«La fête est terminée. Ces actifs sont devenus très chers et il faut maintenant composer avec cette réalité», a-t-il affirmé lors du récent colloque sur la gestion des actifs des caisses de retraite de l’Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques (IGOPP).

Selon Vital Proulx, président et chef des placements chez Hexavest, la volatilité de la croissance économique sera beaucoup plus importante au cours des prochaines années. Ceci en raison du fait que les politiques monétaires et fiscales des pays ne peuvent plus jouer pleinement leur rôle.

«Les taux étant aujourd’hui près de zéro, on ne peut les baisser davantage. On imprime de l’argent, mais ces programmes de stimulation ont leurs limites. De plus, la plupart des gouvernements n’ont plus le luxe de redémarrer leur économie avec des plans de relance budgétaire», constate-t-il.

Quant au marché boursier mondial, il se situe à l’un des niveaux les plus élevés depuis 2007, remarque Vital Proulx.

«Nous croyons que nous sommes en présence d’un autre mini-cycle et que la progression observée en Europe, en Chine, au Japon et aux États-Unis n’est pas intérieure puisqu’elle dépend essentiellement des banques centrales», dit-il.

Actifs non traditionnels

Dans les années à venir, les conseillers et leurs clients devront chercher le rendement ailleurs, affirment nos experts.

Comment ? «En recherchant non seulement une diversification géographique et par type d’émetteurs, mais aussi avec de nouvelles catégories d’actifs telles que l’immobilier, les infrastructures et le financement privé», explique François Bourdon, vice-président répartition globale de l’actif et revenu fixe chez Fiera Capital.

Il cite en exemple des investissements dans le Centre de recherche du CHUM, dans l’autoroute 407 en Ontario et dans des projets énergétiques.

«Ces outils de placement permettent de récolter de bonnes primes de liquidité, notamment parce que les banques délaissent progressivement le segment des prêts en raison du capital réglementaire», observe François Bourdon.

«Ce n’est pas si risqué, vu le rendement et les garanties qu’offrent aujourd’hui ces emprunteurs», croit-il.

Bon nombre de ces placements offrent un taux préférentiel auquel s’ajoute une prime, si bien qu’ils suivront ainsi une remontée graduelle des taux d’intérêt.

Dans la prochaine année, Fiera Capital pense que l’économie mondiale se portera bien et soutiendra encore le marché des actions. Les taux d’intérêt devraient donc augmenter progressivement.

«Dans un tel contexte, on favorise en 2014 une pondération très faible en obligations, soit de 5 %. On allouera 30 % de nos actifs aux actions, 38 % aux infrastructures, à l’immobilier et au financement privé, et enfin, 27 % aux stratégies d’arbitrage, qui sont non corrélées au marché», résume François Bourdon.

«Si on se trompe dans nos pronostics, on réajustera à la hausse notre cible en obligations jusqu’à un maximum de 25 %», précise-t-il.

Pays émergents

Malgré les bons rendements boursiers de 2013, les sondages montrent que les actions ont encore la faveur des gestionnaires.

«L’économie américaine est actuellement la plus solide, mais c’est également le marché le plus cher sur la planète. En comparaison, la croissance des pays émergents a beaucoup décéléré ces dernières années», note Vital Proulx.

«Depuis 2009-2010, les pays émergents ont sous-performé d’environ 40 %. Pourtant, à moyen terme, la croissance économique sera plus favorable dans cette partie du monde», croit-il.

Un retour des acheteurs ferait donc monter les Bourses des pays émergents. «Cela nous donne le goût d’investir davantage dans ce secteur», affirme Vital Proulx. Il favorise habituellement une approche à contre-courant du sentiment des investisseurs (contrarian).

«Dans les 25 prochaines années, les pays émergents contribueront pour plus de 70 % de la croissance économique mondiale. Cette tendance lourde dépasse les ralentissements économiques récemment connus et qui vont se poursuivre en 2014 en Inde, en Chine ou au Brésil», croit Roland Lescure.

Ceci est lié aux tendances démographiques, à la productivité, à la mondialisation et à une meilleure gouvernance.

«Le consensus qui a enterré les pays émergents a sans doute tort», affirme-t-il. Environ 6 % de l’actif de la CDPQ est investi dans les pays émergents. Elle compte atteindre 10 % d’ici deux ou trois ans.

Renaissance américaine

Quant à la renaissance de l’économie américaine, Roland Lescure ne croit pas que ce soit un feu de paille, mais bien une tendance de fond.

«Ce renouveau est basé sur une révolution énergétique (production de gaz naturel et pétrole), qui a permis de créer des millions d’emplois depuis cinq ans», constate-t-il.

Le numéro deux de la CDPQ souligne également les performances de l’industrie automobile américaine, qui est maintenant exportatrice nette de véhicules.

«Du jamais vu depuis les années 1970», note-t-il. Selon lui, le dollar américain pourrait aussi profiter de ce redémarrage.

La CDPQ exploitera ces occasions en investissant dans des entreprises exportatrices canadiennes comme Gildan, dans le secteur immobilier américain, et dans des infrastructures et l’énergie, comme les pipelines.

Et l’Europe ?

Selon d’autres enquêtes, la région vedette parmi les gestionnaires sur un horizon de trois à douze mois est maintenant l’Europe, qui devance les marchés américains.

«Ceci nous fait penser que le bon rendement boursier dans cette partie du monde pourrait tirer à sa fin», estime Vital Proulx.

«Les défis qui attendent l’Europe sont encore énormes», affirme Roland Lescure.

Malgré les restructurations, le soutien des programmes budgétaires et les efforts des banques centrales, plusieurs pays sont insolvables comme le Portugal et la Grèce, sans oublier l’Espagne et l’Italie qui sont toujours très fragiles.

«Les besoins de recapitalisation pourraient être encore importants dans les années à venir», ajoute-t-il.

«L’euro est également à des niveaux très élevés, alors qu’on mise sur une croissance basée sur les exportations. Plusieurs données économiques, comme le taux de chômage chez les jeunes, sont un fléau», déplore celui qui a immigré de France pour venir travailler à la CDPQ.

«Malgré ce nuage gris foncé, près de 10 % des 500 plus grandes entreprises européennes ont vu leurs revenus croître chaque année depuis 2007», rappelle Roland Lescure.

Il cite comme exemples : Danone, Heineken, Telsat, Casino et Bureau Veritas, dont le siège social est en Europe, mais dont les activités mondiales bénéficient de ce cycle de croissance.

«En 2014, il faut rester investi dans les marchés boursiers, mais sans doute autrement», croit le chef des placements de la CDPQ. Cela signifie analyser et chercher les bonnes entreprises, en plus de se méfier des consensus. Ceux qui seront patients devraient être récompensés.