Gare au double standard
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Dans le cadre de la consultation 33-404 des ACVM sur les propositions de rehaussement des obligations des conseillers, des courtiers et des représentants envers leurs clients, les régulateurs souhaitent modifier le règlement 31-103 pour imposer aux sociétés la création d’une liste des produits offerts aux clients.

Deux possibilités s’offrent aux sociétés : soit une liste de produits exclusifs qui comprendrait l’ensemble des produits qu’une société offre de manière exclusive, soit une liste de produits mixtes ou non exclusifs, mélangeant les produits dits maison et les produits d’autres firmes compris dans l’offre aux clients.

Pour la première catégorie, les firmes auraient l’obligation de mentionner cette exclusivité aux clients dès le début de leur relation, à l’ouverture du compte ou avant de fournir des produits ou services, par exemple.

Elles devraient également indiquer que leur évaluation de convenance du client ne tient pas compte de l’ensemble du marché des produits et qu’il n’y a pas d’étude comparative de performance entre ces produits et les leurs.

Dans son document de consultation, le régulateur définit une liste de produits mixtes et non exclusifs, comme une liste «qui contient des produits exclusifs et non exclusifs ou seulement des produits non exclusifs».

Les sociétés répondant à ce critère devraient communiquer la proportion de produits exclusifs qu’ils offrent, le cas échéant.

De plus, chaque firme serait tenue de produire une enquête de marché «équitable et impartiale» sur un ensemble raisonnable de produits afin de s’assurer que les produits qu’elle offre sont «les plus susceptibles de satisfaire l’ensemble des objectifs de placements de ses clients».

À cette enquête s’ajoute l’obligation d’établir un processus d’optimisation pour apporter des changements à sa gamme de produits, au besoin.

Cet ajout fait sourciller les sociétés indépendantes, qui accusent les régulateurs de créer un fossé sur le plan réglementaire entre les firmes offrant uniquement des produits maison et elles.

«On dirait que les ACVM ont intentionnellement créé une norme supérieure de connaissance du produit pour les sociétés offrant des produits mixtes, car elle a imposé des obligations additionnelles pour ces derniers», indique Fidelity dans son mémoire.

«Nous ne sommes pas d’accord que les firmes exclusives n’aient pas à faire l’analyse comparative avec les autres produits du marché pour savoir si les produits répondent aux besoins des clients», ajoute de son côté FAIR Canada.

L’enquête demandée par les ACVM devrait au moins tenir compte de facteurs comme «la structure, la stratégie de produit, les caractéristiques, les risques, le coût, la liquidité, le rendement et le fait que l’émetteur est lié ou associé à la personne inscrite», selon leur document de consultation.

Le coût d’une telle démarche est substantiel, d’après plusieurs sociétés mixtes ou non exclusives.

«Au point de vue concurrentiel, cela favorisera les grandes firmes qui ont les ressources nécessaires pour effectuer ces analyses [sic]», écrit PEAK.

Les participants soulignent que la démarche entreprise par les ACVM entraînera d’autres conséquences.

«Cette obligation pourrait avoir des conséquences inattendues, comme d’encourager les firmes qui sont mixtes ou non exclusives à devenir exclusives et à créer leur propre gamme de produits», écrit Michael Thom dans le commentaire du Canadian Advocacy Council for Canadian CFA Institute Societies.

Selon ce dernier, il y a même une possibilité que des firmes mixtes limitent leur offre aux produits exclusifs compris dans leur gamme, pour correspondre à la définition de société propriétaire.

Offre de produits menacée

La démarche proposée par les ACVM menacerait l’offre de produits, d’après des intervenants.

«Si de telles obligations nous étaient imposées, nous réduirions assurément notre offre de produits en éliminant les fournisseurs les moins populaires auprès de nos conseillers, pour ne garder que les plus distribués», lit-on dans le mémoire de Groupe Cloutier Investissements.

La réduction de l’offre est largement abordée par l’ensemble des participants à la consultation comme une raison suffisante pour que les régulateurs n’aillent pas de l’avant avec leur réforme.

«Nous croyons que cela aura l’effet inverse et le résultat sera que les firmes mixtes offriront moins de produits, écrit Fidelity. […] Une offre réduite entraînera de nombreuses conséquences inattendues. Premièrement, moins de choix pour les investisseurs. Deuxièmement, les petits courtiers indépendants et les petits gestionnaires de fonds pourraient ne pas survivre à cette réduction.»

L’augmentation du temps consacré à l’analyse et à l’évaluation des produits par les firmes pourrait également avoir une double conséquence pour les investisseurs, soit une augmentation du coût des produits restants ainsi qu’une accessibilité réduite au conseil pour les comptes de moindre importance, écrit Jean Carrier de PEAK.

De son côté, Martin Gagnon, coprésident et cochef de la direction, Financière Banque Nationale, et premier vice-président à la direction, Gestion de patrimoine à la Banque Nationale, considère d’ailleurs que les régulateurs outrepassent leur mandat en déterminant la démarche que les firmes doivent suivre pour répondre aux besoins de leurs clients.

«Nous pensons que c’est une question qui doit être déterminée par les entreprises», écrit-il.