«C’est un pays bon marché», affirme Jean-Benoît Leblanc, gestionnaire de portefeuille spécialisé dans les marchés émergents chez Hexavest.
Sous-évalué
La Corée du Sud est un pays développé membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Toutefois, elle fait partie de l’indice des pays émergents MSCI, qui comprend en outre la Chine et Taïwan.
Or, le marché sud-coréen est sous-évalué par rapport à ses pairs asiatiques, selon Jean-Benoît Leblanc. «Depuis 2011, la Corée du Sud performe moins bien que l’Asie dans son ensemble.»
Selon lui, cette situation tient notamment à l’appétit des investisseurs pour d’autres pays émergents asiatiques comme la Thaïlande, l’Indonésie et les Philippines. «Ce sont les nouveaux darlings des investisseurs», dit-il.
La politique de dévaluation du yen japonais par rapport à des devises comme le dollar américain et le won sud-coréen pèse aussi dans la balance, disent les analystes.
La dépréciation du yen nuit aux entreprises de la Corée du Sud, car elle rend leurs produits plus coûteux que ceux du Japon. Les exportateurs japonais sont les principaux concurrents des exportateurs sud-coréens dans des secteurs comme l’électronique, l’automobile et les télécommunications.
C’est un enjeu de taille pour un pays comme la Corée du Sud, qui exportait 56,5 % de son PIB en 2012, selon l’OCDE.
La force du won par rapport au dollar américain inquiète également les industriels sud-coréens. Le 23 janvier, le constructeur automobile Hyundai a déploré cette situation, en annonçant que ses ventes avaient chuté de 8 % au quatrième trimestre.
Depuis le début de 2013, la Corée du Sud performe d’ailleurs moins bien que le Japon sur le plan boursier (voir le graphique). L’écart avec les États-Unis est encore plus important.
Un beau paradoxe, alors que le PIB réel en Corée du Sud a crû de 2,7 % en 2013, soit davantage qu’aux États-Unis (1,9 %) et qu’au Japon (1,7 %), selon les estimations de The Economist Intelligence Unit.
Une force industrielle
Dans ce contexte, pas étonnant que Hexavest et d’autres gestionnaires de portefeuille placent leur actif en Corée du Sud. En effet, malgré la contre-performance de la Bourse sud-coréenne, la quatrième économie asiatique a beaucoup de potentiel.
«Une des forces de ce pays est son formidable secteur manufacturier», souligne Wendy K. Dobson, spécialiste de l’Asie et codirectrice du Rotman Institute for International Business à l’Université de Toronto.
Les principales industries de ce pays de 50 millions d’habitants sont l’électronique, les semi-conducteurs, les télécommunications, l’automobile, la chimie, la construction navale, de même que l’acier.
Pour Wendy K. Dobson, nul doute que la Corée du Sud a un fort potentiel de croissance économique. Son PIB devrait croître de 3,9 % cette année, selon les prévisions du ministère sud-coréen de la Stratégie et de la Finance.
La reprise des investissements privés en équipements et en machinerie annonce aussi une croissance plus vigoureuse. Ces investissements ont crû à un rythme annualisé de 9,9 % au quatrième trimestre de 2013, selon le ministère.
C’est tout un contraste avec la contraction observée au cours des deux dernières années, souligne le Financial Times de Londres. Le secteur de la construction a aussi connu un rebond au quatrième trimestre, à 6,9 %, après avoir reculé au cours des trois dernières années.
La reprise notée dans plusieurs secteurs tient en grande partie au plan de relance économique de 4,8 G$ US adopté en mai 2013 par le parlement sud-coréen. Ce plan comprend des incitatifs fiscaux pour aider les PME et stimuler l’investissement privé, sans parler d’un coup de pouce à la construction.
Réformes nécessaires
Malgré tout, l’économie sud-coréenne fait face à plusieurs défis pour assurer sa croissance à long terme, soulignait la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, lors d’une visite en Corée du Sud en décembre.
Ainsi, pour avoir une croissance durable de plus de 4 % par an, la 15e économie mondiale doit amorcer plusieurs réformes économiques et sociales majeures, selon la patronne du FMI.
En Corée du Sud, la population est vieillissante, les inégalités économiques grandissantes, le filet social insuffisant, et le marché du travail ne fait pas assez de place aux femmes – avec le taux d’emploi de la femme le plus faible des pays de l’OCDE.
De tous ces défis, c’est le vieillissement de la population qui représente la plus grande menace à la prospérité.
Selon le FMI, la Corée du Sud pourrait devenir le pays qui compte le plus grand nombre de personnes âgées – toutes proportions gardées – d’ici 2050, avant le Japon, un pays dont la population diminue.
Ce scénario pourrait freiner la croissance économique du pays à 2 % par année d’ici 2025, selon Christine Lagarde.
Le vieillissement de la population a déjà réduit le bassin de main-d’oeuvre des entreprises sud-coréennes, ce qui fait augmenter leurs coûts de production, souligne Wendy K. Dobson, de l’Université de Toronto.
«Les Sud-Coréens doivent donc accroître leur productivité afin d’être plus efficaces, tout en développant de nouveaux produits», dit-elle.
Selon Wendy K. Dobson, le secteur des services doit aussi être déréglementé, ce qui permettra d’y insuffler une bonne dose de libéralisme. Il compte pour 58 % du PIB, par rapport à 70 % au Canada, selon The World Factbook de la CIA, l’agence de renseignement américain.
De saines finances publiques
Malgré tout, le pays peut compter sur des facteurs positifs à moyen terme. Un de ceux-ci est la faiblesse de l’inflation, selon une analyse récente de Deloitte.
En janvier, elle s’est établie à 1,1 %, soit bien au-dessous de la fourchette de 2,5 à 3 % prévue par la Banque de Corée. Cela a permis à la banque centrale de réduire encore les taux d’intérêt pour limiter l’appréciation du won par rapport au yen japonais.
«Le gouvernement n’a pas non plus de problème de dette publique», souligne Jean-Pierre Couture, économiste et stratège, marchés émergents, chez Hexavest.
De saines finances publiques permettent au gouvernement d’investir pour relancer l’économie. L’endettement des ménages sud-coréens est toutefois préoccupant, précise-t-il.