La réponse prend le contrepied d’un conseil d’investissement souvent véhiculé.
«Il nous a dit que s’il recommençait à bâtir son portefeuille, il suivrait la même stratégie qu’à ses débuts», raconte Kevin Henley, étudiant en deuxième année du Programme de gestion de portefeuilles Kenneth-Woods de l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia. «Il investirait dans quatre ou cinq sociétés. Sa philosophie était d’avoir moins de compagnies, mais de très bien les connaître. » Le conseil s’inscrit en porte à faux contre ceux qui suggèrent de diversifier leur portefeuille afin de réduire les risques.
Philippe Hynes, président de Tonus Capital, partage cette vision. Ancien étudiant de Concordia, le gestionnaire de portefeuille, qui organise des activités de formation pour les étudiants de son alma mater, participait au voyage. Celui qu’on surnomme l’Oracle d’Omaha estime que les stratégies passives et actives donneront en moyenne le même rendement brut. De ce fait, la stratégie active s’en trouve désavantagée avec les frais de gestion.
La concentration est un outil pour battre le marché, selon M. Buffett. «Il nous a dit qu’avoir quatre à cinq entreprises serait une diversification suffisante, résume M. Hynes. Il n’y a pas une tonne d’occasions, mais quand il y en a une, il faut les saisir vite et prendre une grosse position. Ça rejoint beaucoup ma philosophie. »
La rencontre
Le troisième homme le plus riche au monde rencontre une dizaine de groupes d’étudiants par année. C’était le tour des quinze étudiants du Programme de gestion de portefeuilles Kenneth-Woods, le vendredi 18 novembre à Omaha au Nebraska.
La rencontre de deux heures était suivie d’un dîner décontracté de deux heures. La cohorte a aussi visité trois entreprises de Berkshire Hathaway, la firme d’investissement de Warren Buffett: le détaillant de jouets et d’articles de décoration Oriental Trading, le détaillant de meubles Nebraska Furniture Mart et le bijoutier Borsheims. «Ça arrive une fois dans une vie, si on est chanceux», s’exclame Kevin Henley. «Nous avons eu la chance de poser plusieurs questions. C’était vraiment incroyable.»
Pour les étudiants, c’était l’occasion d’entendre une légende de l’investissement répéter les principes d’investissement à long terme qu’on leur a enseigné dans leurs cours, croit Reena Atanasiadis, directrice du programme. «Il faut être patient et analyser la valeur interne de la compagnie. On leur dit en tant que professeur. L’entendre de la bouche de Warren Buffett, ça a plus de poids. C’est lui le milliardaire », lance-t-elle un rire dans la voix.
Des commentaires surprenants
Outre les discussions sur l’investissement, Kevin Henley dit avoir été surpris de la réponse de M. Buffett lorsqu’on lui a demandé quelle qualité il cherchait chez les gens. Sa réponse : la générosité. «Ce n’est pas nécessairement la qualité à laquelle on aurait pensé en premier, admet-il. Pour lui, c’est important de toujours être présent pour les gens et d’être attentif. »
Même s’il s’intéresse à la pensée du disciple de Benjamin Graham, Philippe Hynes dit avoir été surpris par ses commentaires sur l’évaluation des valeurs mobilières. Warren Buffett a dit qu’il croyait que les obligations étaient surévaluées et qu’il n’en achèterait pas, mais que l’évaluation des actions était «correcte», rapporte le gestionnaire de portefeuille. «Je ne pensais pas qu’il dirait que le marché boursier est dans une bulle, mais je croyais qu’il dirait que les évaluations sont plus élevées que ce qu’on a vu par le passé. Je pensais qu’il aurait un propos un peu plus neutre, mais, pour lui, le prix est encore raisonnable.»
Et Buffett, il est comment?
En rencontrant le personnage public en chair et en os, Kevin Henley dit avoir été surpris de la taille de M. Buffet, qui mesure environ 1,78 mètre. « Je le croyais plus petit quand je le voyais à la télévision, confie l’étudiant. C’était un bon vivant. Il faisait des blagues, il était très attentionné. »
Sans surprise, M. Hynes a constaté que M. Buffett restait un homme humble. «Il est entré dans la salle sans fanfare, raconte-t-il. Ses commentaires sont simples et imagés. C’est toujours intéressant la façon dont il présente les choses.»