La première stratégie est la constitution d’une fiducie familiale discrétionnaire, dans laquelle les bénéficiaires de l’arrangement sont des membres de la famille. La seconde est l’émission d’actions à dividendes discrétionnaires aux membres de la famille.

Quelle méthode choisir ? Cela dépend des objectifs et des contraintes du client. En effet, chacune possède ses avantages et ses inconvénients.

Solide, mais coûteuse

La fiducie familiale permet un fractionnement de revenu avec le conjoint et les enfants majeurs en les désignant comme bénéficiaires.

Pour ce faire, la fiducie devient propriétaire d’actions d’une société qui lui verse un dividende. Par la suite, la fiducie attribue ce revenu de dividende aux différents bénéficiaires, qui l’ajoutent à leurs revenus personnels.

Ces revenus sont ainsi imposés entre les mains et au taux d’imposition marginal respectif des bénéficiaires.

Ceux-ci, qui ont souvent peu de revenus, paient alors peu ou pas d’impôt sur ces dividendes. Cela remplit l’objectif, qui est de diminuer l’impôt payable par la famille en fractionnant le revenu.

Le propriétaire de l’entreprise contrôlant généralement la fiducie familiale, celle-ci lui laisse donc une grande flexibilité en matière de répartition des revenus aux membres de sa famille.

Kiddie Tax

La fiducie permet indirectement de profiter d’un autre avantage lors de la vente des actions de la société dans le cas où ces titres répondent aux critères leur permettant d’être considérées par le fisc comme des actions admissibles de petite entreprise.

Dans cette situation, l’exonération cumulative des gains en capital de 800 000 $ pourra être multipliée par le nombre de bénéficiaires qui se voient attribuer le gain en capital. Il faut toutefois que le gain (à tout le moins, le gain imposable) soit effectivement versé à un bénéficiaire afin que celui-ci puisse profiter de son exonération.

Par ailleurs, on ne propose le fractionnement de revenu qu’avec des enfants majeurs, en raison d’une taxe spéciale pour les situations de fractionnement de revenu qui impliquent des enfants mineurs.

Introduite en 2000, la kiddie tax s’applique lorsqu’on attribue à des enfants mineurs un revenu de dividende. Cette taxe fait en sorte que le taux d’impôt maximal est payé par l’enfant, qui n’a pas droit à quelque crédit que ce soit – sauf le crédit pour dividende – pour réduire son impôt.

En outre, la constitution d’une fiducie doit être confiée à un spécialiste, car la moindre erreur dans la rédaction de ce document ou dans les transactions peut être coûteuse. Cela entraîne donc des honoraires professionnels élevés, qui peuvent atteindre plus de 25 000 $.

Moins onéreuse

Pour ce qui est des actions à dividendes discrétionnaires, il s’agit d’une solution beaucoup moins coûteuse qui peut répondre au besoin de fractionnement de revenu d’un entrepreneur.

L’émission de telles actions, en faveur du conjoint par exemple, n’est cependant pas sans risque.

En effet, les autorités fiscales ont tenté à quelques reprises de contester cette stratégie. Même si la Cour suprême du Canada a confirmé à deux reprises la validité de l’utilisation de ce type d’actions, certaines précautions doivent être prises.

Par exemple, il importe de ne pas verser un dividende supérieur aux bénéfices que l’entreprise a accumulés depuis l’émission des actions. Le contraire indiquerait qu’on vient puiser dans «le vieux gagné», et le fisc s’y opposerait.

Une bonne façon d’éviter cette situation est de procéder à un gel successoral avant l’émission des actions.

Lors du gel, le propriétaire de l’entreprise transfère la plus-value future des actions qu’il détient, afin qu’elle s’accumule entre les mains des membres de sa famille. L’entrepreneur conserve quant à lui la juste valeur actuelle de ses titres.

Les nouvelles actions sont généralement non participatives, c’est-à-dire qu’elles n’ont droit à aucun reliquat, et sans droit de vote. Dans le cas où elles seraient participatives, elles donneraient le droit de multiplier l’exonération des gains en capital de 800 000 $ avec les membres de la famille. Cependant, en cas de conflit entre actionnaires, le dirigeant en contrôle serait moins bien protégé.

Autre élément important : un dividende discrétionnaire ne doit pas être perçu comme un stratagème permettant à un actionnaire de sortir des fonds libres d’impôt de sa société par l’intermédiaire d’un prête-nom.

Autrement dit, lorsqu’on veut faire du fractionnement de revenu avec son enfant majeur, on ne doit pas récupérer l’argent versé à l’enfant. Si les autorités découvrent que les fonds versés ne font que transiter par le compte de l’enfant, la règle générale anti-évitement pourra s’appliquer et annuler tout avantage.

En résumé, une fiducie familiale constitue selon certains fiscalistes une structure plus solide, mais plus coûteuse. Les actions à dividendes discrétionnaires, quand elles sont émises avec les précautions requises, représentent selon d’autres une solution tout aussi intéressante pour fractionner le revenu, mais à coût moindre… À vous de choisir votre fiscaliste !

*Directeur, planification financière et fiscale, Centre financier SFL, Cité de Montcalm