Un statut plus clair pour vos clients conjoints de fait?

Le CSF voudrait que ce changement soit appliqué tant sur le plan de l’obligation alimentaire que du partage du patrimoine familial.

Il s’agit d’un revirement de position pour le Conseil du Statut de la femme (CSF). Jusqu’alors, l’organisme avait défendu un traitement différent des couples mariés et non mariés lors de la rupture, « au nom de l’autonomie et de l’égalité des femmes ». Cette position a été modifiée à la suite d’une réflexion sur le droit familial entreprise après le jugement de la Cour suprême sur la cause Éric c. Lola.

Moins nébuleux pour les conseillers

Contacté par Finance et Investissement, Jean-François Guay, planificateur financier à la BMO, mentionne ne pas être surpris par une tendance vers une clarification du statut de conjoint de fait.

« Nous avions suivi le procès d’Éric et Lola pour voir comment ça se terminerait. C’est certain que je m’attends à des changements dans les années à venir. On voit que la pression est de plus en plus forte en ce sens. C’est sûr qu’il existe des inégalités, surtout lorsqu’il y a des enfants d’impliqués ».

D’ailleurs rare sont les conjoints de fait qui font leur planification financière conjointe et encore plus ceux qui abordent la possibilité d’une séparation.

Parfois, le conseiller peut le recommander s’il est bien à l’aise avec ses clients, mentionne Jean-François Guay.

« Ça dépend du couple. Avec certains clients, on devient pratiquement des psychologues. Quand on connaît un peu mieux les gens et particulièrement s’il y a des enfants, moi je vais recommander de faire une planification conjointe. Certains vont vouloir tout de même la faire seul. »

Il rapporte aussi que très peu de gens ont des conventions de communes de signées, dans 95 % des cas selon lui.

Des changements au droit de la famille pour les conjoints de fait pourrait en effet faciliter le travail des conseillers, croit-il.

« S’il y a un changement dans la loi, l’idéal, c’est qu’il représenterait l’équivalent de la convention commune ou d’obliger les gens à décider comment ils veulent diviser leurs biens en cas de séparation ».

Un statut après deux ans de couple

De son côté le CSF propose que ce nouveau régime s’applique après deux ans de vie commune ou dès la naissance d’un enfant. Les couples pourraient s’y soustraire en signant un contrat notarié, ce qui garantirait le consentement éclairé des deux conjoints.

« En trente ans, le portrait des familles québécoises a connu des changements considérables, souligne le CSF. Aujourd’hui, les couples vivent en union libre dans 38 % des cas, alors que cette proportion n’était que de 8% en 1981 ».

Leur communiqué souligne aussi que les deux tiers des enfants naissent dans ce type d’union, tandis que les trois quarts des familles monoparentales sont sous la responsabilité d’une femme.

« Quant aux ruptures, elles touchent près d’un couple sur deux, qu’il soit marié ou en union de fait. Il est donc temps que l’État québécois accorde une forme de protection à la conjointe ou au conjoint de fait le plus vulnérable lors d’une séparation, comme c’est le cas dans toutes les autres provinces canadiennes », fait valoir le CSF.

Ailleurs au Canada

Après une étude approfondie des différents modèles juridiques existant au Canada et ailleurs, le CSF estime qu’au Québec les conjoints de fait devraient bénéficier de la même protection juridique que les couples mariés au moment de la dissolution de l’union. « C’est le choix que la Colombie-Britannique, le Manitoba, la Saskatchewan, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest ont fait. À des degrés divers, la Suède et la Nouvelle-Zélande protègent aussi les conjoints de fait en cas de rupture », est-il noté dans son avis.

Le Québec est la seule province canadienne qui ne prévoit aucune obligation alimentaire pour l’ex-conjoint le plus vulnérable économiquement en cas de dissolution d’une union de fait.

La notion de « libre choix »

« La théorie voulant que la décision de vivre en union libre soit un choix éclairé ne tient pas la route. Il se peut que ce choix soit celui d’un seul des deux partenaires ou encore que le couple manque d’information sur les conséquences financières de leur mode de vie », croit la présidente du CSF, Julie Miville-Dechêne.

Le Conseil réclame donc « une meilleure protection de la conjointe ou du conjoint de fait le plus vulnérable, afin de préserver les familles des risques d’appauvrissement, et recommande, lors d’une rupture que l’obligation alimentaire ne s’applique pas seulement aux enfants, mais aussi aux conjoints de fait, de la même façon qu’elle s’applique aux couples mariés, quue les conjoints de fait soient soumis aux règles de partage du patrimoine familial acquis durant l’union et que les conjoints de fait puissent se soustraire à l’application de ce régime (droit de retrait) d’un commun accord ».

Photo : Flickr Free grunge textures