Ventes croisées : une stratégie en progression

La première firme de courtage à escompte ayant confirmé qu’elle proposerait ces nouveaux produits est RBC Placements en Direct. Elle a annoncé mercredi que des nouveaux fonds de Série D provenant de ces trois compagnies seront disponibles dans le courant du mois de décembre, sous réserve de l’approbation des organismes règlementaires. Ces nouveaux produits s’ajouteront aux fonds de Série D qui garnissent déjà le catalogue de RBC Placements en Direct. Il s’agit surtout des fonds maison de marque RBC et PH&N ainsi que quelques autres de gestionnaire tiers comme ceux que propose Beutel Goodman. Les investisseurs actuels pourront passer aux nouveaux fonds de Série D dès qu’ils seront disponibles.

Actuellement la grande majorité des compagnies de fonds ne proposent pas d’options à frais réduits pour les investisseurs autonomes. Par conséquent ces derniers portent la totalité du fardeau des commissions de suivi qui sont prélevées des frais de gestion, puisque les firmes de courtage à escompte perçoivent la même rémunération de la part des compagnies de fonds, que les courtiers avec service intégral. En fait, les clients de courtiers à escompte payent pour des services de conseils qu’ils n’obtiennent pas.

Les fonds de Série D à commissions réduites rectifient ce tort. Invesco et Mackenzie ont confirmé que leurs produits de Série D verseront des frais de service de 0,25 % par an pour toutes les catégories de fonds, ce qui est bien plus faible que les commissions de suivi intégrales. À ce niveau, les courtiers à escompte comme RBC Placements en Direct seront dédommagées pour le coût des transactions et du suivi administratif continu.

Les parts de Série D sont disponibles pour tous les fonds Mackenzie, hormis ceux du marché monétaire, les versions constituées en sociétés des portefeuilles Symmetry, ou tout autre produit fermé aux nouveaux investisseurs. De même, presque tous les fonds Invesco seront disponibles en Série D, les fonds du marché monétaire étant parmi les rares exceptions. La Série D chez BlackRock s’appliquera à sa nouvelle gamme de sept fonds communs, qui ont fait leur entrée sur le marché en octobre.

L’économie sera la plus marquée pour l’option avec frais d’acquisition à l’achat. Par exemple, les investisseurs qui choisissent cette option pour la Série A des fonds d’actions Mackenzie, ou la quasi-totalité de ses produits équilibrés, assument des commissions de suivi s’élevant à 1 % par an. Pour les fonds à revenu fixe avec la même option de frais, les commissions de suivi de la Série D seront diminuées à la moitié des frais de 0,50 % que prélève la Série A.

« Cette stratégie ne vise pas la croissance des actifs », a déclaré Jeff Carney, président directeur général de Placements Mackenzie. « C’est une mesure pour accommoder les investisseurs qui ont choisi d’évoluer de façon autonome. »

Outre le fait d’être le principal dirigeant chez Mackenzie, M. Carney est aussi co-président et PDG de la Financière IGM, la compagnie mère des gammes de fonds Mackenzie et Groupe Investors. Les produits du Groupe Investors ne seront pas affectés, puisqu’ils sont exclusivement distribués par un personnel de vente interne qui fournit des conseils.

Dans un entretien, M. Carney a souligné que Mackenzie reste entièrement engagée envers les réseaux de conseils et pour que les investisseurs canadiens travaillent avec des conseillers. Comme Mackenzie l’a déclaré aujourd’hui dans un message destiné aux conseillers et affiché sur son site Web : « Notre principal objectif a toujours été d’appuyer les conseils et les conseillers qui prodiguent ce service essentiel à leurs clients. Nous affirmons clairement que les investisseurs canadiens ont tout intérêt à recourir à un conseiller. »

Le message de Mackenzie destiné aux conseillers disait qu’en rectifiant une iniquité flagrante avec la Série D, elle affichait son engagement continu pour le traitement équitable des investisseurs. « Nous croyons que passer à l’acte aura du poids dans nos discussions futures avec nos organismes de réglementation sur les questions qui touchent notre secteur. »

Peter Intraligi, président d’Invesco Canada, a dit que la nouvelle série reflétait la conviction de cette compagnie selon laquelle les investisseurs avaient le droit de décider comment ils souhaitaient payer pour des conseils, ou ne pas payer s’ils décidaient d’investir de façon autonome. Bien qu’Invesco soit un ardent défenseur des réseaux de conseillers, et qu’elle soit d’avis que les investisseurs arrivent à de meilleurs résultats en recourant à un conseiller, M. Intraligi a dit qu’il serait hypocrite de promouvoir le choix pour les clients de conseillers tout en restreignant leur droit de choisir d’agir seuls.

M. Intraligi a déclaré à Morningstar qu’Invesco avait commencé à tenir des discussions à l’interne, qui ont ensuite mené à la création de sa Série D, en décembre 2012 au moment où les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié leur document de consultation sur les frais des fonds. Parmi les possibilités évoquées dans ce document, qui a déclenché de nombreuses soumissions au sein de l’industrie, chez les défenseurs du consommateur et autres parties intéressées y compris Morningstar, on retrouvait notamment l’interdiction des commissions de suivi et d’autres mesures rémunératrices versées aux courtiers à partir des frais de gestion des fonds.

Des interdictions sur les rémunérations intégrées sont entrées en vigueur au Royaume-Uni et en Australie, et des compagnies de fonds comme Invesco et Mackenzie craignent que les autorités canadiennes n’en fassent de même. « Le risque d’une interdiction reste réel », a dit M. Intraligi dans une lettre envoyée aux conseillers aujourd’hui par courriel et affichée sur le site pour les conseillers d’Invesco Canada. « Nous avons donc concentré nos efforts pour défendre le droit à choisir le modèle commercial qui convient le mieux aux conseillers et à leurs clients. »

En créant une nouvelle série de fonds qui fournit des solutions de rechange à frais réduits aux investisseurs autonomes, les compagnies comme Mackenzie et Invesco pensent qu’elles auront plus d’assise dans leur plaidoyer pour que les investisseurs aient le choix entre des rémunérations intégrées ou non pour les conseillers.

En réponse aux critiques des autorités de réglementation et de défense du consommateur affirmant que les rémunérations intégrées créaient un conflit d’intérêt pour les courtiers au détriment de leurs clients, les sociétés de fonds et l’IFIC, association professionnelle qui représente la plupart d’entre elles, affirment que la solution est une transparence accrue. Ce processus est en cours, affirment-ils, avec l’instauration de nouvelles exigences en matière de divulgation des frais sur les trois années à venir, selon la réforme réglementaire appelée Modèle de relation client-conseiller 2.

La disponibilité bientôt accrue des fonds de Série D a été acclamée par Scott Mackenzie, président-directeur général de Morningstar Canada. « Parmi les suggestions que nous avons soumises aux ACVM en avril sur les frais, nous avons dit que ceux-ci ne devraient pas être prélevés pour des services qui ne sont pas rendus, et que les courtiers à escompte qui ne prodiguent pas de conseils ne devraient pas percevoir les mêmes commissions de suivi que les conseillers à service intégral, a-t-il dit. Une série de fonds à frais réduits pour les investisseurs autonomes est tout à fait logique. »

Bloomberg