Ainsi, beaucoup de ces jeunes travailleurs ne remplissent pas les critères minimaux d’épargne ou de revenu qui rendent les clients financièrement intéressants aux yeux des professionnels financiers. Cependant, certains conseillers acceptent tout de même de les servir, et ont même ajusté leur offre pour le faire.
Jean-François Guay, planificateur financier chez BMO, et Suzie Labbé, planificatrice financière chez Financière Sun Life, ne refusent pas ces clients, qu’ils considèrent comme une source de revenu à long terme et une façon de se protéger du transfert intergénérationnel.
Jean-Michel Parent, lui, a choisi de développer une clientèle qui lui ressemble. «Pour moi, la relation est intéressante parce que j’en suis pratiquement au même point que mes clients, dit le jeune homme de 28 ans. J’ai des besoins similaires (voiture, maison, etc.) et nous parlons la même langue», souligne le planificateur financier de Investia services financiers.
Établir les bases
Toutefois, il n’est pas nécessaire d’avoir leur âge pour comprendre les jeunes… Le caractère unique de cette génération n’exclut pas la possibilité de les saisir et de les connaître. D’ailleurs, les conseillers interrogés disent des individus qui composent cette cohorte qu’ils aiment les loisirs, les nouveaux gadgets électroniques et l’instantanéité. Ils s’entendent aussi pour dire que ces champs d’intérêt font que l’argent peut s’envoler très rapidement.
La culture de cette génération influence aussi les relations. «Par exemple, s’ils ont une question, ils s’attendent à ce que le conseiller leur réponde en moins de 24 heures, dit Jean-Michel Parent. S’il ne le fait pas, ils iront voir sur Internet ou s’informeront auprès de quelqu’un d’autre.»
Pourtant, malgré les similitudes qui les caractérisent, ces jeunes n’ont pas tous les mêmes besoins financiers. En outre, le fait de vivre en couple ou seul, d’être endetté ou non, d’être un jeune professionnel ou non influencera beaucoup les projets.
«Une seule constante : un immense besoin de coaching, dit Jean-François Guay, tant sur le plan du budget, de l’épargne et de la consommation que sur celui du choix des produits financiers.»
La première intervention d’un conseiller consiste donc généralement à faire un budget avec eux pour voir comment ils rembourseront leurs dettes ou à les inciter à épargner.
«Mais pour vendre à ces jeunes l’idée d’un budget, il faut éviter que cela ait l’air d’un régime, prévient Suzie Labbé. Le plaisir et les gâteries doivent y avoir leur place.»
Tout au long de cet exercice, les conseillers doivent faire de grands efforts d’éducation pour pousser les jeunes à adopter de meilleures habitudes de consommation. «C’est qu’ils tombent souvent dans le piège du premier salaire, explique Suzie Labbé. Comme ils n’ont jamais eu autant d’argent en poche, ils ont tendance à tout flamber.»
Pour les aider à se discipliner, les conseillers doivent donc leur démontrer les risques d’une consommation excessive. «Par exemple, il faut leur expliquer, chiffres à l’appui, comment le fait de placer 400 $ par mois sur une belle voiture ne rapporte pas grand-chose à long terme, car la voiture se déprécie, remarque Jean-François Guay. En revan-che, un tel achat pourrait les empêcher d’acheter une maison dans deux ans.»
L’utilisation d’outils comme les graphiques et les schémas, qui montrent par exemple qu’épargner un peu à chaque paye est plus avantageux que de mettre un montant de côté une fois par an, est vivement con-seillée. «On les aide ainsi à visualiser l’effet de l’épargne sur leurs finances personnelles», dit Jean-François Guay.
Préciser les objectifs
Dans un deuxième temps, quand les jeunes clients ont accumulé un peu d’épargne, les conseillers doivent les amener à déterminer leurs objectifs à court, moyen et long terme. Ils doivent les forcer à y réfléchir jusqu’à ce qu’ils puissent les préciser et les classer par ordre de priorité.
«À cette étape, notre rôle est surtout de leur rappeler ce qu’ils pourraient oublier, dit Jean-Michel Parent. Par exemple, s’ils projettent d’acheter une maison, il faut leur parler de leur capacité d’emprunt, de la mise de fonds, des frais, de l’assurance habitation, etc.»
De plus, il arrive que ces jeunes oublient des choses essentielles, comme la retraite. «La retraite ne veut souvent rien dire pour eux, explique Suzie Labbé. Alors, pour les convaincre d’investir dans un REER, il faut plutôt leur dire qu’ils pourront se payer un voyage avec le remboursement d’impôt, financer l’achat d’une première maison ou retourner aux études.»
En raison de l’encadrement que nécessite cette clientèle, elle rapporte souvent très peu à court terme. Les conseillers peuvent facilement passer une heure à leur expliquer des concepts, sans réaliser aucune vente.
«Normalement, il y a un retour du balancier avec les années, dit Jean-François Guay. Par ailleurs, c’est gratifiant de les aider et de répondre à leurs besoins. Et lorsqu’ils sont satisfaits, ils ne manquent pas de nous envoyer des clients…»