Le tribunal affirme ainsi que le Bureau a mal interprété la législation lorsqu’il s’est attaqué aux frais qu’exigent Mastercard et Visa aux commerçants. Les détails du jugement demeurent toutefois confidentiels.
« Je suis déçu de la décision du Tribunal de rejeter notre demande, commente John Pecman, commissaire de la concurrence, dans un communiqué. Néanmoins, le Tribunal a reconnu dans sa décision qu’il était pertinent de mener cette affaire devant le Tribunal et a constaté que le comportement de Visa et MasterCard a eu un effet négatif sur la concurrence. Nous étudierons attentivement le jugement afin de déterminer la suite des choses. »
Le Bureau de la concurrence affirmait que Visa et MasterCard, qui contrôlent 90% du marché de la carte de crédit, imposaient des règles trop sévères aux commerçants. Cette concentration engendrerait des coûts plus élevés pour les petites entreprises et les consommateurs.
Les coûts imposés aux détaillants sont parmi les plus élevés du monde, estimés à 5 G$ par année, selon le Bureau.
Pour chaque transaction qu’effectue un consommateur, un marchand doit payer une redevance d’entre 1,5% et 3%. Le Bureau affirme aussi que les consommateurs qui paient comptant se trouvent désavantagés, car le coût des transactions par carte de crédit est redirigé vers tous les consommateurs.
Dans un résumé des conclusions du tribunal préparé par le greffe, on indique toutefois que l’interprétation de l’article 76 de la Loi sur la concurrence, portant sur le maintien des prix et plaidé par le commissaire, n’était pas étayée par la jurisprudence.
Le tribunal a également noté que «la meilleure réponse aux préoccupations soulevées par le commissaire consiste en un cadre réglementaire» et que ces nouveaux règlements devraient être élaborés «dès que possible».
L’intervention d’Ottawa demandée
Même si elle est déçue de la décision, la Coalition québécoise contre la hausse des frais de transaction par carte de crédit et de débit voit dans ce commentaire un argument pour solliciter l’intervention d’Ottawa. Elle demandera au gouvernement de produire une étude indépendante pour connaître l’impact des frais de transactions demandées par les grandes sociétés de carte de crédit.
« C’est difficile d’avoir l’heure juste », commente Léopold Turgeon, président Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), qui est membre de la coalition. « Certains parlent d’un impact de 5 G$, d’autres de 9 G$. Il y a beaucoup de facteurs qui peuvent influencer les coûts.»
M. Turgeon met cependant Ottawa en garde. Si le gouvernement impose une limite au prix des transactions, la loi devra s’assurer que les grandes sociétés de cartes de crédit ne pourront pas se reprendre en exigeant d’autres frais.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) est déçue, elle aussi, de la décision. Le lobby des petites entreprises demande à Ottawa de renforcer le Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit.
« Les consommateurs et les commerçants sont du même côté dans ce différend, commente Martin Hébert, vice-présidente pour le Québec. Peu de Canadiens savent qu’ils paient de 5 à 7 milliards de dollars chaque année en frais de traitement des paiements par carte de crédit. En fin de compte, ces coûts sont reflétés dans les prix, ce qui augmente le prix des achats de tous les consommateurs.»
Philippe Viel, porte-parole de l’Union des consommateurs, croit lui aussi que ce sont les citoyens qui écopent de cette situation. Sortir les frais des cartes de crédit des produits en indiquant clairement au consommateur ce qui lui en coûte par opération pourrait être une bonne option à ses yeux.
Heureux pour les consommateurs
Au contraire, l’Association des banquiers canadiens (ABC), pour sa part, affirme que le jugement est une victoire pour les consommateurs. « Cette décision signifie que les consommateurs pourront toujours choisir comment utiliser leurs cartes de crédit et continuer à profiter des avantages connexes qu’ils apprécient, répond M. Terry Campbell, président de l’Association des banquiers canadiens. C’est une excellente nouvelle pour les consommateurs au pays. »
Caroline Arel, directrice par intérim d’Option consommateurs, pense aussi qu’un jugement favorable au Bureau de la concurrence aurait été défavorable aux consommateurs. « Par ailleurs, à l’heure du commerce électronique, il faut souvent utiliser la carte de crédit pour payer certains biens ou services, par exemple les billets d’avion. Les consommateurs auraient pu devoir payer davantage lorsqu’ils magasinent en ligne. »
Avec la PC