Les firmes de courtage à escompte ne sont pas tendres avec les particuliers qui ont des devises à changer. En règle générale, les frais de change oscillent entre 1 et 1,5 % pour des montants de 10 000 à 100 000 $.
Toutefois, il existe une façon de réduire la facture. Plusieurs gestionnaires et conseillers ont adopté la technique développée par Norbert Schlenker il y a quelques années. Dans le jargon financier, on l’appelle le Norbert’s Gambit.
On peut simplement l’utiliser pour changer des montants appréciables d’une devise à l’autre. Le jeu en vaut la chandelle, affirment les experts consultés par Finance et Investissement.
L’inventeur du Gambit
Norbert Schlenker, planificateur financier et président de Libra Investment Management, prodigue des conseils à des particuliers depuis une dizaine d’années.
Il a conçu le Norbert’s Gambit au cours des années 1990, lorsqu’il a dû convertir un montant important de dollars canadiens en dollars américains. «Cette technique consiste essentiellement à choisir une action très liquide, cotée à la fois à la Bourse canadienne et à la Bourse américaine, comme celle d’une grande banque. On achète ensuite le titre au Canada pour le vendre simultanément aux États-Unis», explique-t-il.
«Le résultat sera qu’on convertit des dollars canadiens en dollars américains à un taux près du comptant (spot). Plusieurs firmes de courtage à escompte permettent de faire ce genre de transactions», ajoute Norbert Schlenker, qui vit à Salt Spring Island, en Colombie-Britannique.
«Pour des transactions qui s’établissent entre 10 000 $ et 1 M$, cela vaut la peine d’utiliser cette technique. Au-delà de ce montant, vous devriez bénéficier d’un taux institutionnel», croit le spécialiste.
Norbert Schlenker a dévoilé sa méthode en 2001, sur le forum en ligne The Wealthy Boomers. Un investisseur lui demandait alors comment convertir à peu de frais des devises canadiennes et des devises américaines.
«Je lui ai expliqué ouvertement ma façon de procéder. Un autre lecteur du site a ensuite baptisé ma technique Norbert’s Gambit. Je ne me souviens même pas de qui il s’agit !» dit-il.
Aux échecs, jouer gambit signifie qu’on sacrifie un pion en début de partie afin de dégager le jeu ou pour obtenir un avantage d’attaque, une supériorité de position. On peut jouer le gambit du roi ou de la dame, par exemple.
De la théorie à la pratique
«Cette méthode se révèle souvent bien moins coûteuse que de changer des devises auprès d’une institution financière», confirme Dan Hallett, vice-président et directeur principal chez HighView Financial Group.
Et ce, malgré les deux commissions liées aux transactions, sans oublier le coût lié à l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur, précise-t-il.
«Je l’ai fait plusieurs fois. C’est assez simple, et la plupart des firmes de courtage à escompte ont la fonction de transfert de titres qui permet de le faire sans trop de difficulté», ajoute Dan Hallett.
Selon lui, la plupart des conseillers inscrits auprès de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) peuvent utiliser cette technique pour leurs clients.
Norbert Schlenker fait affaire avec BMO Ligne d’action, et il effectue toutes ses transactions en ligne.
Il rappelle aux investisseurs qui emploient le gambit dans un compte taxable qu’ils ne peuvent pas utiliser un titre qu’ils détiennent ou qu’ils ont vendu depuis moins de 30 jours, afin d’éviter l’application de la règle fiscale sur les pertes apparentes.
«Cependant, les titres très liquides sont nombreux. Si vous aviez déjà ceux de la RBC, optez plutôt pour ceux de la CIBC. On pourrait aussi utiliser par exemple le titre de PotashCorp, ou celui d’Imperial Oil», illustre Norbert Schlenker.
Utiliser un FNB
Justin Bender, gestionnaire de portefeuille chez PWL Capital, et son collègue Dan Bortolotti, conseiller chez PWL Advisors, croient fermement aux bienfaits de cette méthode.
Au cours des derniers mois, ils ont publié plusieurs rapports d’analyse qui illustrent la technique mise au point par Norbert Schlenker. Ces documents sont disponibles sur le site de PWL Capital et sur le blogue financier Canadian Couch Potato. Ils guident l’investisseur pas à pas à l’aide d’une transaction fictive. Ces études ont été menées auprès de cinq courtiers à escompte de grandes banques : BMO, TD, Scotia, RBC et CIBC.
Plutôt que d’acheter et de vendre simultanément une action liquide, Justin Bender et Dan Bortolotti suggèrent d’utiliser le FNB Horizons dollar américain (DLR) et le FNB Horizons dollar américain en dollars américains (DLR.U).
Selon eux, ces titres sont également liquides, mais seront moins à la merci des mouvements du marché. «Le sous-jacent étant la devise américaine, ils seront habituellement moins volatils qu’une action. […] Il suffit de savoir comment ces firmes permettent l’exécution de transactions fictives», résume Justin Bender.
Le conseiller devra peut-être parler à un négociateur de la salle des marchés de la firme. «Si vous parlez aux vendeurs, certains seront moins familiarisés avec cette tactique, et vous devrez leur expliquer en quoi elle consiste», concède-t-il.
«À ma connaissance, c’est avec RBC Placements en Direct que cette stratégie sera déployée le plus simplement en ligne», souligne Justin Bender.
«BMO Ligne d’action est également facile à utiliser, mais seulement si on choisit une action cotée en Bourse. Elle ne reconnaît pas les FNB DLR et DLR.U», ajoute-t-il.