Pourtant, dans bien des cas, une meilleure intervention des conseillers pour mieux préparer leur client à une perte d’autonomie aurait pu tout changer.
Monette Malewski, présidente et directrice générale du Groupe M Bacal, pense qu’il est important d’amener les clients à mieux se protéger de problèmes de santé potentiels.
Mandat en cas d’inaptitude
Une des priorités des conseillers est d’inciter le client à rédiger un mandat en cas d’inaptitude, selon Monette Malewski.
Ce document, qui leur permet de choisir à l’avance la personne qui prendra soin d’eux et de leurs biens s’ils devenaient incapables de le faire eux-mêmes, est plus important qu’une procuration, qui est invalidée si le malade n’est plus lucide. «Comme de nombreux clients n’aiment pas parler de possibles problèmes de santé, vous devez trouver les arguments pour les convaincre», souligne André Buteau, planificateur financier, dans un cabinet de Montréal.
Le conseiller peut par exemple leur expliquer, intuitivement ou chiffres à l’appui, que le fait de vivre plus longtemps augmente la probabilité de la perte d’autonomie en fin de vie. En 2009, 25 % des 65 à 79 ans ont déclaré avoir quatre problèmes de santé chronique ou plus, par rapport à 37 % chez les 80 ans et plus, selon Statistique Canada.
Pour sa part, Monette Malewski suggère de parler des désagréments subis par la famille lorsqu’un incident survient et qu’elle n’a pas de mandat en cas d’inaptitude. «Les proches devront constituer un conseil de famille pour décider de la personne la plus compétente pour s’occuper des affaires de l’individu inapte, dit-elle. Puis, ils devront aller devant la Cour pour faire valider cette décision par le tribunal.»
À l’inverse, le fait d’avoir un mandat en cas d’inaptitude simplifiera la vie des proches et permettra à vos clients de choisir une personne de confiance. «Dans ce document, il est possible de mentionner les soins qu’on veut obtenir», souligne Denis White, conseiller en sécurité financière chez SFL Partenaire de Desjardins Sécurité financière.
«Si une personne en a les moyens, elle peut demander à être logée dans une résidence cinq étoiles», précise-t-il. Elle peut également préciser si elle veut ou non rester à la maison en fin de vie avec une infirmière sur place.
Choix du mandataire
Le conseiller devrait accompagner son client dans le choix d’un mandataire. Le représentant doit notamment lui rappeler qu’il est primordial de sélectionner une personne de confiance qui agira dans son intérêt.
Cette personne honnête doit être connue pour la bonne gestion de ses finances personnelles. Elle doit avoir le temps et la volonté de s’occuper des affaires de quelqu’un d’autre. «Normalement, les gens choisissent un membre de la famille, souligne Denis White. Cependant, il est possible de nommer un ami ou son comptable.»
Comme en vieillissant, ce mandataire pourrait être épuisé ou souffrir lui-même de problèmes de santé, il est souvent judicieux de nommer deux mandataires qui agiront conjointement, ou de prévoir des remplaçants, dit André Buteau. «Pour éviter le surmenage, le client peut même veiller à ce que les mandataires soient rétribués pour leur aide, note Denis White. On sait que les aidants naturels doivent parfois réduire leurs heures de travail pour porter assistance à un proche.»
Si deux mandataires sont nommés, l’un pourrait être responsable des soins, et l’autre, des finances de la personne inapte. Ce dernier risque fort de travailler avec le conseiller, car il gérera les placements et les impôts, fera le budget, contrôlera les dépenses et veillera à générer des revenus suffisants.
Denis White, qui est lui-même aidant naturel et mandataire, raconte l’histoire de sa mère, qui souffre de la maladie d’Alzheimer. «Une place dans une résidence privée coûte 36 000 $ par an, dit-il. Après les crédits gouvernementaux, la facture s’élève à 28 000 $. Mais cela n’inclut pas les dépenses personnelles.»
Planifier les décaissements
À titre de conseiller, votre rôle sera d’assister l’aidant dans la planification des décaissements pour générer les revenus qui soutiendront ce train de vie.
