En effet, Standard Life a lancé en 2009 le «concept héritage graduel», repris depuis par d’autres assureurs, notamment la Financière Manuvie et Equitable Life. Il s’agit de produits qui permettent de planifier un legs qui se fera automatiquement au décès.

«Ce concept ne s’applique qu’aux produits qui ont une garantie au décès, tels que les fonds distincts, certaines rentes, les dépôts à terme, l’assurance vie et l’assurance maladies graves», explique Jean-François Paquin, vice-président adjoint, solutions à taux garanties, chez Standard Life.

«De plus, le legs ne pourra se faire que si le disposant a nommé un bénéficiaire», précise Suzanne Alepin, directrice des ventes pour les comptes nationaux chez Financière Manuvie.

Dans ce cas, au décès du souscripteur, l’argent sera placé automatiquement dans une rente qui ne nécessite aucune gestion de la part de l’héritier. Un revenu régulier lui sera versé, quoi qu’il arrive, sans risque de détournement de capital.

En contrepartie, le bénéficiaire ne pourra pas puiser dans ce capital en cas de besoin, par exemple pour financer une dépense importante imprévue.

Le disposant devra cependant indiquer de son vivant si l’héritage sera placé dans une rente viagère ou une rente certaine. S’il opte pour une rente certaine, il doit choisir la durée du versement de la rente et si celle-ci est indexée ou non.

«Les choix du client dépendront normalement du montant transféré et de la situation personnelle de l’héritier, notamment son âge et son espérance de vie», dit Daniel Plouffe, directeur régional des Services de planification financière successorale de la Sun Life.

«Ainsi, si un bénéficiaire de 21 ans touche 100 000 $ par l’intermédiaire d’une rente certaine, il recevra grosso modo 10 000 $ pendant dix ans. En comparaison, avec une rente viagère, il recevra de trop petits montants [sur une plus longue période].»

Cependant, l’ajout d’options à la rente comme l’indexation diminuera l’importance des versements.

Prenons le cas d’un capital de 100 000 $. Garantir les versements d’une rente pendant 20 ans plutôt que cinq réduit les versements mensuels faits à un homme de 55 ans de 445 à 429 $ (au 25 septembre 2013), indique Suzanne Alepin.

Ce concept d’héritage, qui se veut flexible, permet naturellement de changer le bénéficiaire et le choix de la rente au fil des ans.

Cette formule permet aussi d’éviter les droits successoraux et les frais d’homologation pour les provinces dans lesquelles ces frais s’appliquent. Par contre, l’héritier recevra le montant après retenues fiscales, s’il y a lieu.

Enfant mineur

L’héritage graduel peut également convenir à une autre catégorie d’héritiers inaptes à gérer leur argent : les enfants.

Le legs devra alors être placé dans une rente conçue pour eux, telle la Rente Héritage Enfant de Standard Life. Il s’agit d’une rente certaine dont la durée ne dépasse pas 18 ans, moins l’âge de l’enfant au moment où il hérite.

«Les capitaux seront alors imposables pour l’enfant et non pour le défunt, dit Jean-François Paquin. Les versements seront imposés dans les mains de l’enfant, puisqu’ils sont répartis sur plusieurs années, la facture fiscale sera moins lourde.»

Cette rente comporte cependant plusieurs limitations. D’abord, elle s’emploie principalement dans le cadre d’un REER ou d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR).

Il est aussi possible de transférer des capitaux de sources agréées, comme les régimes de retraite agréés (RRA), mais le transfert est alors permis uniquement dans le cas d’enfants à charge handicapés.

Le legs n’est possible que si l’enfant ou le petit-enfant dépendait financièrement du défunt pour sa subsistance.

«Comme le REER peut aussi être [transféré] au conjoint sans impact fiscal, cette stratégie est intéressante surtout dans les cas de décès simultanés ou pour les chefs de famille monoparentale», note Jimmy Bouchard, directeur du développement des produits de protection chez SFL Cité de Montcalm.

Avantages

Chose certaine, l’héritage graduel a l’avantage de proposer une solution simple aux personnes qui doutent de la capacité de l’héritier à bien gérer l’argent lui-même.

«Le bénéficiaire de 21 ans, au lieu de recevoir 100 000 $ et d’acheter une voiture de luxe avec la somme, recevra une rente mensuelle», illustre Bernard Larivière, président, Banque Nationale Planification et avantages sociaux.

La rente agit un peu comme une fiducie au profit du bénéficiaire, mais elle est beaucoup moins complexe.

«De plus, le disposant n’a pas besoin d’inscrire le legs au testament, dit Bernard Larivière. Dès que le nom du bénéficiaire est sur le contrat, le transfert se fait automatiquement au décès. Dans le cas d’une succession déficitaire, l’héritier obtiendra tout de même l’argent.»

La formule peut aussi être employée pour faire un legs secret, advenant qu’un tel legs puisse causer des tensions dans la famille.

Inconvénients

«En revanche, pour le consommateur moyen, le fait de pouvoir laisser une rente au bénéficiaire ne sera pas un argument de vente, pense Daniel Plouffe. Ce produit ne s’adresse donc pas à la masse, mais plutôt à des personnes qui ont un besoin pointu.»

«Cependant, même dans ce cas, continue-t-il, si quelqu’un a des montants significatifs à léguer, je crois qu’il est préférable de consulter un notaire et de rédiger un testament. Par exemple, si l’héritier a déjà de bons revenus, il sera plus avantageux sur le plan fiscal de mettre en place une fiducie.»

Jimmy Bouchard abonde dans ce sens, et pense qu’il est préférable d’opter pour une fiducie testamentaire dès que la succession est de 200 000 $ ou plus.

«Cela donnera une plus grande marge de manoeuvre aux héritiers», dit-il.

Léguer par testament permet aussi au disposant de demander au liquidateur d’acheter la rente la plus avantageuse sur le marché à son décès.

«Lorsqu’on nomme un bénéficiaire dans le cadre du Concept héritage graduel, il est impossible de savoir si la rente de Standard Life sera plus avantageuse que celle de ses concurrents au moment du décès», note Bernard Larivière.

Enfin, Daniel Plouffe souligne qu’il y a parfois un risque à nommer un bénéficiaire sur un produit financier.

Avec les années, le client peut en effet oublier sa décision et prendre d’autres dispositions dans son testament, qui seront invalidées. Cela peut être particulièrement dérangeant pour une famille reconstituée.

«Lorsqu’une personne a un testament, dit-il, elle peut écrire à la question sur le bénéficiaire « voir testament ». Peu importe si elle change les dispositions, tout se fera selon sa volonté.»