Peter McCarthy est embauché. Lorsqu’il commence à travailler, le responsable de la salle du courrier lui donne un conseil. «C’était un sergent retraité de la marine. Il m’a dit : « Si tu veux réussir dans la vie, lis tout ce qui passe sur ton bureau ».»
Il a en quelque sorte suivi ce conseil à la lettre. «J’étais responsable des photocopies de toute l’entreprise, entre autres des documents confidentiels ; or, j’aime lire et apprendre des choses !»
Après six mois, son supérieur lui suggère de se trouver «un vrai travail dans l’entreprise». Le président de Maritime Life Assurance de l’époque, Dick Crawford, faisait d’ailleurs la promotion du recrutement de talents à l’interne.
«Lors d’un dîner organisé pour des employés de tous les paliers de l’entreprise, j’étais un peu gêné de dire devant des vice-présidents que je travaillais à la salle du courrier. Il (Dick Crawford) m’a confié qu’il avait lui-même commencé en servant le café aux employés d’une compagnie d’assurance.»
Peter McCarthy obtient peu après un remplacement pour un poste de gestion de fonds distincts. «Les ressources humaines m’ont fait passer des tests. Je n’avais fait d’études ni en mathématiques, ni en actuariat, mais je les ai réussis», s’étonne-t-il un peu lui-même.
Assureur en croissance
Finalement, il ne termine que deux années sur trois de son baccalauréat en histoire, car il commence à travailler à temps plein pour Maritime Life Assurance. Depuis, il n’a jamais arrêté de gravir les échelons.
Au fil des remplacements et des promotions, Peter McCarthy se hisse dans la haute direction de l’assurance et prend finalement les commandes d’AIG Vie du Canada en 2000, à l’âge de 36 ans. Neuf ans plus tard, l’entreprise est achetée par BMO et devient BMO Assurance.
Entre 2000 et 2012, l’actif de l’assureur est passé de 475 M$ à plus de 7,6 G$, et ses revenus annuels, de 41 M$ à 1,1 G$. Toujours en 2012, le président de BMO Assurance s’est vu également confier la responsabilité de la supervision du secteur de l’assurance-crédit.
Selon les données fournies par BMO Assurance, la filiale génère aujourd’hui des primes d’environ 1,5 G$ par an. L’assureur travaille avec 5 500 conseillers. Les ventes annuelles de produits d’assurance vie aux particuliers ont notamment grimpé de 48 % de 2009 à 2012.
Perspective québécoise
BMO Assurance ne veut pas fournir ses revenus canadiens en chiffres absolus.
Néanmoins, il est possible d’en apprendre un peu plus sur l’évolution de l’assureur sous la gouverne de Peter McCarthy en consultant le récent «Rapport annuel sur les assurances» de l’Autorité des marchés financiers (AMF).
De 2011 à 2012, la part de marché de BMO Société d’assurance-vie au Québec est passée de 0,86 % à 1,03 %, et les primes directes souscrites au Québec (tous types d’assurances de personnes confondus) ont augmenté de 101,7 M$ à 127,6 M$. Remarquer que BMO Société d’assurance-vie représente les opérations d’assurance vie directes provenant de l’acquisition d’AIG Vie au Canada. Les primes souscrites de rentes ont pratiquement doublé, passant de 18,4 M$ à 39,9 M$.
En un an, l’assureur est donc passé du 20e au 16e rang du marché québécois en ce qui a trait aux primes d’assurance directes. À titre de comparaison, le numéro un, Desjardins Sécurité financière, avait une part de marché de 18,2 %, avec 2,3 G$ de primes directes souscrites en 2012.
À noter qu’au cours de l’année de l’achat d’AIG Vie du Canada par BMO en 2009, BMO Société d’assurance-vie avait toutefois vendu plus de primes qu’en 2011 au Québec, c’est-à-dire pour une valeur de 104,3 M$. Sa part de marché, à 0,907 %, était tout de même moins élevée.
Bilan satisfaisant
En dépit de quelques variations dans ses résultats, Peter McCarthy a certainement fait progresser BMO Assurance depuis qu’il en tient la barre. Il est particulièrement fier des performances de sa section en 2013.
«Nous avons atteint tous nos objectifs… ou presque, mais ils sont toujours ambitieux ! dit le dirigeant. Nous avons enregistré une croissance des ventes d’assurance vie universelle de 16 %, un marché difficile au Canada. L’industrie, quant à elle, a subi une décroissance d’environ 5 à 6 % en 2013.»
