Les surprises, au fil des gazouillis et des déclarations du président et de son cabinet, sont si nombreuses en fait que même les algorithmes concoctés par les négociateurs ont peine à suivre, rapportent divers médias financiers américains.

Le nouveau gouvernement, porté par un balayage républicain, veut rapidement annuler Obamacare, pour le remplacer par un nouveau programme qui couvrirait encore plus d’Américains.

Après avoir martelé la nécessité d’imposer des taxes à l’importation, qui ont notamment fait flancher nombre de détaillants américains, ainsi que les producteurs canadiens de pétrole et de composantes automobiles, il semble manitenant que la taxe républicaine ait peu de chances de voir le jour parce qu’elle est trop «compliquée» à mettre en pratique, dixit M. Trump.

Les sociétés du secteur américain de la santé ont aussi été happées par le collimateur de Trump.

Ces titres se sont initialement appréciés dans l’espoir que Donald Trump ait moins de mordant qu’Hillary Clinton pour ensuite subir les affres du gazouilleur en chef qui les accuse «de s’en tirer à trop bon compte» (get away with murder) en haussant les prix des médicaments.

Le pdg de Novartis, Joseph Jimenez, a admis en entrevue, au Forum économique de Davos, que l’industrie pharmaceutique devra se trouver un nouveau modèle d’affaires.

Et que dire des déclarations contradictoires du président Trump (estimant le dollar « trop fort ») et celles de son candidat au poste de secrétaire du Trésor Steve Mnuchin («un dollar fort est dans l’intérêt des États-Unis à long terme»), à 24 heures d’intervalles.

Après le rebond de fin d’année, la Bourse américaine est d’ailleurs presque inchangée depuis le début de l’année, tandis que la montée du dollar américain s’essouffle, tout comme celle des rendements obligataires, après un départ en trombe le 8 novembre.

Bank of America Merrill Lynch révèle que les deux paris les plus populaires, donc les plus susceptibles de se renverser, sont un dollar américain qui continue de s’apprécier et des obligations qui continuent de se déprécier. Ce courtier mise tout de même sur un dernier élan de 10% pour les actions et les matières premières, qui marquera la fin du marché haussier.

La Bourse a reculé lors du premier mois de toute nouvelle présidence depuis Herbert Hoover, en 1933. Le recul médian est de 2,7%, précise l’agence Reuters.

Tout ça rappelle encore une fois la futilité de négocier du «market timing» qui consiste à tenter de battre le marché en fonction des évènements ou de la conjoncture du moment.

Il faudra s’accrocher puisque le président Trump aurait prévu 200 décrets présidentiels au cours des premiers jours de son mandat, a déclaré son conseiller Newt Gingrich, le jour de l’inauguration. Cela se compare à 277 décrets pendant les deux termes de Barack Obama et les 291 décrets de son prédécesseur Georges Bush.

Le thème «America First» a dominé le discours de Donald Trump le 20 janvier. Les trois grands indices américains se sont appréciés modestement vendredi (+ 0,4% pour le Dow Jones et + 0,3% pour le S&P 5pp et le Nasdaq).

C’est tout de même la première fois en un demi-siècle que les marchés accueillent un nouveau président avec un gain le jour de l’inauguration, note l’agence Reuters.

Credit Suisse dévoile 10 chocs potentiels

C’est dans cet environnement vaseux que Credit Suisse dévoile sa liste annuelle des 10 surprises qui pourraient déjouer le consensus et ses propres prévisions en 2017. C’est une tradition de 25 ans.

L’exercice, dirigé par le stratège Andrew Garthwaite, à Londres, vise à mettre à l’épreuve les hypothèses du courtier afin de mieux parer aux imprévus.

Voici les dix chocs potentiels qui pourraient prendre les marchés de court:

1 – Une bulle pour le S&P 500, suivie de son implosion

La première année de la présidence de Donald Trump pourrait passer d’un extrême à l’autre. La première moitié de l’année pourrait voir les Bourses grimper, pour ensuite tomber au deuxième semestre.

