Et voici les robots-épargnants
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Alors qu’une partie de la population épargne peu, «le véritable défi n’est pas d’aider les gens à faire un choix parmi les nombreux investissements offerts, mais de les pousser à épargner», souligne Ashby Monk, directeur de la recherche du Stanford Global Projects Center.

Cet universitaire de renom joint l’acte à la parole en lançant un robot-épargnant bien particulier, Long Game. La clientèle visée par Long Game est celle qui consacre une part importante de ses revenus aux loteries ou aux jeux de hasard. Environ 40 % des Américains n’ont aucune épargne, pourtant, ils achètent pour 78 G$ US de billets de loterie (soit une dépense annuelle moyenne de 584 $ US par joueur).

Long Game s’inspire de cette prédisposition des consommateurs plutôt que de s’y opposer vainement. C’est pourquoi chaque fois que le client épargne un montant, Long Game lui attribue une chance de gagner un prix ou une somme d’argent.

Le but est de rendre l’épargne aussi stimulante que peuvent l’être les loteries et les jeux de hasard. «C’est comme jouer à la loterie, sauf que vous ne perdez jamais le prix du billet, puisqu’il est investi dans un placement garanti», s’enthousiasme Ashby Monk.

Sur son site Web (www.longgame.co), Long Game dit offrir la chance de gagner un prix de 1 M$ US chaque semaine. De plus, les sommes investies sont garanties par la Federal Deposit Insurance Corporation, l’assurance-dépôt fédérale américaine. En effet, les sommes sont investies dans des banques reconnues qui, de surcroît, sont conscientes de leurs responsabilités sociales.

Décisions automatisées

On trouve plusieurs autres modèles de robots-épargnants aux États-Unis (Acorns.com, Digit.co, Qapital.com, Tipyourself.com).

Certains, à l’aide d’algorithmes, prélèvent de l’argent du compte chèques de l’épargnant au moment opportun pour l’investir avant qu’il ne le dépense. Ils font cette opération lorsqu’ils perçoivent que ses dépenses non discrétionnaires ont été payées, tout en s’assurant que le client ne sera pas à court d’argent à cause de ces retraits.

D’autres robots-épargnants, à titre d’exemple, arrondissent au dollar ou à la dizaine de dollars près (au choix du client) les achats payés à l’aide d’une carte de débit ou de crédit. Ils investissent la différence entre la somme arrondie et le coût réel de l’achat dans un portefeuille de fonds négociés en Bourse (FNB) qui correspond au profil d’épargnant du client.

Exemple québécois

C’est ce dernier modèle qu’adopte le robot-épargnant de Mylo Financial Technologies, de Montréal (Mylo.ai).

Son dirigeant, Philip Barrar, approuve les dires d’Ashby Monk, même si son robot-épargnant n’épouse pas le modèle de Long Game. Il faut dire qu’au Canada aussi, épargner n’est pas trop à la mode.

«Par exemple, 53 % des jeunes de la génération Y ont moins de 1 000 $ de côté. Le premier objectif financier consiste donc à commencer au point de départ», dit Philip Barrar.

Le modèle de Mylo.ai dépasse l’arrondissement du montant des achats, précise-t-il. «Nous voulons lancer les gens sur la bonne voie en les incitant à épargner, mais notre objectif ultime est de les aider davantage. Nous voulons aussi offrir des services qui s’approchent de la gestion de portefeuille.»

Ainsi, Mylo mettra à la disposition des clients cinq portefeuilles de FNB correspondants à autant de profils d’investisseur.

À l’instar du robot d’Ashby Monk, Philip Barrar compte recourir aux métadonnées, à l’intelligence artificielle et à la finance comportementale.

«En fonction des achats et des habitudes du client, Mylo pourra, par exemple, fournir de l’aide pour obtenir un prêt hypothécaire ou une carte de crédit qui correspond vraiment à ses besoins», poursuit-il.

Est-ce à dire que les représentants traditionnels doivent considérer les robots-épargnants comme des concurrents ? Philip Barrar affirme que non. «Nous sommes des partenaires, c’est sûr ! Nous aidons les gens à s’engager sur la bonne voie.»

Selon lui, Mylo est une plateforme qui aide les consommateurs à épargner pour un objectif précis, comme des vacances ou l’achat d’une automobile. «On ne parle pas de planification de la retraite, de marchés haussiers ou baissiers, de REER, etc. On laisse ça aux représentants», ajoute-t-il.

Bel avenir

Loin d’être un simple effet de mode, les robots-épargnants sont appelés à croître, soutient Ashby Monk. Certains deviendront beaucoup plus importants que n’importe quel robot-conseiller, dit-il.

«Les robots-conseillers sont utilisés par le petit pourcentage de gens qui recherchent des outils d’investissement peu coûteux. Oui, c’est bien d’avoir de l’aide pour investir plus intelligemment dans des fonds indiciels, mais cela n’apporte pas tant de valeur ajoutée», explique-t-il.

«Aider quelqu’un à amorcer une démarche d’épargne pour la première fois, voilà la vraie valeur ajoutée», ajoute Ashby Monk. Des propos partagés par Philip Barrar.