Il est donc optionnel de passer par un courtier, un représentant ou une personne dispensée d’inscription, ce qui frustre Flavio Vani, président du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ) et conseiller en régimes de rentes collectives de personnes.

«Un simple employé d’institution financière peut solliciter des entreprises, même s’il n’a pas de permis en régimes de rentes collectives de personnes, peste-t-il. C’est un acte d’exclusion ! Pourquoi donc ai-je suivi un cours spécialisé et obtenu un permis pour vendre un produit que tout le monde, maintenant, peut vendre ?»

«Si d’autres veulent vendre le RVER, qu’ils aillent chercher leur permis !» estime Flavio Vani. Il demande à ce que la distribution soit exclusive aux représentants en assurance collective de personnes ayant le titre de conseiller en régimes de rentes collectives de personnes.

Vague

Le cadre actuel est loin de satisfaire à cette demande. «Si on avait voulu que tout le monde ait accès à un conseiller, il n’y en aurait pas eu assez», soutient Sylvain Théberge, porte-parole de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Le dernier rapport annuel de la Chambre de la sécurité financière (CSF) montre en effet que 12,5 % des 31 611 membres de la CSF détenaient le permis en assurance collective de personnes à la fin de 2012. Il ne précisait pas combien d’entre eux détenaient le titre de conseiller en régimes de rentes collectives de personnes.

Or, environ 45 000 entreprises qui emploient 10 travailleurs ou plus et n’offrent pas de régime de retraite collectif ou de régime de pension agréé devront proposer le RVER au plus tard le 31 décembre 2017 à leurs employés, prévoit la Régie des rentes du Québec (RRQ).

C’est sans compter les autres 45 000 entreprises qui ont à leur service de cinq à neuf employés et qui devront aussi offrir le RVER d’ici une date encore indéterminée ainsi que les 400 000 à 500 000 travailleurs autonomes qui ont le loisir de souscrire à un RVER, évalue Martin Ouellet, actuaire à la RRQ qui a travaillé de près au projet de loi créant les RVER.

«Le conseiller financier n’est pas prévu dans le tarif de base», confirme une source au ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale qui préfère garder l’anonymat.

«Rien n’empêche une entreprise de recourir à un conseiller, poursuit cette personne, mais à un tarif séparé. Ça ne peut pas faire partie des coûts d’administration. Il est probable que les institutions financières voudront offrir du conseil financier pour attirer les entreprises, mais cela devra toujours être tarifé séparément.»

Le conseil aux conseillers

Selon l’encadrement actuel, le conseil demeure toutefois réservé aux représentants.

«[La] distribution directe n’est autorisée que dans les cas où aucun conseil n’est demandé ou prodigué», note Sylvain Théberge.

De plus, les détenteurs de plusieurs types de permis pourront distribuer le RVER.

Ainsi, lorsqu’un conseiller participe à la distribution, il devra être un représentant de courtier inscrit en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières ou une personne dispensée d’inscription en vertu de cette Loi dans les cas où l’administrateur du RVER est une société de fiducie ou un gestionnaire de fonds d’investissement, note le responsable des communications de l’AMF.

«Si le produit offert en est un d’épargne collective, un représentant de courtier en épargne collective pourra offrir le RVER», précise Sylvain Théberge.

Dans les cas où un assureur est administrateur de RVER, il pourra distribuer le régime à un employeur, à un ordre professionnel ou à une association par l’intermédiaire d’un représentant en assurance collective. Lorsque le RVER est offert à un particulier, il doit l’être par l’intermédiaire d’un représentant en assurance de personnes, ajoute le porte-parole de l’AMF.

Cependant, «pour une période de 18 mois à compter de l’entrée en vigueur de la Loi, l’assureur pourra offrir le RVER à des employeurs par l’entremise de représentants en assurance de personnes afin d’alléger la pression sur le réseau de distribution en assurance collective, qui risque d’être particulièrement sollicité au moment de la mise en place des RVER», note Sylvain Théberge.

Exclusion économique ?

Malgré tout, Flavio Vani craint qu’un conseiller, même s’il est intéressé à offrir le RVER, ne puisse tirer un revenu raisonnable du fait que le RVER doit comprendre des frais de gestion faibles.

Ceux-ci seraient de 1 à 1,5 % de l’actif géré, selon ce qu’anticipe Flavio Vani. Avec de tels frais, «ils ont tout simplement enlevé la commission du représentant», juge-t-il, estimant qu’il s’agit d’un autre indice que le conseiller est jugé superflu.

Pour offrir le RVER, les administrateurs de régimes devront «facturer des frais comparables aux frais exigés par un régime de pension à cotisation déterminée (RPCD) de 500 participants et plus», rapporte Martin Ouellet.

De tels frais, chez un fournisseur de RPCD comme Standard Life, vont de «plus ou moins 1 % à plus ou moins 1,5 %», selon le service des communications de l’assureur.

À l’Industrielle Alliance, ils se situent environ entre 1,25 et 2 %, indique Josée Plante, coordonnatrice, communications, épargne et retraite collectives. «Ça correspondrait environ à la moitié des frais d’un REER individuel», précise-t-elle.

À partir de tels frais, un représentant réussit à obtenir une rémunération raisonnable, soutient Martin Ouellet.

Josée Plante hésite à en dire autant. «Tout comme pour nos autres régimes, une commission sera versée» aux représentants, convient-elle, mais il s’agit d’une commission de vente, non d’une commission de suivi de conseil.

Flavio Vani est prêt à suspendre son jugement final jusqu’à ce que les règlements découlant de la nouvelle loi soient finalisés, mais reste préoccupé.

Ces peurs sont partagées par Claude Paquin, président du conseil des gouverneurs au Conseil des fonds d’investissement du Québec. «À partir du moment où on marginalise le conseiller, ce n’est pas vraiment bon pour l’industrie», dit-il.

C’est d’autant plus troublant que «plusieurs études montrent la valeur du conseil, notamment une étude récente du CIRANO», ajoute Claude Paquin.

«On espère que le gouvernement va s’enquérir de ces travaux. On veut s’assurer qu’il y ait suffisamment de latitude pour permettre aux conseillers de retirer une rémunération.»

Espoir et occasion

Les conseillers ont toutefois un atout s’ils souhaitent se positionner dès aujourd’hui sur le marché des régimes collectifs. Bon nombre peuvent en effet déjà offrir un substitut au RVER, soit un REER ou un CELI collectif.

La stratégie consiste à offrir un éventail de REER ou de CELI individuels à un groupe d’employés d’une même entreprise, ce qui donne, en fin de compte, un REER ou un CELI collectif. Finance et Investissement en faisait état en une du numéro de mi-octobre 2013 (http://tinyurl.com/kn5vpa2).

«Ça leur ouvrira une porte d’accès à plusieurs employés auxquels ils pourront offrir d’autres régimes individuels. Je pense que c’est surtout sur cet aspect-là que va miser un représentant en régimes individuels intéressé par le RVER», note Josée Plante.