Ses collègues et lui ont pour clients plusieurs des sinistrés de la tragédie qui a coûté la vie à 47 personnes, le 6 juillet dernier. Tant pour le petit cabinet indépendant que pour les grandes institutions financières comme le Mouvement Desjardins, le maintien des activités commerciales était essentiel dans les heures qui ont suivi l’explosion des quelque cinq millions de litres de pétrole brut d’un convoi de 72 wagons-citernes (voir «À l’affiche», page 4).

Temps de réaction

«Dès le samedi matin, nous étions en communication avec les responsables des caisses» dans la région, rapporte Danielle Fortin, conseillère en continuité des affaires chez Desjardins. «Avec ce qui est arrivé à Lac-Mégantic, nous savions d’emblée que beaucoup de gens parmi les sinistrés étaient des membres du réseau, des assurés, des clients des services financiers. Dans les premières heures qui ont suivi la tragédie, nous avions sur place des gens de l’assurance générale et de personnes», dit-elle encore.

Samedi matin, le 6 juillet, la cellule d’urgence de Desjardins, composée des membres du comité de gestion de chacune des deux caisses locales, est mise en place. L’accès aux caisses de Mégantic et des Hauts-Cantons, situées à proximité du sinistre, a été interdit jusqu’au mardi suivant.

Il faut donc mettre en place la continuité des affaires et maintenir les services aux clients. Pendant ces conférences téléphoniques, non seulement le personnel des caisses est-il représenté, mais il y a aussi «des gens de l’assurance, des cartes Visa Desjardins, également des gens de ressources humaines», poursuit Danielle Fortin.

Il faut s’assurer notamment que les membres puissent négocier, reconduire les échéances des diverses mensualités que plusieurs d’entre eux peuvent avoir à verser. «Nous avons mis en place un processus d’appels [téléphoniques] continu qui permettait de faire les choses. Tous les jours, nous faisions le bilan de qui avait été réalisé et de ce qu’il fallait accomplir pour la prochaine réunion téléphonique», poursuit la conseillère en continuité des affaires.

Parmi les membres de la cellule de crise, les ressources humaines sont également représentées. «Nous ne savions pas dans quel état nous retrouverions nos employés», raconte Manon Pomerleau, également conseillère en continuité des affaires chez Desjardins.

Dans les caisses, pendant les jours qui ont suivi le sinistre, «le taux d’absentéisme a été particulièrement élevé, certains nous disaient qu’ils étaient incapables de rencontrer les clients. Alors nous avons dû faire venir des ressources de l’extérieur», poursuit Manon Pomerleau.

Un plan d’action

«La continuité des affaires ne commence pas avec un événement. Il faut un programme. De notre côté, nous aiderons les gestionnaires à déterminer les activités critiques, celles qu’il faut redresser en priorité en cas de sinistre, poursuit Manon Pomerleau. Il faut donc procéder à une analyse d’impact sur les activités afin de déterminer celles qui sont les plus critiques, et par conséquent, celles auxquelles on doit donner la priorité» pour le maintien des services lorsque le malheur frappe.

Prévoir un plan de contingence est crucial : «Il faut savoir quoi faire, et surtout, montrer aux clients qu’on a les choses bien en main. Il faut éviter d’en ajouter sur les épaules des clients qui sont parfois déjà très touchés», explique Norman Leclerc, président et fondateur du consultant en conformité GNL Rôle-Conseil, de Québec.

Tous les régulateurs du pays insistent sur l’importance de se doter d’un plan de continuité des affaires (PCA) : l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), suivant la règle 17.16, exige que le PCA soit validé par un expert indépendant, et demande de ses membres qu’ils se livrent à des simulations du PCA tous les deux ans.

La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) se livre quant à elle à des inspections routinières des PCA, qui comptent parmi les dix carences les plus importantes en matière de conformité chez les assujettis de la CVMO.

Au Québec, c’est la Ligne directrice sur la gestion de la continuité des activités, émise par l’Autorité des marchés financiers, qui régit les PCA.

Dans le cas d’un cabinet de services financiers, «bien sûr, on peut se dire que les données sont chez les assureurs, ou dans les sociétés de fonds communs, mais cela ne suffit pas», poursuit Normand Leclerc.

La tragédie de Lac-Mégantic illustre par l’exemple qu’un plan de continuité des affaires n’est pas qu’une liste «destinée à satisfaire la réglementation». De la crise du verglas de 1998, qui avait paralysé pendant quelques semaines certaines régions de la Montérégie, à l’incendie qui ravage les bureaux d’un cabinet, en passant par des inondations, «il faut visualiser comment l’entreprise peut se relever d’une catastrophe», explique Normand Leclerc.

Il conseille donc à ses clients de définir «les événements susceptibles de nuire aux activités, les activités essentielles à maintenir, les responsabilités du personnel, les procédures d’urgence et les structures de soutien telles que le téléphone, l’informatique et la localisation».

L’important est de rassurer le client et de sécuriser ses données avant de penser au développement des affaires. Et le tout peut être adapté à la réalité de chaque cabinet. «Le document de cinq à dix pages que nous aurons, qui fait partie de tout manuel de conformité, permet de savoir quoi faire rapidement. Parce que quand on est dans le feu de l’action, ça va vite», conclut Normand Leclerc.