Pour ce faire, il faudra aligner tous les chiffres et déterminer combien décaisser du REER, du CELI et des autres comptes. «Ici, l’achat d’une rente viagère peut être intéressant, et pourrait même être inscrit dans le mandat en cas d’inaptitude, explique Denis White. En effet, la rente est facile à gérer et procure des revenus réguliers.»
Soins de longue durée
Denis White a demandé à plusieurs reprises que sa mère soit placée dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) afin de réduire les dépenses, mais sans succès.
En effet, ces dernières années, le gouvernement du Québec a amorcé un virage qui se résume ainsi : les cas les plus problématiques et les personnes démunies ont la priorité dans les CHSLD. Les autres doivent se débrouiller. «J’ai l’impression que ma mère sera acceptée lorsqu’elle ne sera plus capable de se nourrir seule ou qu’elle n’aura plus d’argent», souligne Denis White.
Selon Monette Malewski, une bonne façon de s’assurer d’avoir suffisamment d’argent pour payer les soins est de proposer une assurance de soins de longue durée aux personnes moins nanties – les individus fortunés peuvent normalement se payer ces services -, y compris aux membres de la classe moyenne. «Toutefois, de nombreux conseillers n’en parlent pas, parce qu’ils sentent que le client n’est pas réceptif ou qu’ils maîtrisent mal ce produit», soutient-elle.
André Buteau pense pourtant que beaucoup d’éléments militent en faveur d’une telle assurance. «Souvent, les gens pensent : « Si je suis cloué au lit, je ne dépense pas », dit-il. En réalité, il faut payer quelqu’un pour nous laver, nous faire manger, etc.»
«Et comme le nombre de personnes âgées s’accroît, il risque d’y avoir une rareté de main-d’oeuvre avec les ans, ce qui augmentera le coût de ces soins», ajoute-t-il.
Sans compter le lieu de résidence des membres de la famille. «Aujourd’hui, il y a plus de personnes qui vivent seules et plus de familles dispersées, note André Buteau. Il arrive souvent que les parents soient au Québec et les enfants ailleurs, en Alberta par exemple ou en Australie.»
Qui s’occupera des personnes âgées si elles tombent malades ?
En souscrivant une assurance de soins de longue durée, un produit assez simple, le client devrait pouvoir supporter les coûts de ces soins. Normalement, l’assuré est compensé lorsqu’il est incapable d’effectuer seul deux des six tâches quotidiennes, telles manger et s’habiller, ou en cas de pertes cognitives.
À considérer
Avant d’acheter une police, il faut considérer la prime, la couverture, le déclenchement de la compensation et la flexibilité de l’indemnisation. «Ces dernières années, en raison de la baisse des taux d’intérêt, les primes fixes, qui sont plus avantageuses pour le client, ont commencé à disparaître», souligne André Buteau.
Pour obtenir des primes garanties, il faut souvent se tourner vers les produits hybrides, comme l’assurance vie pouvant se transformer en assurance perte d’autonomie.
Autre chose à savoir : pour réduire le coût de la protection, il faut souscrire cette assurance le plus tôt possible. Pourtant, beaucoup de conseillers offrent ce produit lorsque les clients sont âgés de 45 à 60 ans, alors que certaines polices d’assurance, comme celles de Desjardins Sécurité financière, sont disponibles dès l’âge de 18 ans.
Quant aux produits d’assurance vie pouvant se transformer en assurance perte d’autonomie, ils peuvent être achetés dès la naissance.
«Pour ce qui est de la couverture, il est préférable d’avoir le moins d’exclusions possible, puisqu’il est difficile de prévoir la maladie dont le client souffrira ou les soins dont il aura besoin», précise André Buteau.
Quant au déclenchement de la compensation, ce sera rarement un problème. Cependant, André Buteau a déjà vu un produit d’assurance qui définissait la «perte d’autonomie» de façon tellement étrange qu’il a préféré le laisser de côté.
Enfin, l’indemnisation est habituellement offerte de deux manières : une somme forfaitaire ou le remboursement des dépenses. «La somme forfaitaire donne une plus grande latitude que le remboursement des dépenses, qui exige qu’on envoie les factures pour approbation», note André Buteau.