Une remontée trop prononcée des attentes inflationnistes pourrait en effet déclencher un déplacement des obligations aux actions et porter le S&P 500 jusqu’à 2500 (un gain de 10%), à mi-année.

Des déceptions envers les politiques que l’administration met en place feraient ensuite replonger le S&P 500 à 2000, à la fin de l’année.

Le scénario de base de Credit Suisse prévoit une hausse de 3% l’indice jusqu’à 2350 à mi-année, suivi d’un repli modeste à 2300 en fin d’année.

2 – Montagnes russes pour l’euro

Une chute de 16% de l’euro à 0,90$US, suivie d’une remontée à 1,20$US, prendraient certainement par surprise les cambistes.

Dans ce scénario, le risque politique et les mesures protectionnistes de l’administration Trump feraient flancher la monnaie européenne.

Ensuite, l’euro rebondirait fortement de concert avec l’amélioration des données économiques et du surplus du compte courant de la zone euro.

Credit Suisse voit plutôt l’euro reculer de 5% et atteindre la parité avec le dollar américain d’ici la fin de l’année.

3 – La Chine et le yuan battent en retraite

Personne ne prévoit un recul de 6,7% à 5% de la cadence de l’économie chinoise, de 2016 à 2017.

Si un tel ralentissement survenait, le yuan flancherait aussi, ce qui perturberait sévèrement les marchés.

Les capitaux fuiraient encore plus la Chine, tandis que les tensions commerciales avec les États-Unis s’envenimeraient.

Credit Suisse mise plutôt sur une croissance de 6,8% de l’économie chinoise en 2017 et un déclin ordonné du yuan.

4 – Marine Le Pen présidente de la France

Une victoire de la présidente du Front national en France ferait chuter l’appétit du risque un peu partout dans le monde, tout en soulevant de nouveaux doutes concernant la solvabilité des banques européennes et la solidité des dettes souveraines du Continent.

Ce serait une première pour la zone euro de voir un gouvernement démocratiquement élu qui s’est officiellement engagé à quitter le marché unique, écrit M. Garthwaite.

L’incapacité du prochain gouvernement français à réduire le chômage augmenterait les chances d’une victoire de Mme Le Pen, en 2022.

Credit Suisse prévoit l’élection du Républicain François Fillon à la présidence.

5 – Les titres «prudents» mènent la charge en Europe

Tout désenchantement concernant l’impact des politiques pro-croissance du gouvernement Trump renverrait les investisseurs dans le refuge des secteurs européens les plus prudents, que sont la consommation de base, la santé et les fournisseurs d’électricité et de gaz.

Dans un tel scénario, ces secteurs surpasseraient les indices européens de 15%.

Credit Suisse ne privilégie pas ces secteurs plus prudents dans sa répartition d’actif, préférant les secteurs plus «cycliques», qui ont déjà surpassé les indices européens par 20%, depuis juillet 2016.


6 – Les politiques de Trump déçoivent

La hausse des marchés depuis l’élection de Donald Trump s’appuie sur des attentes d’accélération économique et d’un retour de l’inflation.

Si les efforts de la nouvelle administration ne réussissaient pas ce tour de force, l’optimisme des investisseurs pourrait se renverser.

L’élément déclencheur: un agenda législatif qui ne rencontre pas les attentes suscitées par les promesses de la campagne ou encore la démesure des politiques protectionnistes.

Credit Suisse croit que l’impact des politiques pro-croissance de Trump aura le dessus sur les aspects défavorables de sa rhétorique anti-libre-échange.

Surtout que sur le plan pratique, le processus législatif obligera l’administration Trump à tempérer ses positions protectionnistes et anti-immigration les plus extrêmes, croit M. Garthwaite.

Le courtier se positionne pour une baisse des impôts des entreprises, une hausse de l’inflation et une modération des politiques protectionnistes.

7 – Le pétrole grimpe jusqu’à 75$US le baril

Le pétrole brut pourrait flamber jusqu’à 75 $US d’ici la fin de l’année si trois facteurs se conjuguaient: les coupes de production tiennent, la demande pour le carburant augmente grâce à la ré-accélération mondiale, en même temps les menaces géopolitiques s’accentuent.

