L’entente intergouvernementale (EIG), survenue le 5 février dernier, allège certaines exigences de la loi qui auraient contraint les institutions financières canadiennes à fournir des renseignements directement à l’autorité fiscale américaine Internal Revenue Service (IRS).
Cette requête «aurait pu enfreindre les lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels», selon le ministère des Finances du Canada.
Ainsi, plutôt que de devoir se rapporter directement à l’IRS, les institutions financières canadiennes transmettront les renseignements pertinents concernant les comptes détenus par des résidents américains et des citoyens américains (y compris les citoyens américains qui sont résidents ou citoyens du Canada) à l’Agence du revenu du Canada (ARC), selon l’EIG.
Par la suite, l’ARC échangera avec l’IRS les renseignements sur les comptes qui pourraient sembler irréguliers ou suspects dans le cadre des dispositions déjà prévues par la Convention fiscale Canada-États-Unis. Cette mesure est conforme aux lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels. Une règlementation à venir élaborera dans le détail les procédures requises.
L’entente est réciproque : l’IRS fournira à l’ARC plus de renseignements et de meilleure qualité sur certains comptes détenus par des résidents canadiens dans des institutions financières américaines.
Soulagement et coûts
«L’EIG est une excellente nouvelle pour les banques canadiennes. Le gouvernement a vraiment fait en sorte de protéger les Canadiens», affirme Shlomi Steve Levy, avocat et associé au cabinet Altro Levy, à Montréal.
L’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) félicite le gouvernement fédéral, par voie de communiqué, pour les exemptions et modifications négociées à l’avantage des investisseurs canadiens.
«Le gouvernement a fait un très bon travail pour extraire de la loi FATCA les comptes peu susceptibles de faire de l’évasion fiscale», dit James Carman, conseiller fiscal principal à l’IFIC.
En effet, selon l’EIG, certains types de comptes canadiens seront exclus du régime de la FATCA et de ses exigences en matière de déclaration, entre autres les REER, les fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR), les régimes enregistrés d’épargne-invalidité (REEI) et les comptes d’épargne libresd’impôt (CELI).
De plus, les institutions financières de plus petite taille, comme les caisses de crédit, dont les actifs totalisent moins de 175 M$ seront exemptées de ces exigences.
Par contre, note James Carman, l’entente n’élimine pas les coûts de conformité découlant de la FATCA.
«Les institutions financières auront encore plus de travail de conformité à effectuer pour en satisfaire les exigences. Du personnel devra être formé, les procédures d’ouverture de compte devront être changées, les systèmes informatiques devront être mis à jour pour repérer et suivre les comptes susceptibles d’être rapportés.»
Sans retenue
Un autre changement important touche les sanctions sévères auxquelles les institutions financières et leurs détenteurs de comptes auraient pu faire face si elles ne se pliaient pas à la FATCA.
Il s’agit de retenues d’impôt spéciales par les États-Unis sur les versements provenant de ce pays, comme un dividende.
Le fisc allait prélever une retenue de 30 % «sur l’ensemble des revenus de source américaine, tant d’une institution que d’une personne américaine ayant un compte dans la banque en question», explique Alain Orvoine, associé chez Deloitte, à Montréal.
La retenue d’impôt de 30 % prévue par la FATCA ne s’appliquera pas aux clients des institutions financières canadiennes. Celle-ci «ne pourra s’appliquer à une institution financière que si celle-ci ne respecte pas de manière importante et depuis une longue période ses obligations en vertu de l’accord», d’après le ministère des Finances.
Citoyen ou résident
Attention, souligne Shlomi Steve Levy, «ces exemptions ne libèrent pas les personnes américaines de leur obligation de faire leur déclaration d’impôt au fisc américain».
En effet, une personne américaine (tout individu né au États-Unis ou dont le statut l’oblige à faire une déclaration à l’IRS, par exemple le détenteur d’une carte verte) doit faire une déclaration de revenu au fisc américain, même si elle habite au Canada depuis 20 ans.
On évalue à plus d’un million les résidents du Canada considérés comme des contribuables américains aux yeux du fisc américain.
Cela tient à une disposition particulière des lois fiscales américaines, «basées sur la citoyenneté. Au Canada, elles sont basées sur la résidence», souligne Shlomi Steve Levy.
Révolution
La FATCA représente une petite révolution dans le monde financier où, jusqu’à la crise financière de 2007-08, le secret bancaire était chose presque sacrée. Au lendemain de la crise, le fisc américain, dans un différend qui l’opposait à la banque UBS, a eu raison du gouvernement suisse et du fameux secret bancaire de ce pays.
La FATCA s’inscrit dans la suite de cette confrontation. Le secret bancaire sera de plus en plus balisé, d’abord par la FATCA, mais aussi par plusieurs autres ententes entre les pays du G20 présentement dans le collimateur.
Par exemple, on s’est entendu pour faire de l’échange automatique de renseignements fiscaux la nouvelle norme mondiale selon un modèle international, échange qui devrait commencer d’ici la fin de 2015.