Dans une chronique précédente, j’ai parlé des fonds constitués en société. Conclusion : ces fonds avaient un avantage équivalent à environ 0,5 point de pourcentage de rendement par an.

Autrement dit, à répartition d’actif égale – respectant le profil de l’investisseur – les fonds constitués en société génèrent une plus-value successorale supérieure à celle de fonds constitués en fiducie, comme si ces derniers avaient réalisé un rendement d’environ 0,5 point de pourcentage de plus par an.

Taux d’impôt implicites

J’ai déjà parlé également de la diversification entre le REER et le CELI. Je disais alors – je persiste et signe toujours – qu’une vraie optimisation en phase d’accumulation entre le REER et le CELI, à part des cas extrêmes, n’est pas possible et ne le sera «jamais», étant donné la complexité relative des algorithmes et l’apparent manque de volonté des institutions financières de développer de tels outils.

Qui plus est, la valeur ajoutée d’une telle optimisation serait relativement faible en moyenne. Le décaissement, étant influencé par l’accumulation, est donc légèrement pénalisé au point de départ.

Il y a plus. L’optimisation du décaissement doit tenir compte de la situation fiscale complète de chaque personne rendue à cette phase. L’élément clé de cette situation est constitué des TEMI (taux effectifs marginaux d’imposition) dont je parle fréquemment. Ceux-ci permettront de calculer précisément le revenu disponible après impôts et transferts gouvernementaux.

Hypothèses

Sans entrer dans les détails d’une «recette magique» (que je vous invite à développer…), je pense qu’il est important de comprendre quelques points centraux ainsi que leurs impacts dans une situation de décaissement. Ce qui complique les choses, c’est que tous ces éléments sont interreliés.

Seuil minimal de revenus imposables : il est évident qu’un décaissement mettant en priorité les sommes non enregistrées génère des revenus imposables faibles tant que les comptes non enregistrés subsistent. Si le niveau de ces revenus imposables est si faible que l’investisseur ne peut profiter de ses crédits d’impôt non remboursables, il ne s’agit pas d’un bon plan de décaissement. Ce dernier devrait ainsi illustrer un revenu imposable minimal permettant de ne pas «laisser de l’argent sur la table», c’est-à-dire de profiter minimalement de tous les crédits non remboursables.

Fractionnement des revenus de retraite : depuis 2007, il est possible de fractionner ses revenus de retraite et ses revenus de retraite admissibles. Cet élément peut avoir un impact majeur en cas d’écarts de revenus importants entre conjoints.

Supplément de revenu garanti (SRG) et allocations : bien que le SRG ne s’adresse pas aux personnes ayant beaucoup d’actifs, un revenu imposable faible déclenche ces prestations non imposables, et certains clients y tiennent.

Ordre de décaissement : il est évident qu’une priorisation des sommes enregistrées avant un décaissement de sommes provenant du CELI ou d’un compte non enregistré va à l’encontre d’une bonne efficience fiscale. On voudra généralement décaisser le CELI après le compte non enregistré et transférer le maximum de ce dernier vers le CELI.

De plus, un décaissement de fonds de revenu viager (FRV) devrait être priorisé avant celui d’un FERR traditionnel afin de générer le maximum de flexibilité.

Notons que les sommes n’ayant pas été retirées d’un FRV, mais qui auraient pu l’être, peuvent être transférées dans un REER ou un FERR – avec une limite avant 65 ans pour les FRV du Québec.

Récupération de la PSV : mentionnons que s’il est possible d’éviter cette zone de récupération, une plus-value en sera souvent dégagée. Cette zone ne doit toutefois pas être évitée «à tout prix». Elle ne fait qu’augmenter le TEMI, tout comme la perte de n’importe quel crédit du Québec basé sur le revenu familial.

Reproduction de «la vraie vie» : les logiciels d’illustration indiquent le montant avant impôt qu’il faut retirer afin que le montant après impôt soit suffisant pour répondre aux besoins. Or, en réalité, les investisseurs n’ont pas à faire ces calculs. Personne ne va retirer 14 861,23 $ de son FERR afin qu’il lui reste 10 000 $ après impôts car il anticipe un impôt de 4 861,23 $.

La raison en est simple : le taux de retenue d’impôt est souvent fixé par l’institution financière – et par le client – et l’ajustement se fait sur la déclaration de revenus au mois d’avril suivant…

Cet élément peut n’avoir que peu d’impacts mais, particulièrement dans le cas de retraits non enregistrés avec un gain en capital important, plusieurs mois de rendement peuvent être «gagnés» par rapport aux illustrations traditionnelles. Le calcul de l’impôt minimum de remplacement devrait aussi être effectué.

Simulations Monte Carlo : ces simulations aléatoires reflétant théoriquement le comportement des marchés financiers peuvent mener à un plan de décaissement minimisant les pertes en cas de débandade de certains marchés. Attention cependant à de telles simulations, car le défi est de bien intégrer les paramètres dans le modèle. En effet, il est faux de prétendre qu’une simple loi normale reflète le rendement de quelque marché d’actions ou obligataire que ce soit.

Profil d’investisseur : le décaissement devrait se faire de telle sorte que la répartition d’actif projetée respecte en tout temps le profil d’investisseur du client.

Même si je n’ai pas fait tout le tour de la question, j’espère que vous comprenez qu’une optimisation du décaissement repose sur une foule d’hypothèses et de données, et que le développement d’un modèle tenant compte de l’ensemble de ces facteurs nécessite temps et argent.

Si vous n’avez pas accès à un outil faisant une partie du travail, je vous suggère d’investir quelques dollars en ce sens – ou de développer vos propres outils -, car votre concurrent le fera et les clients apprécieront… Bonne réflexion !

*Directeur, planification financière et fiscale, Centre financier SFL, Cité de Montcalm