La longueur a ses raisons
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Les raisons du départ sont multiples : déménagement, insatisfaction liée à la firme, aux produits ou à la qualité du service offert par le représentant.

Quel que soit le motif, le nouveau conseiller et son client souhaitent que le tout se déroule le plus rapidement possible, ce qui n’est pas toujours le cas.

«Il arrive pourtant que certains transferts s’étirent sur une période de deux mois, deux mois et demi, et parfois plus», déplore Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF). Un client de Flavio Vani poursuit actuellement le cabinet d’une grande firme, parce qu’il estime avoir subi un préjudice en raison des retards dans le transfert de ses avoirs alors que la valeur marchande des actifs baissait.

Contraintes multiples

Y a-t-il un délai qu’on ne devrait pas dépasser lors d’une procédure de transfert ? La réponse n’est pas simple. Cela dépendra notamment du type de placement qui se trouve dans les comptes du client et des firmes en cause dans l’échange : cabinet indépendant, firme de courtage de plein exercice ou cabinet d’une grande institution financière.

Par exemple, les firmes de courtage de plein exercice ne sont pas assujetties aux mêmes règles que les cabinets en épargne collective. L’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) impose à ses courtiers membres de céder les actifs dans les 10 jours de compensation qui suivent la réception du formulaire de transfert par voie électronique (Règle 2300). Les transmissions se font par l’intermédiaire du système électronique ATON. Notons que dès qu’elle reçoit la demande de transfert d’un compte client, la firme doit également envoyer la liste des avoirs au courtier requérant dans un délai de deux jours.

Dans le cas des représentants en épargne collective qui travaillent dans des cabinets de services financiers, la règle est moins précise. Selon l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM), les parties doivent faire preuve de diligence et de promptitude pour faciliter le transfert du compte de manière ordonnée et dans les délais appropriés (Règle 2.12). Quant à l’Autorité des marchés financiers (AMF), son porte-parole confirme qu’il n’y a pas de délai prescrit pour effectuer le transfert d’un compte client d’une société à l’autre. «… mais l’Autorité s’attend à ce que cette opération se fasse dans un délai raisonnable pour ne pas causer préjudice aux actifs du client», souligne par courriel Sylvain Théberge.

«On souhaite que l’AMF réglemente les transferts d’actifs dans un délai fixé. Et le cabinet doit également être tenu pour responsable en cas de problème», affirme le président de l’APCSF. Selon Flavio Vani, un délai maximum de 10 jours ouvrables à la réception du formulaire par courriel ou télécopieur serait raisonnable.

«Deux, trois mois pour un transfert, ce n’est pas raisonnable. Il faut plus de balises, et selon la nature du produit de placement, on souhaite que les transferts se règlent en une dizaine de jours», affirme Radek Loudin, chef de la conformité chez Valeurs mobilières Desjardins.

«Une telle norme ne sera pas simple à respecter pour certaines petites firmes dont les procédures sont moins automatisées», croit Yves Néron, chef des opérations à la Financière Banque Nationale.

Variant selon le type de placement

Le délai de transfert dépend donc aussi de l’outil de placement qu’on souhaite rapatrier. «Ce n’est pas nécessairement de la mauvaise volonté de la part de la firme qui doit céder les actifs. Si le formulaire est mal rempli ou si certains titres ne sont pas transférables, cela peut ralentir le processus ou on ne pourra échanger qu’une partie des actifs. Les produits de type maison comme les fonds communs de placement de banque ou certains CPG peuvent également être problématiques. On pourrait avoir à les liquider. Il faut communiquer avec le client et lui demander son accord. Certains de ces placements ne sont pas remboursables avant l’échéance et ne peuvent être transférés», explique Radek Loudin.

«Tout ce qui est livraison physique, par exemple des lingots d’or, sera également plus long à transférer», rappelle Yves Néron.

«Dans le cas des CPG bancaires, qui sont parfois problématiques, on s’efforce de suivre les lignes directrices de l’Association des banquiers canadiens (ABC)», ajoute Yves Néron. Selon l’organisme, un instrument de dépôt transféré d’un régime enregistré devrait l’être en temps normal dans un délai maximal de sept jours ouvrables. En période de pointe, soit du 15 février au 31 mars, cela pourrait prendre jusqu’à 12 jours ouvrables.

Si le transfert s’effectue entre deux membres de l’OCRCVM, la procédure est uniformisée et généralement exécutée dans le délai prescrit de 10 jours ouvrables.

