On y fait d’abord un tour d’horizon de ce que représente l’évasion fiscale au Canada et ailleurs dans le monde. Et on découvre qu’on en sait peu de choses.

Selon un groupe, l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux s’élève à 12 billions de dollars à l’échelle planétaire, selon un autre entre 5 et 38 billions de dollars.

Au Canada, Canadiens pour une fiscalité équitable calcule que l’évasion fiscale fait perdre au fisc canadien entre 5,3 et 7,8 G$ par an.

Les autres sections traitent des stratagèmes grâce auxquels les individus et les entreprises peuvent frauder le fisc, comment les gouvernements, tant au Canada qu’à l’international, peuvent contrer ces pratiques déloyales, notamment par les programmes bilatéraux d’échange d’information.

Mordre les conseillers

Élément notable, certains intervenants ont fait valoir qu’il faudrait s’en prendre davantage aux conseillers financiers et fiscaux.

Par exemple, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires, peut-on lire dans le rapport, juge que «l’imposition d’amendes plus élevées aux conseillers dont les clients sont reconnus coupables de fraudes fiscales aurait pour résultat de les décourager d’imaginer des stratagèmes de fraude fiscale».

Il existe par ailleurs le programme de divulgation volontaire, que les conseillers financiers auraient tout intérêt à faire valoir auprès de leurs clients, juge Me Charles Marquette, avocat fiscaliste et associé chez Borden Ladner Gervais, à Montréal, et que Finance et Investissement a interviewé.

Ce programme encourage les contribuables qui ont «caché» de l’argent au fisc à le déclarer sans encourir de pénalité.

«Étant donné que, dans la plupart des cas, l’argent revient au pays et fait son chemin jusque chez le conseiller, celui-ci se retrouve avec un plus gros actif sous gestion», fait valoir Me Marquette.

Par contre, Me Marquette déplore qu’au cours des cinq dernières années, le processus de divulgation soit devenu punitif en soi, à cause de l’excès de zèle qu’on y déploie, surtout au Québec.

Enfin, la dernière partie du rapport met de l’avant 11 recommandations dont le thème dominant concerne la cueillette et l’échange de renseignements.

Une mesure qui se détache propose que le fédéral lance un programme de dénonciation avec récompense pour les délateurs dont les révélations mènent à la perception d’impôts impayés.

Exercice de PR

Les réactions face à ce chapitre clé ont un aspect commun : la déception.

«Je suis moins qu’impressionné», lance Thomas Cardamone, directeur de Global Financial Integrity (GFI), à Washington.

«C’est un grand exercice de relations publiques», juge Messaoud Abda, expert en lutte contre la criminalité financière à l’Université de Sherbrooke.

Le principal problème de ces recommandations, c’est qu’il s’agit dans plusieurs cas de mesures que le gouvernement pratique déjà, par exemple les accords d’échange de renseignements fiscaux (AERF), fait ressortir Me Marquette.

De vraies mesures

On n’éliminera pas l’évasion fiscale. Quelques mesures essentielles pourraient en enrayer une majeure partie, mais aucune n’est mise de l’avant dans les recommandations du rapport.

Une première mesure consisterait en la mise en place au Canada d’un programme comme le Foreign Account Tax Compliance Act des États-Unis, un programme «révolutionnaire», juge Thomas Cardamone.

Ce programme, auquel le Canada pourrait tout simplement adhérer, exige que toute banque étrangère qui détient un compte d’un Américain fasse rapport des activités de ce compte au Internal Revenue Service en fin d’année.

Une taxe de 30 % sur tout intérêt gagné dans ce compte est imposée à tout contribuable qui refuse de collaborer.

Une seconde mesure, mise de l’avant tant par Canadiens pour une fiscalité équitable que par GFI, exigerait que les entreprises multinationales déposent un rapport financier pour chaque pays où elles font affaire.

Les entreprises rédigent d’ailleurs de tels rapports nationaux, mais tout ce détail est ensuite dilué dans un seul rapport consolidé.

«On peut cacher beaucoup de choses quand on consolide les activités qu’on mène dans 60 pays !» lance Thomas Cardamone.

Une troisième mesure imposerait aux institutions financières d’associer à tout compte le nom de son bénéficiaire réel et final ; plus de prête-nom ou d’avocat agissant au nom d’un tiers, une pratique qui permet de noyer le poisson dans une chaîne interminable de coquilles et de sociétés-bidon.

Enfin, Messaoud Abda propose une mesure radicale, qui n’est malheureusement au programme d’aucun pays : la réduction de la ponction fiscale.

Le rapport du Comité des finances «s’attaque aux symptômes, dit-il, et non au fond du problème, qui est qu’on paye 55 cents de taxes sur chaque dollar gagné. Je ne connais pas de Suisse qui se plaigne de la fiscalité de son pays, parce qu’elle est légère et adaptée.»