Se constituer une clientèle en début de carrière n’a rien de facile, selon Maxime Gauthier, chef de la conformité et conseiller en épargne collective chez Mérici Services financiers, à Sherbrooke. Il relatait ses observations  devant un auditoire réuni par le Conseil des fonds d’investissement du Québec, lundi à Montréal.

Ainsi, « on lâche les jeunes dans la nature et on leur dit qu’ils doivent recruter tant de clients », alors que l’espace est déjà occupé par les institutions financières, notamment. Il faut donc marauder chez les concurrents, ou recruter parmi ses proches. 

Il y a quelques décennies, tout était à faire, le conseil financier n’étant pas aussi omni présent et l’épargne plutôt rare. Aujourd’hui, chaque client est courtisé sans relâche. Le nouveau venu peine à recruter des clients.

« Il faudrait donc miser sur des programmes de mentorat, d’échange, de soutien, etc. Sinon les gens laissent tomber et ça pose un problème d’inéquité » entre les générations, ajoute Maxime Gauthier.

 Parce qu’on recrute dans sa tranche d’âge, le risque existe que les clients en début de carrière, avec peu de moyens, ne soient pas accompagnés adéquatement quand les nouveaux conseillers abandonnent le métier.

« Il faut vraiment y réfléchir comme industrie, sans quoi on va continuer d’avoir des taux de roulement importants. » 

Comme corollaire du peu de soutien aux jeunes, le manque de promotion de la carrière en services financiers pose également problème, observe Maxime Gauthier.

« Comme industrie on ne fait pas notre promotion de façon très active. On parle de Vincent Lacroix ou de Earl Jones, mais pas de la carrière. On n’a pas fait de promotion organisée, systématiquement. Quand le jeune du secondaire se demande ce qu’il va faire dans la vie, il faudrait que le conseiller fasse partie des choix naturels. » 

L’immigration

Au chapitre du développement de la clientèle, les nouveaux arrivants constituent un bassin prometteur, estime Pierre-Franck Honorin, directeur, Nouveaux arrivants et communautés culturelles du Carrefour Desjardins.

Encore faut-il bien cerner leurs besoins et leurs attentes. Et pour cela, il faut les solliciter dès leur arrivée au Québec. Règle générale, « quand les gens arrivent, ils ont des liquidités. Et ils veulent rester liquide. C’est donc très difficile de les convaincre d’investir dans les fonds communs par exemple ».

L’investissement se fait donc souvent dans l’immobilier, un élément important de transmission du patrimoine.

Par ailleurs, chaque communauté a un rapport différent avec l’argent et l’épargne.

« Pour les Européens de l’Est, une institution financière n’est pas un gage de sécurité. » Il faut donc tisser des liens de confiance avant de se lancer dans de grands projets de planification financière, par exemple.

L’immigration venue d’Asie est quant à elle très centrée sur la collectivité. « Chez les Asiatiques par exemple, l’argent reste dans la communauté. C’est une approche très collective, notamment les Chinois. Difficile pour un conseiller de l‘extérieur de percer ce marché « C’est plus par le volet entreprise qu’on sera capables de les accompagner », relate Pierre-Franck Honorin.

« À l’opposé, avec la communauté sud-américaine, il faut dérouler le tapis rouge, être impliqué dans le milieu, avoir des gens qui parlent espagnol. »

Chez les musulmans, pas question de percevoir des intérêts sur les placements. « Il faut alors pouvoir concocter des prêts qui ne montreront pas le type d’intérêts qui seront payés. »

Les femmes

Pour Monique Jérôme-Forget, enfin, le manque de femmes à la tête des institutions financières explique la récente crise financière causée par des produits d’investissements viciés.

« Rappelez vous qu’en 2008 toutes les institutions too big to fail, avaient toutes des hommes grisonnants avec des égos démesurés à leurs têtes, des ignorants qui ne comprenaient rien à rien aux produits qu’ils vendaient. »

 L’ex-ministre des Finances libérales aujourd’hui conseillère chez Osler, soutient que l’apport des femmes sur les conseils d’administration, parce qu’elles gèrent différemment le risque, aurait peut-être pu mitiger les dégâts causés par le subprime notamment.  « Les femmes ont un rapport différent à l’argent. Elles n’aiment pas en parler. Quant aux hommes, leur succès est presque exclusivement lié à l’argent. »

C’est pourquoi la gestion du risque est souvent meilleure lorsque des femmes sont présentes sur les conseils d’administration, soutient Monique Jérôme-Forget. « Seulement des hommes, ou seulement des femmes, ce n’est pas bon, il faut une parité », dit-elle.