Or, le troc n’échappe pas au fisc. «Quel que soit le mode de paiement, dès qu’on a un échange de biens ou de services, c’est sûr que la fiscalité s’applique», explique Luc Lacombe, associé chez Raymond Chabot Grant Thornton, à Montréal.
«Cela comprend tout système commercial en vertu duquel des biens ou des services sont fournis en contrepartie d’unités de crédit ou de coupons qui ont une valeur monétaire théorique», indique un porte-parole de Revenu Québec par courriel.
En clair, toute transaction doit être convertie en dollars canadiens. Le client doit ainsi donner un équivalent en dollars à la transaction à laquelle il donne cours, qu’il s’agisse par exemple d’un bien qu’il échange contre un autre bien ou contre un service ou finalement contre des bitcoins.
Une entreprise qui vendrait régulièrement des ordinateurs à un client contre des bitcoins serait assujettie au fisc à deux niveaux. D’une part, elle serait appelée à acheminer vers chaque agence la TPS et la TVQ rattachée aux transactions.
D’autre part, le revenu total gagné à la fin de l’année à partir des transactions en bitcoins serait imposable au même titre que tout le revenu gagné à partir des transactions en dollars.
Statut incertain
Les choses se compliquent avec l’investissement ou la spéculation liés au cours des bitcoins.
Si un client acquiert 1 000 bitcoins à un taux de change de 1 bitcoin pour 1 $ et que quelques mois plus tard, il les revend à 1 500 $, quel est le traitement fiscal de ce profit ? Il pourra s’agir soit d’un gain en capital dont le taux d’inclusion au revenu d’un client s’élève à 50 %, comme ungain d’investissement, soit d’un revenu imposable à 100 %, à l’instar d’un revenu d’entreprise.
La décision découle de plusieurs facteurs, dont le nombre de transactions effectuées par le client, ses connaissances des marchés, son équipement et son engagement en temps, d’après l’Agence du Revenu du Canada (ARC) dans un échange de courriels.
Le profit risque davantage d’être considéré par les autorités fiscales comme un revenu, non comme un gain en capital, si le client négocie fréquemment des bitcoins, les détient pour une courte période et consacre une partie importante de son temps à effectuer ces transactions.
Les transactions relèvent alors de la spéculation sur séance, «ce qui donne généralement ouverture à du revenu d’entreprise plutôt qu’à du gain en capital», précise Revenu Québec.
Toutefois, les bitcoins peuvent constituer un investissement tout à fait légitime.
«Je peux très bien détenir des bitcoins d’une valeur de 3 000 $ dans un compte bancaire pour cinq ans, dit Luc Lacombe. Alors, je n’ai pas à m’imposer chaque année. Mon calcul de gain ou de perte se fera seulement à la fin du terme de cinq ans, au moment où je peux encaisser mon placement.»
Et à ce moment-là, c’est bel et bien un gain ou une perte en capital que réclamera le contribuable.
Par ailleurs, qu’en est-il des transactions en bitcoins qu’un contribuable multiplierait sans jamais sortir des bitcoins, c’est-à-dire sans jamais les convertir en dollars ? Le gain ou la perte accumulé sur ces transactions est-il assujetti au fisc ?
«Il faut qu’une transaction soit réalisée pour que l’on puisse établir les conséquences économiques d’une telle transaction pour les parties, répond Revenu Québec. La détention de bitcoins dont la valeur fluctue dans le temps générera des conséquences fiscales lorsque : soit il sera vendu contre de l’argent ayant cours légal, soit il sera échangé contre un autre bien.»
Bref, tant que le client ne détient que des bitcoins sans aucune conversion en dollars, le fisc ne s’y intéresse pas. Dès qu’il les convertit, que ce soit en argent ou dans une opération de troc (à laquelle il doit assigner une juste valeur marchande), les règles du fisc s’appliquent.
Inquiétudes
Par ailleurs, les autorités canadiennes s’inquiètent encore de cette monnaie virtuelle.
Dans le budget fédéral 2014, le gouvernement a proposé de prendre des mesures réglementaires visant les monnaies virtuelles, comme le bitcoin, dans le cadre de la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
«Les transactions impliquant la monnaie virtuelle, aussi appelée cryptomonnaie, ne sont pas couvertes par le Fonds d’indemnisation des services financiers ni par le Fonds d’assurance-dépôts.
«Les Québécois devraient donc faire preuve de prudence puisqu’ils peuvent s’exposer à des pertes potentielles non couvertes par les régimes d’indemnisation et d’assurance-dépôts actuellement en vigueur lorsqu’ils négocient avec de la monnaie virtuelle», indique l‘Autorité des marchés financiers (AMF), dans un communiqué.