Sonita Hovitch s’est entretenue avec Michèle Robitaille, directrice générale et spécialiste des actions de revenu chez Guardian, Jason Gibbs, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez GCIC, et Peter Frost, vice-président et gestionnaire de portefeuille auprès de Placements AGF.
Voici la deuxième partie d’une série de trois de cette table ronde.
Question : C’est le moment de parler d’énergie, une pondération qui est importante chez vous trois.
Jason Gibbs : Le Fonds de dividendes canadiens Scotia avait une affectation de 21 % dans l’énergie à la fin de septembre, dont 12 % relevaient d’actions d’infrastructure énergétique, notamment des oléoducs, ainsi que 9 % dans des compagnies de prospection et de développement. Dans un fonds de dividendes, il faut surpondérer oléoducs et gazoducs, car ce sont les autoroutes à péage des entreprises énergétiques. Récemment, Suncor Energy, a annoncé qu’elle irait de l’avant avec son projet dans les sables bitumineux de Fort Hills. Enbridge va construire un grand oléoduc pour ce projet. Nous avons Enbridge, TransCanada, Pembina Pipeline et Gibson Energy Inc.
Le tableau général pour ces compagnies d’infrastructure énergétique reste le même. Elles représentent une excellente occasion de revenu et de croissance à long terme. Toute la carte nord-américaine de l’infrastructure énergétique est en voie d’être redessinée. La croissance des dividendes est un thème d’investissement clé, et c’est là où vous trouverez une excellente croissance des dividendes.
Q: Et les évaluations?
JG : Quand j’examine les sociétés d’infrastructure, de services publics et d’oléoducs, j’analyse trois choses : le rendement de leurs flux monétaires disponibles, leur croissance et leur évaluation sur le marché privé. Le rendement des flux monétaires disponibles des compagnies d’oléoducs demeure raisonnable. On croit souvent à tort que ces entreprises ne connaissent pas de croissance. C’est faux. Les ratios cours-bénéfices de ces titres sont élevés comparativement aux ratios historiques. Mais il y a une raison pour cela. Ce sont des sociétés de grande qualité. Qui plus est, les ratios C/B ne sont pas excessifs quand vous examinez les trois autres mesures.
Q : Michèle, vous en aviez 30,1 % dans le Fonds de revenu mensuel élevé BMO en fin septembre.
Michèle Robitaille : Eh bien nous avons TransCanada, Pembina, Keyera et AltaGas Ltd. Nous répartissons notre participation à ce secteur entre l’infrastructure énergétique et les compagnies de production de marchandises. Nous surpondérons les infrastructures énergétiques depuis longtemps et continuons à aimer ce domaine. Nous affichons une participation double à celle de notre point de repère. Notre participation aux producteurs énergétiques a été neutre pendant la plus grande partie de l’an dernier, mais nous l’avons peu à peu augmentée et sommes passés à une position de légère surpondération.
Peter Frost : J’ai Pembina dans le Fonds de revenu mensuel élevé AGF, qui avait une pondération de 32 % dans les actions d’énergie en fin septembre. J’ai Enbridge et Gibson dans le Fonds de revenu traditionnel AGF. Ce fonds affectait 26,5 % à l’énergie en fin septembre. Sa participation cible surtout les services énergétiques et l’infrastructure énergétique. Nous souhaitons être optimisés vis-à-vis de l’activité elle-même plutôt que du prix de la marchandise.
Q : Que pensez-vous des problèmes très médiatisés relatifs aux projets d’oléoducs Keystone XL et Northern Gateway?
JG : Ce sont de gros projets. Mais ces compagnies d’infrastructure sont en train de construire des oléoducs dans de nombreux endroits dont les journaux ne parlent pas.
MR : La liste de tous les projets de ces compagnies est significative. Enbridge investira dans les 36 G$ dans ces projets d’ici à 2017. En raison de la nécessité de transporter le gaz et le pétrole, ces compagnies sont capables d’obtenir de bons contrats et de verrouiller le rendement de leur capital investi.
PF : Nous avons aussi des compagnies de services comme Trican Well Service TCW et Calfrac Well ServicesCFW .
Q : Qu’en est-il des producteurs énergétiques? En un mot?
MR : Traditionnellement, nos avoirs les plus importants sont Baytex Energy BTE , ARC Resources ARX et Crescent Point Energy. Nous avons aussi Cenovus Energy dans ce portefeuille. Nous participons davantage au pétrole qu’au gaz naturel.
JG : Nous aussi. Le portefeuille du Fonds de dividendes canadiens Scotia compte Suncor, Baytex, Crescent Point et Cenovus.