Dans un tel scénario, le secteur de l’énergie brillerait le plus en Bourse.

8 – Le Nikkei 225 grimpe à un sommet d’un quart de siècle

Les entreprises japonaises ayant des coûts fixes élevés, elles seraient les premières bénéficiaires d’une accélération marquée de la production industrielle et des économie mondiales sur leurs revenus.

C’est en partie pourquoi Credit Suisse hisse ce marché en tête de ses favoris aux côtés de l’Europe dans ses choix pour l’année.

Ces deux marchés sont aussi nettement moins chèrement évalués que la Bourse américaine et devraient, à ce titre, profiter du rebond des «aubaines» qui accompagne généralement la hausse des taux d’intérêt.

Les perspectives de Credit Suisse placent le Nikkei 225 à 20500 à mi-année, suivi d’un repli à 19800, en fin d’année.

Il est toutefois possible qu’un débordement d’optimisme soulève le Nikkei à 25000, pour la première fois depuis 1990, en particulier si le retour des dépenses des entreprises amplifiait les mesures de relance de la banque centrale japonaise.

9 – Une autre année noire pour le secteur pharmaceutique européen

Après une performance inférieure de 13% aux indices européens en 2016, les sociétés pharmaceutiques pourraient rebondir en 2017, croit Credit Suisse.

Le courtier s’attend en effet à ce que l’indice des nouvelles commandes (un indicateur d’accélération économique) perde de son élan dès le printemps en Europe, ce qui redirigeait les investisseurs vers la valeur refuge des pharmaceutiques.

Ces multinationales devraient aussi profiter de l’appréciation du dollar américain par rapport à l’euro, qui gonflent la valeur de leurs ventes à l’étranger.

Or, si l’euro s’appréciait en 2017, contre toute attente, les pharmaceutiques européennes perdraient cet avantage.

Autre risque: si Trump imposait des enchères pour réduire le prix de l’achat des médicaments par le gouvernement, les pressions nuiraient aux revenus et aux profits des multinationales européennes, aussi.

10 – Les taux américains repères de 10 ans grimpent à 4%

Credit Suisse estime que tant que les taux américains de dix ans restent sous la barre de 3,5%, la hausse des taux n’est pas un obstacle à d’autres gains en Bourse.

C’est d’ailleurs ce que prévoit le courtier d’ici la fin de 2017. Il prédit que les taux obligataires de 10 ans termineront l’année à 3%.

Plusieurs facteurs pourraient toutefois faire grimper les attentes inflationnistes à plus de 2,5%, une marque que les marchés n’escomptent pas.

Les coûts de main-d’œuvre pourraient augmenter plus vite que prévu s’il avérait que le nombre de travailleurs disponibles soit insuffisant pour combler les postes à pourvoir, aux États-Unis.

Des mesures fiscales mal conçues pourraient alimenter l’inflation au lieu d’améliorer la productivité américaine.

Les banques centrales pourraient tolérer plus d’inflation au nom plus de la croissance économique.

Même si Credit Suisse ne s’attend pas à surchauffe de l’inflation, le courtier note que les cours des métaux de base et ceux des banques pointent déjà vers des taux américains de 10 ans plus près de 3,50% que de 3%.

Le modèle d’évaluation du marché obligataire donne une «valeur juste» de 3% au rendement des obligations américaines, mais il est possible que les taux fracassent ce modèle après avoir été maintenus tel un ressort enroulé depuis dix ans.

Un nouveau déplacement trop brusque des investisseurs du marché des obligations à celui des actions pourrait aussi faire grimper les taux.

La Chine et le Japon pourraient aussi vendre leurs obligations américaines pour défendre leur monnaie dans l’éventualité d’une guerre commerciale.

Une spirale de la dette fédérale américaine déprécierait la valeur des obligations et d’augmenterait leur rendement.

Les investisseurs exigeraient en effet un rendement plus élevé sur leurs obligations pour compenser le fait que le coût pour le Trésor américain de servir et de rembourser sa dette augmenterait, en même temps que les taux d’intérêt.