L’histoire relatée dans le livre commence le 13 août 2007, alors que le PCAA non bancaire ne trouve tout simplement plus preneur. Le récit porte sur l’année et demie qui suivra ce premier choc et qui mènera, au début de 2009, à une entente entre presque toutes les parties prenantes du marché canadien du PCAA.
C’est l’histoire d’une résolution de crise unique et toute canadienne qui est racontée par les quatre auteurs, trois universitaires et une journaliste. Ceux-ci montrent comment les investisseurs (petits et grands) n’ont pas pu compter, sauf à la toute fin du processus, sur les autorités canadiennes pour régler une crise sur un marché de 32 G$.
Malgré les plaidoyers de différents acteurs, dont Henri-Paul Rouseau, alors président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, le message des autorités était clair : « Vous avez créé le désordre, à vous de nettoyer », analysent les auteurs.
L’exception canadienne
Il faut dire que la solution originale que développeront les acteurs impliqués dans cette résolution de crise découlait aussi de caractéristiques tout aussi singulières du marché canadien du PCAA.
Premièrement, au Canada, les fournisseurs privés de liquidités qui auraient pu éteindre le feu en août 2007 n’étaient pas tenus de venir en aide aux conduits de PCAA qu’ils assuraient, sauf dans une situation extrême de « désorganisation générale du marché ». Ironiquement, les critères de cette désorganisation ne seront jamais remplis.
« Les arrangements de liquidités, fournis par des banques canadiennes, mais surtout par des banques étrangères, n’étaient pas très bons », juge Paul Halpern, professeur émérite de finance à l’Université de Toronto et coauteur de l’ouvrage, en entrevue avec Finance et Investissement.
Deuxièmement, le marché canadien du PCAA non bancaire était composé d’un nombre somme toute restreint d’acteurs, ce qui a certainement facilité les négociations.
La Caisse de dépôt et placement détenait pour quelque 13,2 G$ de PCAA. La Deutsche Bank était, de son côté, le plus important fournisseur d’actifs pour les conduits et aussi, un gros fournisseur de liquidités. « C’est une des raisons pour lesquelles on a réussi à avoir une solution. Les deux gros acteurs avaient beaucoup d’argent à perdre », explique Paul Halpern.
Un dernier facteur crucial dans la manière dont les financiers canadiens ont réussi à en venir à une entente serait lié à une culture judiciaire qui serait moins portée à la poursuite.
« Tout le monde aurait pu se poursuivre. Ça aurait pris une éternité. Finalement, la solution privée était la meilleure. Il semble que les Canadiens ne poursuivent pas autant qu’aux États-Unis, où c’est devenu une forme d’expression artistique », affirme Paul Halpern.
Toujours sur le plan juridique, selon Poonam Puri, professeur de droit à l’Université York et coauteure, les parties prenantes aux négociations ont réussi à utiliser « d’une manière créative » la loi fédérale sur les arrangements avec les créanciers afin de l’appliquer à un marché en entier, du jamais vu.
Nombreuses leçons
Qu’a-t-on appris de la crise ? « Par où commencer ? » demande à la blague Poonam Puri, en entrevue téléphonique.
« Tant les petits investisseurs que les investisseurs institutionnels doivent mieux vérifier ce qu’ils achètent », juge-t-elle.
Il y a aussi eu, selon elle, un problème connexe de manque de transparence dans la composition des conduits. Plusieurs investisseurs ignoraient par exemple que 71 % des actifs étaient en fait des actifs synthétiques, notamment des swaps sur défaillance.
« Lors de cette crise, les investisseurs ne savaient pas jusqu’à quel point les placements étaient risqués », note Poonam Puri.
Quant aux leçons pour les régulateurs, les avis sont partagés.
Paul Halpern souligne que la crise était le résultat d’une panique liée, entre autres, à ce qu’on croyait être l’exposition du PCAA aux prêts hypothécaires à haut risque (subprimes) américains. Dans les faits, l’exposition canadienne ne dépassait pas les 6 %. « Les gens ont eu peur, et les régulateurs n’ont rien pu faire contre cela », résume-t-il.
« Il n’y a rien qu’un régulateur aurait vraiment pu faire », affirme aussi Poonam Puri.
Elle précise du même souffle qu’« il y avait des règles et des principes établis pour le papier commercial traditionnel qui ont été utilisés pour le PCAA. Les autorités devraient être plus au fait des développements récents sur les marchés financiers et s’y adapter ».