Pour répondre à ces critères, ces actions ne doivent appartenir qu’au contribuable ou à des personnes qui lui sont liées, et plus de 50 % de la juste valeur marchande (JVM) des biens de la société doivent avoir servi à l’exploitation active de l’entreprise durant les 24 mois qui précédent leur cession. Également, au moment de la vente, 90 % de cette même JVM doivent servir à l’exploitation active de l’entreprise.

Ayant reçu une offre d’achat qu’il a acceptée, Michel est convaincu qu’il pourra profiter de la DGC pour lui-même et pour les membres de sa famille, en utilisant la possibilité d’accroître cet avantage par l’intermédiaire de la fiducie familiale.

Michel entend ainsi garder l’ensemble du profit de la vente de 1,2 M$ sans devoir d’argent aux autorités fiscales. Il souhaite, par l’intermédiaire de la fiducie familiale et avec l’approbation des fiduciaires, attribuer 750 000 $ du gain à lui-même, 400 000 $ à son épouse Ginette et 50 000 $ à son fils Alain, tous des bénéficiaires discrétionnaires de la fiducie.

S’il réalisait la vente en 2014, ce sont plutôt 800 000 $ de gain en capital qu’il pourrait s’attribuer afin de profiter de la DGC bonifiée annoncée dans les derniers budgets fédéraux.

Nuage gris

Voilà qu’un nuage vient obscur-cir le ciel bleu de Michel. Ayant réalisé une perte au titre de placement d’entreprise (PTPE) de 100 000 $ par le passé, il découvre que la possibilité d’utiliser sa déduction pour gain en capital est réduite de ce même montant et passe à 650 000 $.

En effet, une PTPE est une perte en capital, déductible à 50 % à l’encontre de tout revenu, qui est subie à la cession d’une action ou d’une créance d’une société exploitant une petite entreprise. La déduction admissible est réduite du montant de ces pertes subies depuis 1985, y compris l’année courante.

Michel profitera donc d’une économie d’impôt de 162 403 $, au lieu de 187 388 $, et devra s’imposer sur un gain en capital représentant 100 000 $, soit la partie non admissible à la DGC s’il s’attribue 750 000 $.

Si on considère que seuls les gains en capital imposables excédant le compte de perte nette cumulative sur placement (PNCP) d’un particulier donnent droit à la déduction pour gains en capital, Michel aurait pu voir sa déduction empiétée de nouveau s’il avait eu un excédent de dépenses de placement sur ses revenus de placement de façon cumulative. Par hasard ou par planification, le fait qu’il se soit versé un dividende l’an passé a ramené son solde de PNCP à 0 $.

De son côté, Ginette son épouse, qui ne gagne aucun revenu, se voit elle aussi imposer une partie du gain en capital malgré le fait que les actions vendues étaient admissibles à la DGC.

Dans son cas, elle doit composer avec une facture d’impôt minimum de remplacement (IMR). L’IMR vise autant les particuliers que les fiducies qui ont investi dans des abris fiscaux leur donnant droit à d’importantes déductions ou lors de la déclaration de gains en capital élevé.

C’est le revenu imposable modifié, qui est en quelque sorte un calcul d’impôt parallèle à l’impôt régulier, qui détermine l’IMR. On peut récupérer l’IMR durant les sept années subséquentes à condition d’avoir à payer de l’impôt régulier.

Autre pépin

Or, en l’absence de revenu imposable et d’impôt à payer durant les sept années suivantes, l’IMR deviendrait permanent et irrécupérable. Pour créer un revenu imposable qui lui permettrait de récupérer l’IMR, Ginette peut retirer le REER de conjoint que Michel avait cotisé pour elle.

Pour éviter que Ginette paie de l’IMR qu’elle ne pourrait pas récupérer, Michel pourrait décider d’attribuer une somme plus importante à son fils Alain, qui a un emploi et qui gagne un bon revenu.

Or, le problème ici n’est pas fiscal. La portion du gain en capital réalisé, qui serait attribuée à Alain par l’intermédiaire de la fiducie, doit réellement lui être donnée. Lui en attribuer plus pour réduire les impôts de Michel et de Ginette est sans aucun doute une solution avantageuse sur le plan fiscal, mais l’est-elle financièrement pour le couple ? Donner plus d’argent à leur fils maintenant pourrait-il compromettre leurs projets de retraite ?

On se rend compte que profiter de la déduction pour gain en capital et la multiplier par l’intermédiaire de la fiducie familiale peut s’avérer parfois plus facile sur papier qu’en réalité ! En plus des nombreuses conditions techniques que doivent respecter les actions lors de la vente, d’autres critères fiscaux tels que les PTPE, les PNCP et l’IMR peuvent avoir un impact sur le plan fiscal malgré l’admissibilité des actions à la DGC. L’impact financier de ces critères n’est pas négligeable pour les détenteurs d’actions ou pour les bénéficiaires d’une fiducie à qui on attribue ce gain. Au-delà de la fiscalité, il y a d’autres réalités…

* vice-présidente, planification fiscale et successorale, Richardson GMP