PF : Dans le Fonds de revenu mensuel élevé AGF, j’ai Baytex, Crescent Point et ARC. J’ai plusieurs noms énergétiques à grande capitalisation pour le Fonds de revenu traditionnel AGF, y compris Suncor.
Q : Parlons donc des actions dans les services de télécommunications.
JG : J’ai toujours aimé les télécommunications. Elles sont propriétaires de l’infrastructure. Cette industrie est un cas classique d’oligopole. Ces sociétés ont des flux monétaires disponibles qu’elles développent : pas énormément, mais elles les développent quand même. Ces noms proposent à la fois un rendement élevé de leurs dividendes et une croissance de ces derniers. Ces compagnies ne sont pas les moins chères. Un peu plus tôt cette année, on a parlé de la possibilité que Verizon Communications VZ fasse son entrée sur le marché canadien, et il y a donc eu une vente en masse des actions canadiennes des télécommunications. Elles se sont reprises depuis, et frôlent leurs sommets de tous les temps. J’ai TELUS, Rogers Communications et BCE Inc. Et j’y ai ajouté Verizon.
MR : Dans cette liste, nous avons TELUS. Nous apprécions le fait qu’elle soit principalement centrée sur l’Ouest canadien. Nous sous-pondérons les télécoms, et ce depuis 18 mois environ. Nous avons pensé que les évaluations commençaient à dépasser leurs données fondamentales, et qu’au fur et à mesure que cette industrie atteignait sa maturité, sa croissance allait ralentir. Par ailleurs, le gouvernement canadien cherche à réduire le prix des télécommunications pour le consommateur. Au niveau règlementaire, l’incertitude a augmenté dans cette industrie.
PF : Nous sous-pondérons les télécoms. Nous craignons que le revenu moyen par utilisateur ne soit en train de ralentir. La croissance des compagnies de télécommunications rencontrera des difficultés. Je partage les inquiétudes de Michèle quant à une plus grande fermeté du gouvernement fédéral envers elles.
JG : Les risques liés à la règlementation des sociétés canadiennes sont en train d’augmenter et la croissance ne sera plus ce qu’elle était. C’est une industrie qui a atteint sa maturité, mais j’affectionne les flux monétaires disponibles qu’on y trouve, même si leur croissance est de 3, 4 ou 5 % par an. En tant qu’actionnaire, vous profiterez le plus de ces flux monétaires disponibles sous forme de dividendes et de rachats d’actions. Je dirais qu’il s’agit maintenant davantage de titres à conserver, comme une bonne partie du marché d’ailleurs.
Q: Et les services publics?
PF : Je ne possède qu’un seul avoir canadien: Brookfield Infrastructure Partners. Elle est dans mes deux portefeuilles.
JG : Je l’ai moi aussi. C’est un avoir de longue date. La société est propriétaire d’actifs infrastructurels en Amérique du Nord et du Sud, en Australie et en Europe.
PF : Elle a d’excellents avoirs à long terme. Elle a un rayonnement mondial grâce à des contrats à long terme dans des activités assimilés aux services publics. Les gouvernements de bien d’autres pays sont financièrement mis à l’épreuve et il y aura probablement d’autres actifs d’infrastructures publiques qui seront mis en vente. Cela fournira ainsi des occasions pour des compagnies comme Brookfield Infrastructure.
JG : Elle a récemment revu à la hausse ses consignes de croissance des dividendes.
MR : Nous avons Brookfield Renewable Energy Partners. Il s’agit d’énergie renouvelable, essentiellement hydroélectrique. Cette entreprise possède des actifs de qualité supérieure avec des flux de revenu provenant de bons contrats. Sa croissance est plus robuste que celle d’autres compagnies de services publics. Comme elle fait partie du groupe Brookfield, elle tend à identifier de bonnes possibilités d’acquisition.
PF : Je suis plus optimiste pour les actions des services publics depuis leur vente massive un peu plus tôt cette année. La plupart d’entre elles continuent à produire des flux monétaires solides et en augmentation.
JG : À l’instar des oléoducs et des gazoducs, cette croissance est sous-estimée.
Q: Nous avons discuté de quatre des principaux secteurs dans l’univers des actions canadiennes de revenu. Résumons-nous donc.
MR : L’espace des dividendes reste attrayant. Compte tenu de la volatilité que nous avons vue jusqu’à maintenant sur le marché pour l’année à ce jour et des attentes que nous avons pour l’avenir, les investisseurs continueront à y voir de bonnes occasions.
JG : La soif de revenu continue, plus forte que jamais. Les compagnies le comprennent. La toile de fond macroéconomique reste positive. Les taux d’intérêt vont rester relativement faibles à long terme.
PF : Certains secteurs dans l’univers des actions de revenu, qui ont subi des ventes abruptes suite à l’augmentation des rendements obligataires, sont désormais plus attrayants.