«À ma connaissance, au sein du système ATON, il y a peu d’exceptions. Les fonds communs de placement en sont une, puisqu’ils sont détenus en règle générale au nom du client, chez le manufacturier. Certaines sociétés de fonds n’ont pas des procédures aussi automatisées et on y utilise encore le télécopieur ou le courriel et le transfert sera plus long. Mais habituellement, 20 jours ouvrables suffisent, indique Yves Néron. Pour éviter de longs délais de traitement, on effectue des suivis périodiques après une semaine, après deux semaines, et ensuite de manière plus suivie. On appelle de deux à trois fois par semaine la partie cédante pour lui dire qu’il manque un ou plusieurs titres pour terminer le transfert.»

Communiquer avec le client avant

Selon Flavio Vani, avant d’autoriser le transfert, certaines firmes vont tenter de retenir le client ou du moins de communiquer avec lui afin d’en apprendre plus sur les motifs du départ. Si le formulaire T2033 signé par le client précise que le transfert doit être fait en espèces plutôt qu’en titres (biens), il importe que l’ancien conseiller agisse rapidement pour sécuriser la valeur des actifs en vendant les placements.

«Parfois, le conseiller n’agira pas avant d’avoir pu parler au client. Si deux mois passent et que les marchés baissent beaucoup, vous aurez un client très frustré», remarque Flavio Vani. Dans un tel cas, le client n’aura d’autre recours que de poursuivre le cabinet afin d’obtenir un dédommagement, ou encore de porter plainte contre le représentant à la Chambre de la sécurité financière (CSF).

«Si le transfert est très long et que la valeur des actifs a fondu, le client peut déposer une plainte officielle. On voudra aussi déterminer la cause de ce délai : le courtier fait-il preuve de mauvaise foi ou y a-t-il un problème lié au type de placement dans le compte», nuance Radek Loudin.

«Il est possible que certains conseillers retiennent les formulaires de transfert pour allonger le délai. Mais n’oublions pas que certaines situations nécessitent que l’on communique avec le client. Par exemple, si un T2033 demande un transfert en espèces et que ce faisant, le client réalise un gain en capital important, on voudra le joindre avant le transfert afin de s’assurer qu’il en est conscient», ajoute Guylaine Dufresne, directrice principale, Investissement et planification financière à la Banque Laurentienne.

Lorsqu’un représentant en épargne collective du cabinet BLC Services Financiers reçoit par la poste, par courriel ou par télécopieur un formulaire T2033, il l’envoie chez B2B Banque, l’entité qui s’occupe des transferts à la Banque Laurentienne.

«Nos conseillers ont alors 48 heures pour réagir avant que B2B ne traite la demande. Lorsque les choses traînent, ce peut être en raison d’un formulaire mal rempli. Les montants ou les titres ne correspondent pas au relevé, par exemple. Quand le document est rédigé à la main et que certains renseignements sont biffés, on ne peut pas l’accepter, car rien ne prouve que ce soit le client qui a demandé la correction», explique Guylaine Dufresne.

Manque de standardisation

Il semble aussi que la standardisation fait défaut au sein de l’industrie. Certaines firmes permettent à leurs conseillers de remplir à la main le formulaire de transfert. D’autres le feront électroniquement. Parfois, le cabinet exigera une copie originale du transfert et il faudra l’envoyer par la poste. C’est alors plus long. Dans certains cas, on acheminera le document par courriel ou par télécopieur à l’ancien conseiller.

«Certains nous diront qu’il faut envoyer le formulaire à Toronto. Chaque firme a son service de transfert. On nous laisse entendre qu’on n’a rien reçu. On doit faire des suivis téléphoniques et le transfert traîne», raconte Flavio Vani.

Pendant ce temps, les firmes de plein exercice, qui sont assujetties à la Règle 2300, utilisent le système de transfert électronique ATON qui uniformise le processus de transfert. «Une fois que le formulaire est saisi électroniquement par le conseiller, il est envoyé au service de transfert. Celui-ci entre la demande et les données dans le système ATON. Une requête est alors automatiquement envoyée au courtier qui cède les actifs», explique Radek Loudin, de VMD. Il faut compter habituellement quatre jours ouvrables pour envoyer des titres boursiers canadiens. Quand les titres ne sont pas nord-américains ou qu’ils sont négociés hors Bourse, cela peut être un peu plus long.

«Nous effectuons des milliers de transferts chaque mois et le délai moyen est de 10 à 15 jours ouvrables, ce qui se rapproche des normes d’ATON», précise Yves Néron.