La soixantaine de personnes assistant à un Forum de Morningstar intitulé Le bêta intelligent est-il vraiment intelligent? Le panel de discussion, qui s’est réuni le 28 mai dans les bureaux de Morningstar à Toronto, mettait en présence Som Seif, fondateur et directeur général de Purpose Investments Inc.; Bill Tilford, chef des placements quantitatifs à RBC Gestion mondiale d’actifs; et Atul Tiwari, directeur général de Placements Vanguard Canada Inc. L’animateur était Paul Kaplan, directeur de la recherche à Morningstar Canada.
Les panélistes ont rejeté à l’unanimité le terme « bêta intelligent » comme dénomination adéquate pour ce vaste éventail de stratégies basées sur les règles, qui ne peuvent pas toutes être considérées comme intelligentes. Mais sur certaines autres questions, Som Seif s’est démarqué comme l’anticonformiste du lot.
Dans ses observations préliminaires, Som Seif a ressemblé brièvement à un investisseur indiciel traditionnel. Il a dit à l’audience qu’il adhérait à une approche de placement passive parce que c’était un procédé discipliné, transparent, dépassionné et à faible coût. Mais il s’est empressé d’ajouter qu’il n’était pas en faveur de l’indexation traditionnelle axée sur la capitalisation boursière.
À sa firme actuelle, comme il l’a fait lorsqu’il était PDG de Claymore Investments Inc., Som Seif présente des stratégies d’indexation basées sur des critères non traditionnels. Les marchés, dit-il, sont menés par des facteurs différents, comme la valeur, la croissance ou l’élan. « Ce que nous avons reconnu à travers le placement passif, a ajouté M. Seif, est que l’on peut profiter de ces facteurs d’une manière passive. »
Bill Tilford de RBC et Atual Tiwari de Vanguard ont énergiquement manifesté leur désaccord avec l’affirmation de Som Seif selon laquelle les portefeuilles basés sur des critères autres que la capitalisation boursière pouvaient être considérés comme passifs. « Ce sont des solutions disciplinées et objectives, a dit Atul Tilford, mais ce ne sont d’aucune manière envisageable des solutions passives. »
Évaluer les mérites de ces stratégies, a ajouté Bill Tilford, exige le même travail de recherche que pour un placement actif traditionnel. « Il faut passer en revue le processus de placement. Il faut examiner les éléments vers lesquels ces stratégies décident de pencher. »
Avec les approches factorielles, a dit Atul Tiwari, la différence est que les décisions actives sont toutes prises dès le départ. En évaluant ces approches, a-t-il dit, les investisseurs devraient examiner les coûts pour s’assurer qu’ils sont raisonnables. Il a jouté : « On devrait examiner la structure du produit, et l’on devrait aussi comprendre comment ce produit se comportera différemment dans des cycles différents. »
Bill Tilford a établi une claire distinction entre les portefeuilles boursiers (le bêta) et les portefeuilles factoriels qui cherchent à ajouter de la valeur (l’alpha) par rapport aux indices boursiers. Atul Tiwari a abondé dans son sens. « Il n’y a vraiment qu’un seul bêta, et c’est l’indexation selon la capitalisation boursière, a-t-il dit. Tout le reste nous considérons comme relevant d’une approche de placement active. »
Som Seif n’était pas d’accord. « Je crois vraiment aux penchants actifs, et je crois vraiment que certains facteurs ont historiquement prouvé qu’ils ajoutaient de la valeur bien au-delà d’un indice de référence traditionnel », dit-il. Un indice axé sur la capitalisation boursière est « une forme de bêta, c’est un indice penchant vers la croissance. » Som Seif a avancé qu’un portefeuille équipondéré, par exemple, était aussi une forme de bêta.
