«Lorsque j’achète un FNB qui reproduit le rendement du S&P 500 et que je protège la fluctuation de la devise, je m’attends à obtenir un rendement très semblable à celui de l’indice en monnaie locale. Dans les faits, c’est rarement le cas. Les opérations de couverture coûtent plus cher qu’on le croit. Cet écart de suivi (tracking error) comprend notamment les frais de gestion et le coût de la transaction», explique-t-il.
Il existe également un effet résiduel de devises qui a été documenté par plusieurs chercheurs.
«Puisque le marché boursier fluctue continuellement, il existe un décalage entre ces fluctuations et les rééquilibrages de la couverture de devise, quelle que soit la fréquence de ce rééquilibrage», souligne Raymond Kerzérho.
Les gestionnaires le font généralement sur une base mensuelle.
«Quand les marchés sont très volatils, la devise américaine performe plutôt bien en raison de son rôle de valeur refuge», note Raymond Kerzérho.
En allant à l’encontre de cette force et en protégeant un FNB américain contre les mouvements de la devise, on génère de la friction qui peut retrancher annuellement plus d’un point de pourcentage du rendement du client, selon ses recherches.
Retour en arrière
L’élimination graduelle de la limite de contenu étranger dans les REER au début des années 2000 a entraîné une hausse de la demande de produits américains.
À cette époque, le dollar canadien s’est beaucoup apprécié par rapport au billet vert, passant de 62 cents en 2002 à plus de 90 cents en 2005. Cela a fait particulièrement mal aux investisseurs canadiens qui possédaient des placements américains.
«Les rendements positifs sur la Bourse américaine étaient anéantis par les pertes sur la devise», relate Raymond Kerzérho.
En réaction à cette envolée du huard, les clients ont repris goût aux produits couverts.
«Le problème, c’est que les investisseurs sont toujours à la traîne du marché. Tout le monde voulait se protéger de la devise, mais le gros de l’appréciation était derrière nous», explique-t-il.
Ensuite, le dollar canadien s’est échangé au-dessus du pair par rapport au dollar américain, pendant plusieurs mois en 2011 et en 2012, avant de ralentir sa progression.
«Ce ras-le-bol des investisseurs a laissé la place à une pensée plus rationnelle, et les clients souhaitent maintenant avoir l’option de protéger ou non la devise», observe Raymond Kerzérho.
Ne pas anticiper
Guy Lalonde, conseiller en placement, gestionnaire de portefeuille et vice-président chez Financière Banque Nationale, n’est guère surpris de cet engouement pour les FNB américains.
«Depuis quatre ans, la Bourse américaine performe beaucoup mieux que la Bourse canadienne. Pourtant, les prévisionnistes nous disaient pendant la crise de 2008 d’éviter ce marché à tout prix», dit-il.
Depuis six ans, Guy Lalonde fait de la gestion indicielle.
«Pendant cette période, notre répartition d’actifs canadiens, américains et étrangers n’a jamais changé. Nous n’essayons pas d’anticiper les mouvements des marchés ou des devises avec une boule de cristal», précise-t-il.
En ajoutant plusieurs monnaies qui sont peu corrélées entre elles, on contribue à une meilleure diversification du portefeuille.
Guy Lalonde apporte toutefois un bémol : «Il faut faire attention à ne pas dégrader le pouvoir d’achat des investisseurs. Cela signifie qu’une certaine portion d’actif doit être libellée en dollars canadiens. Quant au risque de change, on coupe simplement la poire en deux en ne couvrant que la moitié de notre exposition».
Protection près de la retraite
Le client qui approche de la retraite et dont le coût de la vie est assumé en dollars canadiens sera moins tolérant aux variations sensibles du taux de change.
«Plutôt que d’essayer de prévoir le mouvement des devises, il vaut mieux alors analyser l’exposition du portefeuille», explique Dan Hallett, CFA, analyste et vice-président chez High View Financial Group.
«Un client qui passe tous ses hivers en Floride voudra apparier ses dépenses au sud de la frontière avec des placements en dollars américains. Même si la force du dollar canadien depuis dix ans a eu pour effet de réduire le montant de ces dépenses, l’inverse aurait pu survenir et coûter très cher à ce retraité», illustre-t-il.
Dan Hallett préconise donc de protéger les futurs décaissements en les jumelant avec des actifs de la même devise.
Pour la portion restante du portefeuille, il recommande généralement de ne pas couvrir les FNB contre les fluctuations des monnaies.
Il est du même avis que Raymond Kerzhéro et affirme que les coûts de la protection sont trop élevés.
«Je crois qu’un portefeuille bien diversifié n’est pas aussi vulnérable face au risque de devise que certains le croient. Il peut se révéler bien plus coûteux de spéculer sur les mouvements de la devise à court terme», croit Dan Hallett.