Selon lui, un vaste effort mené par le Fonds monétaire international (FMI) devrait toucher éventuellement la réglementation de la distribution, et les fonds distincts seront touchés.

D’après ce principe, le produit offert doit être fiable et l’information le concernant doit être transparente avant et après vente, quelle que soit la firme qui le distribue.

Les changements à venir sont inévitables, juge Yves Millette, car «nos régulateurs veulent être reconnus à l’international», dit-il. Ces changements seront davantage fondés sur des principes que sur des règles détaillées.

Approche de l’AMF

C’est d’ailleurs cette approche par principes basée sur le traitement équitable des consommateurs que l’Autorité des marchés financiers (AMF) a adoptée dans certains documents règlementaires visant le secteur de l’assurance, comme la Ligne directrice sur les contrats individuels à capital variable afférents aux fonds distincts, en janvier 2011, ou la Ligne directrice sur les saines pratiques commerciales, en juin 2013.

Ces documents régissent notamment l’information au point de vente, la publicité, la gestion des incitatifs et le traitement des plaintes des clients.

Au sein du Canada, le Québec se différencie par le fait que l’AMF réglemente à la fois le secteur des fonds communs et celui des fonds distincts. Ce n’est pas le cas ailleurs au Canada où manufacturiers de FCP et assureurs sont supervisés par des organismes distincts.

Par exemple, à la Commission des services financiers de l’Ontario (CSFO), qui supervise les plus grands assureurs du pays, les questions soulevées par les documents de l’AMF font tout juste l’objet de quelques études très préliminaires, fait ressortir une entrevue avec Grant Swanson, directeur de la CSFO.

Différences sur le terrain ?

Malgré ces lignes directrices, il semble que sur le terrain, les pratiques en fonds communs et en fonds distincts demeurent inégales.

Selon plusieurs observateurs de l’industrie, notamment avec l’arrivée de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC), l’écart de réglementation concernant la distribution de fonds communs de placement et celle de fonds distincts se creuse.

Le MRCC phase 2 des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) prévoit notamment la divulgation des frais de gestion d’un FCP au dollar près en juillet 2016, y compris les commissions de suivi des conseillers.

Du côté des fonds distincts, l’AMF indique que «le représentant qui exige des émoluments d’une personne avec laquelle il fait affaire (par exemple, des frais d’administration) doit les dévoiler», selon l’article 17 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

Toutefois, on est loin d’exiger un relevé aussi précis que celui exigé en distribution de FCP.

«Un représentant qui n’a que des fonds distincts n’a pas à envoyer un relevé consolidé qui révèle sa rémunération dans la dernière année», fait ressortir Yvan Morin, chef de la conformité chez Mica Capital. Et aucune discussion dans ce sens ne semble être en cours actuellement dans les milieux des fonds distincts.

Concours encore permis

L’industrie des FCP a aboli depuis quelques années plusieurs pratiques de promotion de vente, comme les concours de vente. Or, ces incitatifs perdurent dans les fonds distincts.

«Les mesures incitatives ne sont pas interdites en assurance, mais uniquement dans la mesure où elles n’ont aucune influence sur le travail du représentant au détriment de son client», précise l’AMF.

Encore une fois, sur le terrain, les concours et les congrès d’assureurs se poursuivent et sont organisés de façon à séduire les conseillers.

«Si je transférais mes portefeuilles de fonds communs vers les fonds distincts de certaines compagnies d’assurance, je pourrais me payer un très beau voyage en moins de deux ans», avance un conseiller, qui a plus de 25 ans de métier et demande l’anonymat.

Commissions réévaluées

Par ailleurs, l’avis 81-323 des ACVM remet en question la légitimité des commissions de suivi et met en lumière les conflits d’intérêts qu’elles suscitent.

De telles discussions laissent présumer une abolition des commissions de suivi, comme cela s’est produit en Australie et au Royaume-Uni. Et elles «créent des malaises et des inquiétudes dans l’industrie», constate Yvan Morin.

Dans un échange, l’AMF souligne qu’un conseiller doit «agir avec prudence, diligence, honnêteté, loyauté et dans le meilleur intérêt du mandant», tel que le Code civil l’exige.

«Toute forme de rémunération doit être développée dans le respect de l’obligation qui incombe au représentant de se prémunir contre toute situation de conflit entre ses propres intérêts et ceux de son client», indique l’AMF dans un échange par courriel.

«La Ligne directrice sur les saines pratiques commerciales présente des obligations aussi pour les institutions financières, dont les assureurs. En vertu de cette ligne directrice, l’Autorité s’attend à ce que les assureurs adoptent des « incitatifs » qui ne nuisent pas au traitement équitable des consommateurs.»

Cependant, sur le terrain, aucune discussion sur ce thème épineux n’est en cours dans le milieu des fonds distincts, confirme Yvan Morin. «Il n’y a pas de dossier de cette nature sur la table», tranche-t-il. Mais dans les fonds communs, il y en a plusieurs.

Risque accru

Cet écart de réglementation entraîne le risque que certains représentants qui possèdent les permis les autorisant à distribuer les deux types de fonds fassent migrer les portefeuilles de leurs clients vers les fonds distincts.

Certains ont déjà commencé à le faire progressivement, confirment trois vétérans du conseil financier qui disposent eux-mêmes de ces deux permis, les auteurs de ce transfert souhaitant échapper à la charge règlementaire qui pèse de plus en plus lourd dans le secteur des fonds communs.

Toutefois, l’AMF «ne corrobore pas» ces tendances et remet même en question leur fondement.

Quoi qu’il en soit, alors que le MRCC2 a un échéancier précis, celui des prochains changements importants dans la réglementation semble inconnu.

«Il y a un peu plus d’un an, le ministre québécois des Finances et de l’Économie a annoncé la révision de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de la Loi sur les assurances, indique l’AMF dans un courriel. Par conséquent, toute réflexion de l’AMF à l’égard de la distribution des fonds distincts, le cas échéant, s’insérera dans ce processus.»