Le paradoxe du rendement
Paul Kaplan de Morningstar a signalé que bien qu’il soit difficile pour les gestionnaires actifs traditionnels de surclasser le marché, les indices appliquant le bêta intelligent semblent le faire facilement, du moins dans les tests rétroactifs. « Pouvons-nous résoudre ce paradoxe? », a-t-il demandé aux panélistes.
Une explication, a dit Atul Tiwari, est que l’on n’entend jamais parler des tests rétroactifs qui ont donné de mauvais résultats. Il a dit qu’au cours de sa carrière, il n’avait jamais entendu de gestionnaire lui dire : « Parlez-moi d’une stratégie testée rétroactivement qui se soit classée dans le troisième ou le quatrième quartile. »
Les coûts sont eux aussi importants, et c’est le meilleur facteur pour déterminer le rendement à venir, a dit Atul Tiwari. Bien que de nombreuses stratégies de bêta stratégique coûtent plus cher que l’indexation axée sur la capitalisation boursière, ces stratégies peuvent être raisonnablement bon marché et présenter « une très bonne alternative à la gestion active traditionnelle dont les frais sont beaucoup plus élevés ». Som Seif a indiqué que les raisons principales pour lesquelles les gestionnaires actifs ne pouvaient pas battre les stratégies indicielles ou les indices de références traditionnels étaient des frais excessifs et un manque de discipline.
Les perdants d’un jeu à somme nulle
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Les perdants d’un jeu à somme nulle
Si certaines stratégies surclassent le marché, c’est qu’il doit aussi y avoir des perdants dans ce qui est en gros un jeu à somme nulle. « Qui sont ces perdants? », a demandé Paul Kaplan.
« Ceux qui exécutent des transactions basées sur leurs émotions », a répondu Som Seif, ajoutant que la plupart du temps, les perdants du marché étaient les investisseurs autonomes clients des courtiers à escompte. Atul Tiwari a fait remarquer que d’après des études effectuées sur la finance comportementale, les investisseurs avaient de plus mauvais résultats que le marché parce qu’ils prenaient de mauvaises décisions sur le moment d’acheter ou de vendre.
Ce ne sont pas seulement les investisseurs particuliers qui prennent de mauvaises décisions, a dit Atul Tiwari. « Beaucoup d’études ont montré que les institutions tendaient à licencier un gestionnaire au plus mauvais moment et à en recruter un autre au plus mauvais moment aussi, et vous n’aurez pas manqué de voir le tour qu’ont pris leurs rendements après une de ces décisions. »
Bill Tilford a indiqué qu’il y avait certainement des gagnants et des perdants dans le marché global, mais que dans certaines transactions on pouvait se trouver dans une situation où tout le monde y gagnait. Une partie prenante de la transaction peut effectuer un placement à long terme, alors que l’autre peut disposer d’un horizon temporel plus court ou avoir besoin de gérer le risque à court terme.
Les contraintes de capacité
En évaluant les stratégies basées sur des règles, a dit Bill Tilford, il est important de considérer la capacité potentielle de la stratégie par rapport à la taille du bassin d’actifs devant être gérés. « C’est une chose de gérer peut-être 5 M$ avec certaines de ces idées; c’est une tout autre question de gérer 5 G$ avec ces stratégies. »
Les questions de capacité entrent en jeu dans les stratégies de créneau ou les marchés plus petits comme le segment des petites capitalisations canadiennes, a dit Atul Tiwari. Mais pour placer en contexte les investissements axés sur le bêta stratégique, leurs actifs sont plutôt petits en comparaison des montants investis dans les stratégies d’indexation traditionnelles. Par exemple, a-t-il dit, 87 % de tous les actifs des fonds négociés en bourse aux États-Unis appliquent des stratégies pondérées selon la capitalisation boursière.
« Notre recherche montre qu’à long terme, que ce soit dans un marché efficient ou non, si l’on investit dans le marché au coût le plus bas possible, on va se surclasser, a dit Atul Tiwari. On en revient donc selon nous au coût, et non aux inefficiences des marchés. »