Peter McCarthy souligne aussi la nouvelle option d’investissement d’assurance universelle lancée en janvier dernier. «Nous n’avions qu’un seul compte indiciel garanti en fonction du marché lié au marché canadien profitant du rendement de l’indice S&P/TSX 60. Nous en avons maintenant un nouveau, composé d’actions américaines profitant du rendement du S&P 500.»
BMO Assurance offre 450 options d’investissement différentes en assurance vie universelle. Le nombre d’options des autres compagnies qui se rapprochent le plus de BMO s’établit dans les deux chiffres, rapporte son président.
Peter McCarthy note également une croissance de 64 % dans le marché du transfert de responsabilités de rentes collectives. Par exemple, l’assureur prend en charge les pensions des employés d’entreprises qui désirent fermer. BMO reçoit un montant forfaitaire de ces compagnies et assure de payer les rentes aux assurés jusqu’à leur décès. Elle s’occupe donc de l’administration et assume le risque de longévité et le risque d’intérêt, mais la responsabilité elle-même reste entre les mains des entreprises.
«Nous commençons également à croître dans le marché de l’assurance maladies graves (2 M$ de primes en 2013 par rapport à environ 1,33 M$ en 2012, soit une croissance de 55 %) et de l’assurance salaire», ajoute-t-il.
Peter McCarthy explique comment sa filiale se distingue de la concurrence : «Depuis la crise financière et en raison de la chute des taux d’intérêt, beaucoup de changements ont eu lieu dans l’industrie. Nous demeurons constants, en faisant le moins de modifications possible dans nos produits, notamment afin de ne pas déstabiliser notre relation avec les conseillers».
Il convient avoir dû, comme ses concurrents du marché de l’assurance, augmenter les prix de certains produits, notamment ceux d’assurance vie universelle en raison de la faiblesse des taux d’intérêt. Toutefois, la réduction des rachats d’obligation amorcée par la Réserve fédérale américaine (Fed), qui a poussé à la hausse les rendements obligataires, le rend optimiste.
En outre, bien que les résultats de l’implantation de produits de fonds distincts avec FNB intégrés ne soient pas encore palpables, celle-ci représente pour Peter McCarthy la plus grande satisfaction de 2013.
«C’est un défi d’intégrer ce marché qui équilibre les garanties et les risques pour les clients. De plus, les règles de capitaux ont beaucoup changé depuis 2008. Notre objectif pour la fin de l’année est d’atteindre 150 M$ de ventes de fonds distincts. Je pense que nous allons l’atteindre et même le dépasser un petit peu !» dit-il en riant.
Embûches
Récemment, Peter McCarthy a aussi connu quelques déceptions. Parmi celles-ci, il mentionne les résultats moins élevés que prévus en 2013 dans le marché des polices de rentes d’indemnisation à l’extérieur du Québec. Selon lui, plusieurs facteurs expliquent cette situation, le principal étant le retour de Manuvie dans ce marché.
«Nous sommes passés de trois à quatre acteurs et Manuvie est un bon concurrent. Il réussit toujours bien dans les niches qu’il occupe», affirme-t-il. Les deux autres sont Standard Life et Sun Life. De plus, il cite le faible nombre de nouvelles ventes de polices, notamment en raison des faibles taux d’intérêt qui n’encourageraient pas l’achat d’un tel produit.
En ce qui concerne l’avenir, Peter McCarthy appréhende le manque de relève en assurance et se sent concerné par cet enjeu.
«Les conseillers doivent tout d’abord créer eux-mêmes la relève, devenir des mentors et faire de plus en plus de formation, parce que les produits sont de plus en plus compliqués. J’observe les efforts qui se font dans la région de Québec pour recruter des jeunes. Avec l’Industrielle Alliance (IA), Yvon Charest fait de très bonnes choses. C’est dans cette direction que l’industrie doit aller», dit-il en parlant notamment des partenariats des assureurs de Québec entre eux et avec les institutions scolaires.
D’ailleurs, à l’image de ceux qui lui ont donné sa première chance chez Maritime Life Assurance, Peter McCarthy, aujourd’hui âgé de 50 ans, parcourt de temps à autre les couloirs des bureaux de BMO Assurance à Montréal et Toronto pour discuter avec ses employés de tout âge et de tous les paliers hiérarchiques.
C’est peut-être ainsi qu’il rencontrera, un jour, un autre être doté de «la bosse naturelle des assurances», pour lui succéder.