sont également à considérer dans un tel environnement », indique Yves Rebetez.

Par exemple, dans un fonds d’obligations échelonnées de un à cinq ans, le portefeuille est divisé en cinq catégories d’égale pondération. Chaque groupe est composé de titres ayant la même durée à l’échéance, soit de un an à cinq ans. Avec le temps, les obligations roulent d’une catégorie à l’autre, le cinq ans devient du quatre ans, le quatre ans devient du trois ans et ainsi de suite.

Chaque année, les obligations d’un an sont vendues et le montant est réinvesti dans le terme de cinq ans.

« Un tel portefeuille est moins sensible à une hausse des taux d’intérêt puisque l’échéance moyenne est assez courte, soit de moins de trois ans. De même, on gère mieux le risque de réinvestissement, puisqu’on allonge chaque année le portefeuille en rachetant des obligations à des taux d’intérêt qu’on anticipe supérieurs », explique Yves Rebetez.

Gérer le risque de taux d’intérêt ne signifie pas qu’un client ne perdra jamais d’argent. Si c’est ce qu’on souhaite, il vaut mieux s’en tenir aux bons du Trésor, rappelle Raymond Kerzérho.

« En fait, on veut plutôt éviter d’investir dans des obligations à long terme et s’en tenir à notre répartition d’actif, tout en ayant la possibilité de réinvestir les obligations venues à échéance à des taux d’intérêt plus élevés », conclut-il.