Publicités critiquées
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Public non spécialisé

La série F, inaugurée en 2000, rappelle Dan Hallett, est réservée aux conseillers tirant leurs revenus d’honoraires facturés à leurs clients, et non de commissions de suivi intégrées au ratio des frais de gestion. Un client a normalement accès aux séries F par l’entremise d’un conseiller qui, forcément, lui réclamera des honoraires qui réduiront d’autant la performance des fonds annoncés.

Il est donc étonnant que des manufacturiers de fonds fassent la promotion des fonds de série F «à un public non spécialisé qui ne pourrait y avoir accès sans payer des frais annuels supplémentaires», juge Dan Hallett.

Celui-ci reconnaît que les occasions qu’a un investisseur d’acquérir directement des fonds de série F existent, mais elles se sont raréfiées. «Il n’y a plus qu’une seule offre pour le faire, celle de Questrade, souligne-t-il. La grande majorité des gens ont accès à ce type de fonds en payant des frais annuels additionnels.»

Or, les frais prélevés par un courtier pour un tel fonds oscillent autour d’un point de pourcentage, à quoi s’ajoutent les frais d’administration du fonds. Dans le cas d’une récente publicité de Fidelity parue en septembre, la performance affichée pour une période de cinq ans se terminant au 31 août 2016 est de 12,4 %. C’est dire que le rendement final, après déduction de tous les frais, se situe plutôt autour de 11 %, selon les calculs de Dan Hallett.

Dans la publicité, on peut lire près de la fin du bloc d’avertissement : «Votre conseiller peut exiger d’autres frais.» Mais sans plus de précision.

Alain St-Pierre, représentant en épargne collective à Mont-St-Hilaire, qui a vu les publicités auxquelles fait référence Dan Hallett dans La Presse+, partage les réserves de l’analyste. «Ces publicités me rappellent ce qu’on voyait dans les publicités des agences de voyages qui annonçaient des prix de voyages très bas parce qu’ils n’incluaient pas toutes les taxes. Le gouvernement les a obligées à ajuster leurs chiffres.» Montrer les rendements des fonds F sans extraire la part des honoraires du conseiller, c’est un peu la même chose selon lui.

Cette présence croissante des fonds de série F dans l’industrie suscite également chez Alain St-Pierre une autre réflexion : «C’est comme si les firmes de fonds nous disaient que la bataille des commissions intégrées était déjà perdue». Mais c’est une bataille dont il n’est pas prêt à concéder la victoire, d’autant plus que la majeure partie de sa clientèle est composée de clients ayant un actif modeste.

Publicité conforme

Nous avons demandé son opinion à l’Autorité des marchés financiers (AMF). Tout ici paraît conforme. «Un organisme de placement collectif (OPC) qui présente des rendements pour une série F doit indiquer que le placement dans l’OPC peut donner lieu à des courtages, des commissions de suivi, des frais de gestion et d’autres frais», précise par courriel l’AMF. «Cependant, la réglementation n’oblige pas un fonds qui présente les rendements d’une série F à présenter les rendements d’une autre série (par exemple, la série A) à titre comparatif.»

Fidelity soutient que «les séries F sont la meilleure représentation de ce que nous faisons en tant que gestionnaires de portefeuille, dit Chris Pepper, porte-parole de la firme. Ils sont la plus pure représentation de notre travail et c’est vers ces fonds que nos flux d’entrée et ceux de toute l’industrie s’acheminent.»

N’aurait-il pas été plus juste et plus transparent d’indiquer dans les notes en bas de publicité que les frais de courtage diminueraient la performance de plus ou moins un point de pourcentage ? «Oui, il aurait été plus transparent de le faire», convient dans un courriel Nancy Lachance, directrice de conformité et meilleures pratiques chez MICA Cabinets de services financiers.

Toutefois, soutient Nancy Lachance, «après discussion avec mon collègue Yvan Morin, nous ne voyons pas d’irrégularités (dans la publicité de Fidelity). Les émetteurs ne sont pas assujettis à la même réglementation que les courtiers sur la divulgation des frais et de la rémunération, bien qu’ils aient des normes qui les réglementent».

Michel Mailloux, président de Déontologie.ca, n’est pas lui non plus troublé par la publicité en question. «On doit s’attendre à ce genre de choses, dit-il, surtout avec les fonds de série F. Fidelity a été assez honnête pour dire que le conseiller chargera des frais. Je ne trouve pas ça incorrect. Aurait-il pu l’indiquer plus haut (dans les notes d’accompagnement) ? Aurait-il pu faire mieux ? Oui. Mais ça m’apparaît quand même correct. Le client doit s’attendre à payer des frais s’il fait affaire avec un conseiller, et c’est indiqué dans la publicité.»