L’impôt minimum de remplacement est un impôt qui fait l’objet d’un calcul séparé lors de chaque déclaration de revenus. En fait, on l’oublie souvent parce que la plupart du temps, son effet est nul.
Chaque déclaration de revenus comporte deux calculs d’impôt : un impôt réellement dû et l’IMR. Lorsque l’IMR est supérieur à l’impôt dû, c’est le montant de l’IMR qui doit être payé dans l’année. L’excédent est remboursable sur une période de sept ans par la suite.
Par exemple, si le calcul d’impôt régulier donne 10 000 $ et que l’IMR donne un résultat de 60 000 $, un montant de 60 000 $ (le maximum des deux) doit être envoyé aux autorités fiscales.
L’impôt dû étant de 10 000 $, un excédent de 50 000 $ pourra être remboursé au fil des années suivantes dans la mesure où l’IMR est inférieur à l’impôt régulier. Dans notre exemple, si l’année suivante, le calcul d’impôt régulier donne un résultat de 50 000 $ et que celui de l’IMR donne 35 000 $, ce sont 15 000 $ qui pourront être récupérés dès ce moment. Il resterait donc six autres années pour récupérer les 35 000 $ qui restent.
Retour vers le futur
D’abord, pourquoi l’IMR existe-t-il ?
L’IMR a été instauré en 1986 à la suite des critiques selon lesquelles beaucoup de personnes ayant des revenus élevés ne payaient pas (ou peu) d’impôt. On a alors donné l’illusion aux détracteurs que de l’impôt serait payé chaque année. Mais, comme il ne s’agit que d’un impôt temporaire, on pourrait croire que les impacts ne sont pas significatifs et que les détracteurs ont été leurrés, en quelque sorte. Est-ce vraiment le cas ?
Avant de poursuive, voyons comment se fait le calcul de l’IMR, de façon grossière.
Premièrement, l’IMR a pour but de réduire certains avantages fiscaux, notamment la fameuse «déduction pour gain en capital» (DGC), lorsque des actions admissibles de petite entreprise (ou du matériel agricole ou de pêche) sont vendues. Pour cette raison, le revenu imposable est ajusté à l’aide d’un taux d’inclusion plus élevé que 50 % des gains (ou des pertes) en capital dans le revenu imposable. Au fédéral, cette inclusion est de 80 %, et au Québec, elle est de 80 %.
De plus, les dividendes reçus ne sont pas majorés. Une autre modification importante au revenu imposable consiste à accorder une déduction de 40 000 $. D’autres ajustements techniques sont également apportés.
Deuxièmement, un seul taux d’imposition est appliqué. Ce taux est de 15 % au fédéral et de 16 % au Québec. Noter qu’il correspond au palier d’imposition inférieur dans les deux cas.
Troisièmement, les crédits non remboursables de base sont soustraits de l’impôt calculé précédemment. Le résultat donne le fameux IMR. On le comparera, par la suite, à l’impôt standard et on utilisera le maximum des deux valeurs.
Quand je parle des crédits «de base», je fais référence à l’ensemble des crédits qui font l’objet d’une multiplication par 15 % au fédéral et par 20 % au Québec, en plus du crédit pour dons. Au fédéral, noter que le crédit pour revenu de pension ainsi que les crédits transférés d’une autre personne doivent être exclus du calcul. Le même principe s’applique au Québec.
Ce qui est important, sur le plan des crédits, c’est d’être conscient du fait que certains sont expressément exclus du calcul de l’IMR. Par exemple, le crédit pour dividendes, celui pour cotisation à un fonds de travailleurs ainsi que celui pour des contributions à un parti politique ne réduisent pas l’IMR. Les crédits d’impôt relatifs à l’investissement ainsi que l’impôt étranger font l’objet d’ajustements.
Une fois l’IMR calculé, c’est ce montant qui sert au calcul de l’abattement du Québec au niveau de l’impôt fédéral. L’IMR est ni plus ni moins qu’un montant d’impôt qui, à une certaine étape, remplace celui résultant du calcul standard. Une fois ce remplacement fait, le reste des calculs se fait normalement, par exemple le calcul des crédits remboursables.
Exemple simple
Illustrons par un exemple simple un calcul d’IMR au niveau fédéral. Supposons que le seul revenu de Paul, cette année, résulte de la vente des actions admissibles de sa société au prix de 1 000 000 $, en plus d’un dividende ordinaire de 100 000 $. Pour simplifier, disons que le produit de base rajusté (PBR) de ces actions est nul. Disons également qu’il n’a droit à aucune déduction courante, mais qu’il peut utiliser la DGC au maximum.
Examinons d’abord le calcul régulier.
Son «revenu total» aux fins fiscales est de 617 000 $, soit la partie imposable de son gain en capital de 500 000 $ auquel on ajoute un dividende majoré de 117 000 $. Son «revenu net» est aussi de 617 000 $, car il n’a aucune déduction à appliquer à cette étape.
S’il n’avait pas droit à l’exonération de gain en capital, la facture serait salée… Heureusement, il utilisera cette exonération pour réduire son revenu imposable. Le montant maximal de cette exonération, en 2016, est de 824 176 $. Cela signifie que la déduction de son revenu sera de 50 % de ce montant, soit 412 088 $. Son revenu net de 617 000 $ passe donc à un revenu imposable de 204 912 $.
Sous forme de tableau, le reste des calculs se détaille ainsi :
Revenu imposable 204 912 $
Impôt de base selon les tables 47 938 $
Crédits non remboursables de base (1 721 $)
Crédit pour dividende (ordinaire) (12 310 $)
Impôt fédéral avant abattement 33 906 $
Si on appliquait l’abattement du Québec sur ce montant, Paul aurait une facture réelle de 28 312 $, soit 83,5 % de 33 906 $.
Dans le calcul final, c’est le montant de 33 906 $ qui sera comparé au résultat du calcul de l’IMR.
Pour l’IMR, les calculs sont effectués comme suit :
Revenu imposable régulier 204 912 $
Inclusion à 80 % du gain en capital 300 000 $
Soustraction de la majoration du dividende (17 000 $)
Déduction de 40 000 $ (40 000 $)
Revenu imposable selon l’IMR 447 912 $
Impôt de base (15 %) 67 187 $
Crédits non remboursables de base (1 721 $)
Crédit pour dividende ordinaire 0 $
IMR 65 466 $
C’est ici que la substitution se fait. L’IMR de 65 466 $ est supérieur de 31 560 $ à l’impôt régulier de 33 906 $. C’est donc 65 466 $ qui sera utilisé pour le reste des calculs d’impôt. Par exemple, l’abattement du Québec serait de 16,5 % de ce montant, soit 10 802 $ pour un impôt à payer de 54 664 $.
La trace de ce qui a été «payé en trop», c’est-à-dire l’excédent de l’IMR sur l’impôt régulier (31 560 $ dans notre exemple) se fait avant l’abattement, et c’est cette portion qui pourra être récupérée dans les sept années suivantes, dans la mesure où l’impôt régulier excède l’IMR.
Nous analyserons, dans une prochaine chronique, les impacts de l’IMR pour savoir dans quelle mesure les réflexes habituels sont bénéfiques pour le client ou s’il n’y aurait pas matière à amélioration… Qui sait ?