En plus des attentes de l’industrie.

La distribution

Les fonds distincts et les fonds communs de placement, qui sont traités de façon différente par la réglementation, «me fatiguent beaucoup», explique Jean Carrier, vice-président, Conformité, chez Groupe financier Peak, qui estime qu’il faut mettre un terme à la réglementation par produit.

Jean Carrier aimerait ainsi qu’on cesse de créer des distinctions entre les conseillers québécois et leurs pairs du Canada anglais, où la situation n’est pas aussi tranchée, selon lui. Cela fait en sorte qu’au sein d’un même groupe financier, comme Peak, les conseillers sont traités différemment selon la province dans laquelle ils exercent.

Dans le même ordre d’idée, la question de l’incorporation des conseillers québécois, toujours interdite, devrait se régler, d’autant que des consultations ont eu lieu depuis bientôt trois ans sur la question et que rien n’a changé depuis.

Par ailleurs, la transparence pourrait être améliorée «en faisant comme aux États-Unis, où un projet de loi édicte que les conseillers doivent maintenant divulguer les « bonis de signature » perçus lorsqu’ils changent de courtier».

Ainsi, dans l’esprit des chantiers de la réglementation qui portent sur la divulgation de la rémunération, Jean Carrier estime qu’il serait opportun de ne plus passer sous silence les bonis que récoltent les conseillers lorsqu’ils transfèrent leur achalandage sous d’autres cieux.

À la Chambre de la Sécurité financière (CSF), le chef de la direction Luc Labelle nous écrit par courriel que «dans le cadre de l’importante révision quinquennale des lois touchant la distribution de produits et de services financiers, l’AMF veillera sans doute au renforcement de la nature multidisciplinaire de l’encadrement du marché. […] Par ailleurs, […] l’une des priorités de l’AMF pourrait être de poursuivre le raffermissement des collaborations disciplinaires entre l’AMF et la Chambre, dans le respect des mandats respectifs».

La conformité

«Je crois que pour M. Morisset, il faudra s’assurer que l’AMF continue dans le sens qu’elle poursuit depuis quelques années», dit Normand Leclerc, président et fondateur du consultant en conformité GNL Conseil.

À cet égard, l’effort de réglementation s’est bien déployé au cours des dernières années, et Normand Leclerc estime que le régulateur a gagné en maturité à cet égard. «Les règles sont plus précises, on laisse moins de place à l’interprétation et c’est beaucoup plus facile» de satisfaire les attentes de la réglementation.

Pour certains de ses clients, c’est une question de survie et de développement des affaires. «Peu importe avec qui les courtiers font affaire, tous s’attendent à ce que les procédures soient suivies», et tant les courtiers que les cabinets de services financiers ont besoin de soutien à ce chapitre.

Autre son de cloche chez le spécialiste de l’assurance Yves Le May. Conseiller juridique des assureurs depuis plusieurs décennies, Me Le May estime pour sa part que la lourdeur de la réglementation imposée aux compagnies d’assurance est telle «qu’il me semble indispensable aujourd’hui de prendre un temps d’arrêt et de rafraîchir le climat un peu trop oppressant qui s’est instauré».

Dans un mémoire rédigé récemment dans le cadre du projet de réforme de la Loi sur l’assurance, Yves Le May écrit ainsi que «les lignes directrices pleuvent tellement qu’elles prennent depuis plusieurs années une importance injustifiée par rapport à l’administration quotidienne.»

Pour l’avocat Serge Létourneau, spécialisé dans le litige en valeurs mobilières, la question du devoir fiduciaire est un des chantiers que l’AMF devrait mettre de côté. «C’est un concept de Common Law qu’on ne peut pas importer en droit civil». Au Québec, il y a déjà une obligation de loyauté envers le client. La notion de devoir fiduciaire existe dans la province, mais n’a pas la même connotation qu’on lui prête ailleurs au Canada. Au Québec, il s’agit plutôt d’avoir une responsabilité par rapport aux biens et au patrimoine qu’un fiduciaire gère pour le compte d’un client.

Au chapitre de l’harmonisation des règles entre l’assurance et l’épargne collective, «ce serait bien que ce soit réglé», mais ce n’est pas un problème important pour les investisseurs.

En faire plus pour l’industrie

Claude Perron, président du conseil de Gestion Cristallin, estime pour sa part que le régulateur pourrait se pencher davantage sur les carences de l’industrie montréalaise : le manque d’entrepreneuriat, la relève, l’accès à de nouveaux marchés, etc.

Ainsi, il juge le régulateur trop passif en ce qui concerne les dossiers industriels. «Il pourrait être plus proactif. Parce que le régulateur a une connaissance plus globale de ce qui se passe dans le marché, je m’attendrais à ce qu’il en fasse plus pour promouvoir l’industrie», dit-il.

Le fait de mesurer l’efficacité de la réglementation, d’évaluer son impact sur l’industrie et de rechercher les aménagements qui peuvent être apportés serait d’un grand secours pour plusieurs, dit encore Claude Perron. «Est-ce qu’on fait un examen des conditions de marché pour les gestionnaires ? Est-ce que le régulateur soulève les carences dans l’industrie montréalaise ? J’aimerais qu’il se fasse plus de travail sur ce sujet», poursuit Claude Perron.

Deux chantiers structurels sont particulièrement importants pour le spécialiste de valeurs mobilières Stéphane Rousseau, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.

Ainsi, la protection des sociétés publiques lors d’une offre d’achat hostile est une importante question de politique publique.

Des sociétés visées par une offre hostile sont mal protégées par la réglementation, estime celui qui est également administrateur de la CSF.

Alors qu’il était surintendant du marché des valeurs, Louis Morisset expliquait que le but du projet de règlement déposé plus tôt ce printemps visait notamment à donner un plus grand rôle aux conseils d’administration. Dans le contexte actuel, ils sont confinés au rôle d’encanteur des sociétés.

L’autre dossier chaud est «la préservation des compétences provinciales en valeurs mobilières». Le gouvernement fédéral ne semble pas avoir abandonné l’idée d’une commission unique, dit encore Stéphane Rousseau, et il ne serait pas étonnant qu’il revienne à la charge.